PETITES PIEUVRES EN COUVEUSES - L'Infirmière Magazine n° 381 du 01/04/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 381 du 01/04/2017

 

NÉONATOLOGIE

ACTUALITÉS

ÉTABLISSEMENTS

Sandrine Lana  

Leurs tentacules colorés se sont glissés dans de nombreux services de prématurés en France. Le service de néonatologie du CHI Aix-Pertuis (13) a sauté le pas le mois dernier, et accueilli ses premières pieuvres « thérapeutiques ».

Au service de néonatologie du centre hospitalier intercommunal Aix-Pertuis, huit petites pieuvres aux tentacules bariolés ont trouvé leur place auprès des prématurés depuis un mois. Placées à proximité directe des mains des nourrissons, elles sont tout autant source de réconfort qu’une aide thérapeutique : « On place les tentacules de la pieuvre à côté du visage de l’enfant. Il s’y agrippe naturellement au lieu de toucher à sa sonde d’intubation ou naseau-gastrique, ce qui peut faciliter leur manipulation par les infirmières », précise Laetitia Fichet, auxiliaire en puériculture de nuit et initiatrice du projet pour le CH.

Lancée au Danemark en 2013, l’idée est rapidement récupérée par Jacqueline Vandrebeck, une Néerlandaise installée en France : les pieuvres sont conçues par des crocheteuses bénévoles et offertes aux hôpitaux partenaires qui reçoivent des prématurés fragiles ou malades. « En mars 2015, j’ai présenté le projet à l’hôpital de Fontainebleau (77), c’est là que tout a commencé », détaille la responsable de l’association Petites pieuvres sensation cocon(1). Depuis, le projet s’étend à travers le territoire.

Passé au crible

Conçues de manière à satisfaire le besoin d’agrippement des nouveau-nés, les petites pieuvres sont dotées d’une grosse tête ronde ou ovale et de tentacules longs de 13 à 20 cm, pour éviter tout risque de strangulation. De plus, les cotons choisis – une liste est disponible sur leur site – préviennent tout risque d’allergie. Le protocole de fabrication étant très strict, toutes les pieuvres n’arrivent pas jusqu’à la couveuse. « Chaque hôpital compte une ambassadrice qui reçoit les pieuvres, vérifie que les mailles sont bien tendues, que les tentacules sont conformes avant de les laver à 60° et de vérifier à nouveau leur résistance, précise Laetitia Fichet Tout est bénévole. Nous ne fournissons pas le coton, ni ne remboursons les frais d’envoi. Parfois, certaines associations proposent d’envoyer du fil aux personnes désireuses de participer au projet. »

Du côté du service, les retours des infirmières sont favorables bien qu’il soit encore trop tôt pour dresser un premier bilan. Cependant, « avoir quelque chose de personnalisé à donner à l’enfant est une bonne chose, surtout pour les parents, mais moins pour les soins, car nous avons nos habitudes », témoigne Fabienne. Les pieuvres finiront-elles par remplacer la main des infirmières ? « Loin de là, répond Jacqueline Vandrebeck. Elles sont là pour aider les soignants. » Au CHU, les soins se réalisent en binôme mais « les petites pieuvres pourront peut-être un jour être utiles au soin », note l’infirmière. Pas question non plus de se substituer à la présence des parents. « Nous savons que les pa?rents ne peuvent pas être là 24 h/24. La pieuvre permet d’être en permanence avec l’enfant sans les remplacer. »

Aujourd’hui, il est difficile de quantifier le nombre de crocheteuses bénévoles sur l’ensemble du territoire. Sur les réseaux sociaux, on en compte plus de 4 000. Celles-ci peuvent donner un nom à leurs pieuvres et laisser leurs coordonnées à l’aide d’un petit mot annexé à ce « doudou » thérapeutique. « Des parents ont même envoyé un faire-part de naissance à “leur” crochetteuse », se réjouit Laetitia Fichet.

1- petitepieuvre-sensationcocon.weebly.com

MODE D’EMPLOI

Des pieuvres en service

Les pieuvres sont présentes dans une trentaine d’hôpitaux en France. Il faut compter plusieurs mois entre la proposition du projet et leur arrivée dans un service, comme l’indique Laetitia Fichet, auxiliaire en puériculture au CH Aix-Pertuis (13) : « La première étape est de contacter l’ambassadeur de sa région ou Jacqueline Vandrebeck. Le projet est alors présenté au cadre de santé ou au chef de service. S’il y a accord, l’hôpital signe une convention qui l’engage à respecter le fonctionnement de l’association, à savoir qu’une pieuvre n’est jamais reprise à un enfant et qu’elle est gratuite. Il faut ensuite fédérer un réseau de crocheteuses. J’ai mis quatre mois à réunir 22 personnes… C’est un projet qui demande beaucoup de patience et de temps. L’ambassadeur peut passer environ 5 heures par semaines à contrôler les pieuvres, les laver, avant de les fournir à l’hôpital. »