L'infirmière Magazine n° 382 du 01/05/2017

 

RECHERCHE

DOSSIER

Isabelle Fromantin  

infirmière PhD, Institut Curie

Comment aborder la recherche infirmière aujourd’hui en profitant pleinement de ce qu’elle a à offrir, tout en permettant à chacun d’y trouver sa place ?

Retour sur un futur où nous parlerons plus globalement de la recherche en soins, ou de recherches menées par des soignants. Car la recherche infirmière se sera intégrée à la pratique clinique, comme un outil à part entière, ayant pour but d’améliorer la qualité des soins. Certes, cela impose d’en acquérir la démarche, associée à quelques moyens. Mais lorsque l’on voit la formidable évolution de notre métier sur les cent dernières années, il n’est nul doute que nous avons les capacités et l’énergie d’intégrer cette compétence.

Le seul risque serait d’en perdre le sens en s’éloignant du patient, ou en intellectualisant à outrance cette démarche. Car la recherche n’est pas un concept, bien au contraire. Elle peut être appliquée, relever des soins courants, de la recherche translationnelle (où se mixent chercheurs et cliniciens) ou être abordée sous un angle plus fondamental. Elle permet non seulement de produire de la connaissance, mais aussi des innovations pratiques et utiles, ainsi que de la valeur.

Construire ensemble

Chacun peut donc y trouver sa place, avec l’opportunité de construire ensemble, au-delà de nos compétences infirmières, en complémentarité avec les autres professions paramédicales, les médecins et les chercheurs. En effet, chaque projet est l’occasion de créer un groupe, au-delà des murs d’un service ou d’une structure. La recherche en soins peut être réalisée avec des kinés, des aides-soignantes, des orthophonistes, des diététiciennes… Car pour aborder une problématique, il est nécessaire de s’entourer d’autres savoir-faire, d’autres points de vue. Travailler ensemble, avec nos différences, rend un projet plus riche. Le travail intercentre est également l’un des b.a.-ba de la recherche. Il permet non seulement de valider des hypothèses, mais aussi de créer des échanges structurants et de sortir de la microsphère d’un service de soins.

Sans doute deux ou trois générations seront nécessaires pour bousculer les réticences des uns et la frilosité des autres à comprendre l’intérêt de ces recherches ; pour arriver finalement à des évidences :

– qu’une recherche médicale de pointe doit être adossée à une recherche en soins toute aussi performante pour que les malades soient encadrés efficacement ;

– que nous avons une place à prendre dans le choix des évolutions techniques et technologiques de notre profession ;

– que les études relatives à l’organisation des soins ou à la qualité de vie au travail sont nécessaires pour s’adapter à un monde qui change.

Mener ces travaux est de notre responsabilité. Car ces sujets seront abordés avec d’autant plus de pertinence et d’imagination, vers la recherche de solutions nouvelles, s’ils sont construits et menés par des soignants.

Le futur nous fera comprendre que la recherche est également un moyen de valoriser ce que nous faisons par des productions (communications, publications, brevets, etc.), mais aussi par l’obtention de financements académiques (ex : programme hospitalier de recherche infirmière et paramédicale), industriels (partenariat) ou émanant de fondations ou mécénats. Des valorisations qui nous permettront de développer des activités non financées même si elles sont utiles, car considérées comme non prioritaires ou non évaluées. Elles imposent de s’intéresser aux financements, d’inventer des circuits fléchés dans nos institutions, même si nos métiers ne nous ont pas préparés à gérer ces paramètres. Cette valorisation est pourtant l’un des gages d’une pratique plus autonome qui nous donnent l’opportunité de mener des travaux, de développer des innovations qui peuvent elles-mêmes générer des économies tout en favorisant la qualité des soins, ou encore apporter la preuve de l’intérêt d’une pratique ou d’un parcours de soins. L’acquisition de connaissances n’a d’intérêt que si elle est transmise pour que les générations suivantes progressent et nous dépassent. Si chacun partage ce qu’il fait, en complément des formations proposées, la recherche en soins ne peut que progresser, dans le but de mieux soigner.

DATES CLÉS

→ Années 1970 : la recherche infirmière est introduite en France comme un moyen d’amélioration de la qualité des soins.

→ 1975 : naissance des Cahiers de l’Amiec, première revue de recherche infirmière.

→ 1983 : création de l’Arsi (Association de recherche en soins infirmiers), qui crée en 1985 la revue Recherche en soins infirmiers.

→ 1996 : publication par le Conseil de l’Europe de recommandations sur la recherche infirmière (n° R.96.1).