L'infirmière Magazine n° 383 du 01/06/2017

 

SUR LE TERRAIN

MON QUOTIDIEN

DR MICHEL JANIER  

PROFESSEUR AU COLLÈGE DE MÉDECINE ET CHEF DU SERVICE DE DERMATOLOGIE, HÔPITAL PARIS SAINT-JOSEPH

Avec l’arrivée des beaux jours, on est parfois incommodé par ses propres odeurs corporelles ou celles des autres. Comment y remédier ?

Odeurs de transpiration, odeurs de pieds, mains moites… L’osmhidrose (l’odeur de la sueur), propre à chaque individu, peut être très gênante, surtout pour ceux qui sont plus sensibles que d’autres aux odeurs. Les odeurs corporelles, principalement celles de sueur, sont dues à la transformation bactérienne de la sueur. Vivant à la surface de la peau, les bactéries sont plus nombreuses au niveau des zones poilues et humides, comme les aisselles ou les organes génitaux. Ainsi, lorsque le corps transpire – un phénomène normal, au départ inodore, qui permet de réguler notre température corporelle –, les bactéries absorbent la sueur et produisent des gaz malodorants plus ou moins prononcés selon les individus. « Pour devenir une odeur, explique Isabelle Fromantin, infirmière à l’Institut Curie, le composé odorant doit être capté par le système olfactif qui le transforme en un message perceptible par le cerveau. » Et « devant les mauvaises odeurs, notre esprit se ferme ainsi que notre tolérance », rappelle Céline Kovaes, infirmière, dans son mémoire de fin d’études(1).

« Si les odeurs corporelles sont génétiquement déterminées, elles peuvent aussi dépendre d’autres facteurs comme l’alimentation, par exemple lorsqu’on mange beaucoup d’ail, explique le Dr Janier, chef du service de dermatologie à l’hôpital Paris Saint-Joseph. Et en cas d’hyperhidrose malodorante, il est nécessaire d’avoir un traitement à base d’antibiotiques locaux, qui fonctionne d’ailleurs très bien. » Principale cause d’odeurs corporelles gênantes : la mauvaise hygiène. Car « on peut se laver régulièrement, mais mal se laver. Ou se rincer au lieu de se laver », note Isabelle Corset, infirmière référente en dermatologie à l’hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP). Ainsi, face à un patient sans pathologie pouvant entraîner une odeur forte, il est utile de le prendre à part et lui demander de décrire ses gestes d’hygiène, leur fréquence et le rinçage. Les gens souvent ne se rendent pas compte de leur odeur corporelle ou de leur mauvaise haleine. Il faut donc y aller avec diplomatie.

1- http://bit.ly/ 2prLBNV, « L’influence des odeurs sur la qualité des soins », Céline Kovaes.

LES BONNES PRATIQUES

→ Laver et changer régulièrement ses vêtements, sous-vêtements et chaussettes. Et préférer les matières naturelles aux synthétiques.

→ Utiliser un antiperspirant qui bloquera la transpiration. Les antisudorifiques peuvent réduire les glandes apocrines, mais ils ont des effets secondaires.

→ Si les poils n’ont pas d’action avérée sur les odeurs, ils favorisent néanmoins leur macération. Le rasage, notamment des aisselles, peut donc aider.

→ Ne pas hésiter à consulter si les odeurs persistent malgré les traitements.

→ Opter pour les poudres absorbantes pour les pieds en cas d’hypersudation.

→ S’hydrater régulièrement, particulièrement en période de fortes chaleurs.

Et si c’était plus grave ?

→ On parle d’hyperhidrose pour décrire la transpiration excessive et gênante. Mais attention, celle-ci peut être causée par un trouble hormonal (hyperthyroïdie, ménopause, diabète, etc.) ou être liée à une anxiété, un épisode de surmenage ou un choc émotionnel. Une simple odeur peut cacher une vraie pathologie : « La sueur, le sébum, le mucus des voies nasales, de la gorge et des poumons, les urines, les fèces, les sécrétions vaginales, le suintement des plaies et les tissus en décomposition, sont tous des éléments odorants qui peuvent donner des signes aux soignants », note Hélène Duperret Dolange, cadre de santé(1). Mais « s’engager dans une profession soignante, c’est apprendre d’abord qu’il faudra affronter la mort, la souffrance, la douleur, la peur ; qu’il faudra faire face aux larmes, à la sueur, aux excréments, aux odeurs… qu’il faudra essuyer les larmes, laver la sueur, débarrasser le malade de ses excréments […] Alors, si l’on veut pouvoir établir une bonne relation d’aide, il faut travailler sur soi-même, apprendre la tolérance, savoir écouter et comprendre la souffrance du malade (souffrance morale, lorsqu’il s’agit d’odeur gênante) ».

1- http://papidoc.chic-cm.fr/542NezDuSoignant.pdf