L'infirmière Magazine n° 383 du 01/06/2017

 

NÉONATOLOGIE

ACTUALITÉS

ÉTABLISSEMENT

Marie-Capucine Diss  

Inauguré en avril dernier au CHU de Bordeaux (33), le « cordon numérique » permet d’enregistrer et d’envoyer chaque jour aux parents une vidéo de leur nouveau-né. Un lien inédit.

Christelle Lecomte, cadre de santé du service de néonatologie au CHU de Bordeaux, lance régulièrement un regard vers l’écran tactile grand format qui orne le mur de son bureau. Ce « BB Wall » renvoie une vision simultanée de 16 des berceaux du service, tous équipés d’une caméra. L’objectif n’est pas de surveiller l’état de santé des nouveau-nés, mais d’être en mesure de capter un instant privilégié. Son regard est attiré par un berceau dans lequel on vient de placer deux jumeaux âgés d’une quinzaine de jours. La cadre se rend dans le service pour prévenir la sage-femme qu’elle va réaliser un enregistrement. Elle réajuste les sondes et les couvertures des bébés. De retour à son bureau, en effleurant l’écran, elle crée une vidéo de trente secondes. Quelques minutes plus tard, les jeunes parents sont informés, par SMS et par mail, que leur vidéo du jour a été envoyée.

Des instants de vie

Le service de néonatologie pédiatrique de Bordeaux, référent en chirurgie digestive, accueille les prématurés ou nouveau-nés de l’ensemble de la Nouvelle-Aquitaine. Un séjour qui peut varier de quelques jours à plusieurs mois. Qu’il s’agisse d’une mère hospitalisée suite à un accouchement ou de parents éloignés géographiquement, les vidéos quotidiennes du « cordon numérique » permettent d’entretenir le lien avec son enfant… ou de faire connaissance avec lui, comme pour cette maman qui a accouché sous anesthésie générale à Poitiers et dont le bébé a été transféré en urgence à Bordeaux. « Ce qui est intéressant, résume Christelle Lecomte, c’est de capter des moments de vie du bébé, quand il est éveillé, quand il sourit, quand il bouge. On enregistre de vrais moments de bonheur. » Un moyen également de permettre aux aînés des fratries de se familiariser avec leur petit frère ou petite sœur. Originaire d’Agen, une jeune maman, qui a pu rester à Bordeaux avec son bébé, se félicite de l’existence du dispositif pour son conjoint qui a dû reprendre le travail : « Cela lui permet de garder le contact, même si évidemment, c’est différent. En le regardant s’éveiller, il a l’impression d’être un peu plus présent. »

Un dispositif qui se situe dans la continuité de la philosophie de l’unité, estime le chef de service, Jean Sarlangue : « Nous avons fait le choix d’un service ouvert. Les parents peuvent venir 24 h/24. Il y a un droit de visite pour la fratrie et les grands-parents, hors période hivernale. La question de l’attachement est très importante pour nous. » Une première version du cordon numérique, avec un polaroïd et des allées et venues vers la maternité, a vu le jour il y a déjà une quinzaine d’année. Puis l’implication de l’association Aquitaine destination a permis d’avoir recours à une webcam reliée à la maternité via une tablette numérique. Un dispositif trop chronophage pour les sages-femmes. La start-up Hopen Project a ensuite travaillé sur une solution plus adaptée. Des premiers essais ont été réalisés à l’été 2016. Puis le service a été peu à peu équipé. Aujourd’hui, l’unité compte 16 caméras pour 27 lits. Un nombre suffisant, car les parents ne sont pas tous éloignés de leur enfant. Une quarantaine de professionnels, actuellement formés par Christelle Lecomte, seront amenés à utiliser ce dispositif encore inédit en France.

SÉCURITÉ DES DONNÉES

Un « BB Wall » privé

Ce projet a pu se concrétiser grâce à une levée de fonds réalisée par l’association Aquitaine destination (115 000 euros nécessaires à sa mise en place) et à la solution technique apportée par une start-up locale, Hopen Project. Via le « BB Wall », un compte est associé à chaque enfant. Créé par la cadre de santé, ce compte est lié à un prénom, une date de naissance, un nom de parent, un numéro de téléphone et une adresse mail. Le CHU gère un flux d’images et n’en conserve aucune. Les vidéos enregistrées sont envoyées aux parents et stockées dans un serveur extérieur, certifié pour la conservation de données médicales. Les parents en ont la propriété exclusive. S’ils veulent les télécharger, ils doivent le faire avant la sortie de l’hôpital de l’enfant : les vidéos qui lui sont associées sont alors détruites.