L'infirmière Magazine n° 383 du 01/06/2017

 

CHIRURGIE D’URGENCE

DOSSIER

Sandra Mignot  

Aux Hospices civils de Lyon, l’unité de chirurgie d’urgence a amélioré son travail en binôme à l’occasion d’un déménagement. AS et IDE gagnent en qualité d’information.

Un déménagement se limite rarement à un simple changement de décor. Après avoir pris possession de ses nouveaux locaux, l’unité de chirurgie d’urgence du centre hospitalier Lyon-Sud a ainsi décidé de repenser son organisation. Une nécessité puisque dans la foulée, l’unité perdait ses agents de service hospitaliers (qui géraient notamment le petit déjeuner) tout en passant de 18 à 20 lits. « D’une organisation en deux secteurs, plus un binôme qui se chargeait des entrées/sorties et des retours de bloc, nous avons décidé de passer en trois secteurs, avec un binôme infirmière/ aide-soignante sur chacun d’eux » résume Angélique Tavares, ancienne cadre de cette unité. « Il y avait un moment que nous souhaitions chacun suivre nos patients de l’entrée à la sortie, explique Magaly de Oliveira, infirmière. Nous avons donc saisi l’occasion pour retravailler nosprofils de postes. »

Après plusieurs réunions de travail, largement ouvertes à tous les soignants, et un petit referendum interne, les trois secteurs ont donc été adoptés (deux de 7 lits, un de 6), avec le même nombre de soignants, 3 infirmières et 3 aides-soignantes en journée. Les membres du binôme prennent leur service en même temps. Relève, accueil d’un nouveau patient et recueil de données, toilette, tour du chirurgien, tour de l’après-midi avec prises de constantes et change éventuel, soins préventifs d’escarres sont désormais effectués à deux. « On se sent moins seules, observe Fabienne Mofy, AS dans l’unité depuis 16 ans. Et puis il y a beaucoup moins de perte d’information. L’IDE ne nous court pas après pour nous préciser que tel patient doit rester à jeun par exemple. » Chaque binôme gère le séjour de ses 6 ou 7 patients, de l’entrée à la sortie. Le recueil d’informations (à l’entrée ou via la participation au tour du chirurgien) en commun semble particulièrement apprécié. « Le matin, nous entendons toutes les deux ce qui a pu se passer durant la nuit. Pour l’accueil du patient, nous recevons les mêmes informations, c’est très important cela évite des transmissions hasardeuses ou les oublis, explique Laurence Dewasnes, IDE. Et puis, l’AS aussi a besoin d’avoir une vision globale du patient, car au besoin, elle devra répondre aux questions qu’il lui posera au fil de la journée. » La toilette à deux est également valorisée. « Lorsqu’un patient doit être mobilisé, c’est plus facile et souhaitable d’être deux que d’avoir une aide-soignante qui risque de se faire mal », ajoute Laurence Dewasnes. Bien-sûr, des temps demeurent où le duo se sépare. « L’aide-soignante fait les petits-déjeuners et les repas, pendant que l’infirmière sera plus mobilisée sur la prise de sang, le tour de l’anesthésiste ou des pansements simples. Mais, chacun étant seulement sur son secteur, cela représente moins de patients que dans l’organisation précédente », précise Fabienne Mofy.

Confiance réciproque

L’instauration de la nouvelle organisation n’a pas été facile. « Au départ, je n’y était pas favorable, se souvient Magaly de Oliveira. Dans l’ancienne organisation, le duo non sectorisé était celui qui avait la vision d’ensemble de l’unité, des sorties, des lits prêts à être libérés, il assurait un peu la coordination et je pensais que nous allions être complètement perdus. » Désormais chaque binôme chapeaute son secteur. Un tableau commun des entrées et des sorties est tenu à jour en permanence. « Finalement, cela se passe bien. » Autre questionnement : qui devait répondre au téléphone puisque c’était auparavant la mission du duo non sectorisé ? « Au début, on l’oubliait un peu en poste de soins et il sonnait souvent dans le vide. Finalement, nous avons décidé que le binôme du plus petit secteur, celui qui ne compte que 6 lits s’en chargerait, et rebasculerait les appels sur les bips des autres si nécessaire », explique Magaly de Oliveira. Après quelques cafouillages, cela fonctionne également très bien.

D’ici quelques semaines, une évaluation finale permettra de connaître le ressenti des soignants devant la nouvelle organisation. Si Fabienne Mofy a toujours été convaincue de l’intérêt du travail en binôme, ce n’était pas le cas de tous. « J’ai crains que nous n’y arrivions pas, d’autant qu’une réorganisation en même temps qu’un déménagement, cela multiplie les pertes de repère, note Magaly de Oliveira. Mais au final, je trouve qu’on offre un meilleur suivi au patient. » De son côté, sa collège Laurence Dewasnes estime avoir gagné une meilleure ambiance de travail : « Nous nous connaissons mieux et il y a une plus grande confiance réciproque, ce qui n’est pas négligeable quand on fait de longues journées de 12 heures. »