L'infirmière Magazine n° 383 du 01/06/2017

 

IDE/AS

SUR LE TERRAIN

TRANSMISSIONS

Sandra Rabusseau  

Proposer un meilleur accueil du patient en misant sur une meilleure organisation. Au CH Simone Veil, à Blois (41), les infirmières et les aides-soignantes collaborent étroitement en ce sens. À la clé, une plus grande autonomie pour les unes et les autres.

L’accueil est un moment clé de l’hospitalisation. Se rendre à l’hôpital, c’est rompre avec ses habitudes et ses repères pour affronter l’incertitude et le lâcher-prise. Il est donc indispensable que chaque étape de l’entrée soit réalisée dans des conditions optimales pour favoriser une prise en charge efficiente tout au long du séjour. Au CH Simone Veil, à Blois, le service d’oncologie médicale, d’hématologie et de rhumatologie, qui compte une trentaine de paramédicaux, accueille des patients atteints de pathologies chroniques, régulièrement hospitalisés.

Cadre de santé au sein de cette unité depuis quatre ans, j’avais noté un flottement dans l’organisation entre 14 heures et 16 heures, notamment dû au changement de l’équipe infirmière, et des transmissions orales afférentes qui se déroulaient entre 14 heures et 14 h 30. Le service étant organisé en deux secteurs de 15 patients, les aides-soignantes effectuaient les transmissions entre 14 h 30 et 15 h 30 entre deux sonneries, une course au laboratoire ou à la pharmacie. Ensuite, place à la désinfection des chambres libérées vers 14 h 30. Toutefois, bien que les hospitalisations soient prévues vers 15 heures, les patients « entrants »se retrouvaient souvent à patienter au salon avec les « sortants » qui, eux, attendaient un transport sanitaire ou leur famille pour retourner à leur domicile.

Par conséquent, du monde dans le service, beaucoup de bruit, d’encombrement dans les couloirs, et d’informations qui circulaient, au risque d’être déformées… De plus, dès leur prise de poste, les AS réalisaient un travail très physique avec le bionettoyage des chambres, le tout dans un laps de temps très court. Les médecins, eux, s’impatientaient, car ils souhaitaient démarrer au plus vite l’entretien avec le patient pour lancer les examens, prescriptions et autres éléments de la prise en charge. Et il y avait les familles à renseigner, les patients qui sonnaient et auxquels il fallait répondre… Chacun avait tendance à se décharger sur son collègue. Autant dire que l’ambiance n’était pas toujours au beau fixe…

Le temps de la réflexion

En m’appuyant sur un diagnostic organisationnel réalisé en 2012 dans l’unité par un auditeur du Cnam(1), j’ai travaillé avec l’équipe sur les axes d’amélioration identifiés : la communication interprofessionnelle, l’organisation des activités paramédicales, la gestion des lits sur trois spécialités médicales. Je me suis vite aperçue que lors des réunions de service, on se concentrait davantage sur des éléments de forme plutôt que d’analyser les sujets de fond. Nous avons donc mis en place des groupes de travail tant pour l’organisation de l’équipe AS que celle des IDE. Réfléchir séparément pour aboutir à des projets pour travailler ensemble peut sembler paradoxal ; nous avons pourtant avancé très vite : constat, analyse, propositions, indicateur de suivi et date d’évaluation des indicateurs.

Pour les AS, le fait de débuter la prise de poste par du bionettoyage et de n’être disponible pour les patients qu’à 17 heures n’était pas satisfaisant. De plus, à partir de 14 h 30, la charge de travail était très élevée alors que l’équipe était plus restreinte. La première mesure a donc consisté à lisser la présence des AS selon les pics d’activité : alors que les quatre AS travaillaient de 6 h 30 à 14 h, trois travaillent désormais de 6 h 30 à 14 h 30 et la dernière de 7 h 30 à 15 h 30, et ce, pour couvrir jusqu’à 15 h 30 l’activité du bionettoyage. En parallèle, la sortie des patients a été avancée à 13 h 30.

Le temps de retransmission entre AS nous semblant trop long et finalement peu utile, nous avons listé les activités de l’après-midi et établi un horaire du soir course/hôtellerie/ bionettoyage en parallèle aux prises en charge des patients. Et avons identifié, dans le même temps, une AS pour chaque secteur avec les missions suivantes : prise des constantes dès 14 h 30 (à la fin des transmissions), accueil du patient et travail avec les infirmières.

Une nouvelle timeline

Dorénavant, un enchaînement précis a été mis en place :

→ 13 h 30. Prise de poste d’une AS ou d’une ASH qui peut immédiatement identifier sa charge de travail d’un simple coup d’œil sur le tableau des entrées et sortie du bureau infirmier. Démarrage du bionettoyage des chambres vides.

→ À 14 heures, deux AS se répartissent un secteur de soins et participent aux transmissions avec les infirmières. Après avoir fait le point avec l’IDE référente dudit secteur, les AS commencent les visites des patients : évaluation de la douleur, prises des constantes et retranscription des indicateurs physiologiques. Si le patient est hyperthermique, présente une douleur ou tout autre signe clinique à surveiller, elle l’indique dans le dossier et prévient immédiatement l’IDE qui est en train de préparer son chariot de médicaments pour l’après-midi, de vérifier les prescriptions et sortir ses injectables. Ainsi, au lieu de voir les constantes des patients vers 17 heures comme c’était le cas auparavant, l’IDE peut agir dès qu’elle a connaissance d’un problème clinique, et, si nécessaire, prélever des hémocultures, administrer une entredose, prévenir le médecin…

→ Après les visites, l’AS s’organise avec l’IDE pour prendre en charge les patients dont l’arrivée est programmée. Cela commence par un accueil au secrétariat ou au salon des familles. L’aide-soignante vérifie la disponibilité de la chambre et accompagne le patient jusqu’à son lit. Elle lui explique le fonctionnement du lit, de la télévision, de la sonnette. Puis à l’aide du livret d’accueil, elle lui parle de ses droits en tant que patient et de ses engagements lors de son hospitalisation.

→ Vient ensuite l’entretien paramédical mené par l’AS : partie administrative, aides présentes au domicile et noms des intervenants professionnels. Elle sollicite aussi la personne de confiance pour définir son rôle. L’AS aborde ensuite la partie relative à l’autonomie, puis le motif d’hospitalisation, les antécédents médicaux et chirurgicaux, et l’histoire de la maladie. Elle calcule l’IMC, évalue la douleur et prend les constantes. Après avoir échangé avec l’IDE, l’AS rédige une cible dans le dossier de soins si elle a une information ou une action spécifique à mener. Par exemple, pour un IMC à 18, avec perte de 10 kg en 2 mois, elle va proposer une consultation diététique programmée, une commande des repas ajustée et un suivi du poids.

→ L’infirmière poursuit l’accueil du patient en réalisant la suite du recueil pour un approfondissement de l’histoire de la maladie si nécessaire. Elle valide les informations sur le dossier de soins puis débute les soins techniques prescrits par le médecin. Cet entretien est aussi l’occasion de faire le point sur la prise en charge : où en est le patient dans ses cures de chimiothérapie, quel résultat d’examen a-t-il reçu depuis sa dernière hospitalisation, présente-t-il des effets secondaires aux traitements…

Le temps du bilan

Cette nouvelle organisation a été évaluée après 1 mois, puis à 3 mois. Nous avons noté que les patients n’attendaient plus (ou rarement) avant d’être accueillis dans leur chambre et voyaient plus vite le médecin. Grâce à l’entretien aide-soignant, le dossier de soin aborde les questions de l’autonomie et des habitudes de vie. De plus, tous les indicateurs – tant celui pour l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins (IPAQSS) que ceux pour l’accueil du patient, la prise des constantes, etc., à part celui de la douleur qui était déjà aux alentours de 90 % – ont été améliorés. L’équipe aide-soignante a développé des compétences dans la conduite des entretiens et la capacité à relier connaissances théoriques et signes cliniques. Nous avons même observé une précision dans les termes employés dans les transmissions ciblées et le recueil de données. Chacun a pu s’approprier de façon autonome le dossier de soin informatisé et la conduite d’entretien auprès des patients, et choisir sa/ses méthode(s). Faire preuve d’initiative pour devenir acteur de ce projet passe aussi par le choix de la méthode, différente pour chaque professionnelle. Ces évaluations ont permis de valider nos nouvelles organisations et à mesurer leurs retombées positives. Depuis, le climat social du service est bien meilleur, car la collaboration autour du patient recentre chacun sur sa mission première qui est d’être au service du soigné.

1- Conservatoire national des arts et métiers.

CAS DE DÉPART

Dans notre service, les patients en hospitalisation programmée sont accueillis le matin et l’après-midi. Les horaires leur sont envoyés par courrier et ils se présentent directement au secrétariat. Toutefois, ils se retrouvent régulièrement à attendre à l’accueil ou dans la chambre, car l’infirmière n’est pas disponible pour réaliser leur entrée. De plus, les résultats des prélèvements sanguins arrivent souvent après le départ du médecin. Conséquence : retard dans la prise en charge, stress supplémentaire pour l’équipe soignante et le patient.

HISTORIQUE DU PROJET

→ 2013 : Diagnostic organisationnel du service.

→ 2015 : Visite de certification de l’établissement et du service. Bilan des points sensibles.

→ 12 mai 2016 : Réunion de service et lancement d’un projet d’accueil du patient.

→ juillet 2016 : 1e évaluation.

→ Août 2016 : 2e évaluation non réalisée car indicateurs bien réajustés suite à la 1re réunion.

→ Août 2016 : Évaluation croisée avec l’équipe IDE.

→ Objectif 2017 : accompagner l’équipe AS à développer davantage sa compétence.