L'infirmière Magazine n° 384 du 01/07/2017

 

SÉJOURS ARTISTIQUES

DOSSIER

C. F.  

Retrouver le chemin de l’autonomie et retisser du lien social par le biaisde la création, tel est l’objectif du projet Saimm (séjour artistique innovant en maladie mentale), mis en place dans le Morbihan par l’EPSM J.-M. Charcot.

Saimm. 5 lettres pour vivre pendant 5 jours au sein d’une résidence d’artistes. « Aujourd’hui, je m’aperçois que je suis vivante. Le rythme de ce séjour me convenait parfaitement. Je suis habituée à être un peu sans cadre, sans horaire ; ici, c’était open à n’importe quelle heure, comme chez moi. J’ai aussi aimé, car nous étions ensemble, soignants et soignés. Donc pas d’angoisse, j’ai diminué mon Tranxène pendant le séjour. » C’est après une résidence artistique animée par Brigitte Menon, infirmière et art-thérapeute, que Clara, patiente de l’hôpital de jour du centre Louis-Le-Guillant à Lanester (56), écrit ces mots. Un séjour particulier. Le projet Saimm (séjour artistique innovant en maladie mentale), créé en 2014 et subventionné par l’ARS et la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) de Bretagne, s’inscrit dans le programme « Culture et santé ». Il propose, une fois par an, à dix patients de travailler pendant 5 jours à une œuvre. Innovant, ce séjour permet, au-delà de la cohabitation (patients, infirmières, psychiatre) et du temps partagé avec un artiste, d’offrir au patient un espace de création personnelle et la possibilité de peindre, de dessiner, jour et nuit, selon son propre rythme. Ainsi, certains sont présents à l’atelier dès 8 heures du matin, d’autres jusqu’à 13 heures, voire 3 heures du matin.

24 h/24

« Les arts plastiques permettent de verbaliser et de s’exprimer autrement. Le patient devient acteur et sujet d’un échange avec l’autre autour de sa production. L’art rassemble différentes personnes qui n’ont pas l’habitude de travailler ensemble », assure Brigitte Menon, infirmière en psychiatrie depuis 36 ans, à l’origine du projet. Diplômée de deux DU (arts et psychanalyse et arts plastiques), elle anime des ateliers d’expression depuis les années 1980 à l’établissement public de santé mentale (EPSM) J.-M. Charcot de Caudan (56). Avec une vingtaine de sites externes (hôpitaux de jour, centres médico-psychologiques), l’ensemble forme un réseau d’aide et de soins coordonnés, présent notamment sur l’agglomération lorientaise, et multiplie les collaborations (institutions hospitalières, secteur associatif). C’est dans ce contexte qu’il y a six ans, Brigitte Menon, aujourd’hui détachée de l’EPSM, décide, avec deux autres IDE, de créer les ateliers Totem hors les murs, dans la commune de Pont-Scorff qui lui prête un local de 100 m2. Ce partenariat avec l’Atelier d’Estienne, centre d’art contemporain, et la mairie de Pont-Scorff devient le socle d’un projet d’établissement dynamique. Le projet Saimm, lui, voit le jour en 2014. « Un jour, j’ai ouvert une porte à côté de l’atelier et j’ai découvert plusieurs chambres. C’était la résidence d’artistes du théâtre Le Strapontin. J’ai alors pensé que cette porte pourrait rester ouverte le temps d’un vrai séjour artistique et donner à quelques patients la possibilité de travailler au rythme de leur créativité », raconte-t-elle.

Ce séjour de cinq jours 24 h/24 ouvre le champ d’un vrai processus créatif où chaque patient élabore, expérimente, recrée du lien social et retrouve le chemin d’une autonomie. Coanimé par Gwenn Gautier et Stéphane le Priol, IDE, Clémence de Solms, psychiatre, et plusieurs artistes, dont les plasticiennes Marta Morice ou encore Gaële Flao, il incite les soignants et les familles à poser un regard différent sur les patients. En témoigne Clara : « Je pense que cette expérience va transformer mon être et mon chemin créatif ; je pense désormais “m’imprimer” (subtilement) dans les toiles (l’étoile !) de mon existence à venir. À l’avenir ! »