L'infirmière Magazine n° 384 du 01/07/2017

 

INTERVIEW : NATHALIE HEULIN DIRECTRICE ADJOINTE EN CHARGE DE LA CULTURE AU CENTRE HOSPITALIER CHARLES-PERRENS (BORDEAUX)

DOSSIER

C. F.  

Nathalie Heulin, directrice adjointe en charge de la culture au CH Charles-Perrens (Bordeaux) met l’accent sur la place essentielle de l’art et de la culture au sein de l’hôpital comme vecteur de lien social.

L’INFIRMIÈRE MAGAZINE : Quel est l’objectif de l’action culturelle mise en place à l’hôpital Charles-Perrens ?

NATHALIE HEULIN : Elle s’inscrit dans le cadre du dispositif « Culture et santé » et part d’un constat : la frustration ressentie par les patients face au manque d’activités proposées par l’hôpital. La direction de notre établissement, consciente de l’importance de l’action culturelle et artistique en milieu hospitalier, s’est dotée d’une structure idoine par la création, en décembre 2011, d’un pôle culture avec quatre membres actifs : un délégué à la culture, une médiatrice culturelle, une assistante et une directice administrative. Ses objectifs ? Conduire une politique culturelle globale, dynamique, repérée et partagée au sein de l’hôpital, améliorer la qualité de vie au sein de l’institution, créer de nouvelles dynamiques pour les équipes, et enfin, ouvrir l’hôpital sur la cité.

L’I. M. : En quoi est-elle novatrice ?

N. H. : Elle l’est par sa structuration. C’est une entité repérée au sein de l’hôpital. Puis par les initiatives au jour le jour qui se fondent selon la philosophie de notre devise : « Faire de l’art une alliance humaine ».

C’est dans cette dynamique que se nouent des partenariats de qualité, et que nous sommes engagés, avec des acteurs culturels bordelais reconnus (Opéra national, Musée des arts décoratifs, médiathèque, école d’architecture…). Il y a aussi la singularité des actions menées en interne, tels des proverbes, des adages ou des citations apposés à même le paysage de l’hôpital – une incitation à la réflexion –, ou des boîtes à livres – une invitation à la lecture. Ou encore, cet appel à l’émerveillement, tous les quinze jours, par le mot, que nous avons intitulé liloba, terme qui signifie « la parole dite » en lingala, une des langues africaines.

L’I. M. : Comment faites-vous vivre la culture au sein de l’hôpital ?

N. H. : Les manifestations culturelles nationales sont désormais intégrées dans la dynamique de l’offre culturelle, comme le Printemps des poètes ou la Fête de la musique, au cours desquelles une déambulation des artistes a lieu dans les différentes unités de soins. Elle est suivie, dans l’après-midi, par un spectacle, ouvert au public, à l’endroit des patients et du personnel réunis, auquel participent aussi les familles. Enfin, certains bâtiments du site étant classés, nous célébrons chaque année les Journées européennes du patrimoine, afin de mettre en valeur le patrimoine et de sensibiliser le grand public, sans oublier, en interne, les professionnels, les patients et les étudiants. Il nous arrive aussi de proposer des résidences d’artistes.

L’I. M. : Que proposez-vous au jour le jour aux patients ?

N. H. : En complément des ateliers hebdomadaires qui se pratiquent au sein des unités, nous proposons des ateliers dits transversaux où se regroupent plusieurs unités de soins autour de la création (chant, peinture, écriture…) ou encore autour de la découverte d’une musique (siestes musicales) ou d’un instrument. Nous sommes, pour cela, en partenariat avec l’association Musique de nuit dont les actions s’orientent vers un travail de proximité autour de la sensibilisation aux pratiques artistiques. Tous ces ateliers sont autant de moments ouverts aux patients et aux professionnels ; des moments qui fédèrent et favorisent les échanges des uns et des autres.

L’I. M. : Quels bienfaits pour les patients et les soignants ?

N. H. : À ce jour, 14 ateliers artistiques sont portés par les équipes soignantes en partenariat avec un artiste. L’implication des professionnels est un facteur de réussite. Et ces ateliers font l’objet d’un suivi et d’un soutien par le pôle culture. En revanche, l’évaluation du dispositif est complexe. Il nous est donc paru intéressant d’établir un partenariat avec l’université de Bordeaux dans le cadre d’un projet de thèse dont l’objectif sera d’identifier les facteurs favorisant le bien-être des agents dans le dispositif « Culture et santé ». Toutefois, des témoignages de patients, de soignants et du grand public, lorsque nous organisons des rencontres transversales, nous parviennent régulièrement. Ils sont particulièrement émouvants, touchants, encourageants. Cela démontre à quel point nous croyons que l’art est plus que jamais vecteur de lien social. Sa place est dans le lien, le faire lien, le « faire liant » entre les hommes. Sa place est au-delà des murs de l’hôpital.