L'infirmière Magazine n° 384 du 01/07/2017

 

DERMATOLOGIE

SUR LE TERRAIN

TRANSMISSIONS

Anne-Gaëlle Moulun  

Au centre hospitalier Lyon-Sud (69), les soignants utilisent une technique d’habillage particulière chez les patients souffrant de dermatites atopiques sévères, psoriasis et autres dermatoses. Objectif : soulager l’inflammation de la peau.

La dermatite atopique est une affection de la peau qui se caractérise par une peau sèche, des plaques rouges et inflammatoires, une évolution par poussées avec des gonflements, parfois des suintements et des démangeaisons. Elle touche 20 % des enfants de moins de 7 ans et peut concerner 18 % des 7-16 ans. Mais aussi, près de 10 % des jeunes (20-30 ans) et moins de 3 % des patients âgés de plus de 50 ans. Les traitements classiques comprennent des corticoïdes pour diminuer l’inflammation, et des émollients pour reconstruire la peau et diminuer la sécheresse.

Au CH Lyon-Sud, les soignants utilisent, depuis 2011, une technique d’habillage particulière chez les patients ayant des dermatites atopiques sévères (eczéma chronique), psoriasis et autres dermatoses, et qui fait partie intégrante de l’éducation thérapeutique (ETP). « Cette technique de soins permet de soulager une inflammation de la peau. L’indication est à la fois anti-inflammatoire et antalgique », souligne Mara Barbet, cadre de santé dans le service d’immunologie-allergologie. La méthode consiste à recouvrir de crème les zones atteintes, puis à les envelopper dans du jersey de coton tubulaire. « Dans notre service – le service d’hospitalisation et de consultation –, ce soin se pratique toujours en binôme infirmière/aide-soignante et toujours sur prescription médicale, insiste la cadre. Généralement, ce sont les dermatologues, les généralistes ou les médecins du service qui nous adressent le patient. Celui-ci peut aussi nous appeler directement lors d’une nouvelle poussée de dermatite atopique, dès lors qu’il a déjà été pris en charge dans le service », note la cadre.

Méthode en douceur

Le traitement par habillage sera alors proposé soit au cours d’une hospitalisation, soit en consultation externe. « Avant le soin, nous demandons au patient de prendre une douche tiède, avec un pain ou une huile lavante dermatologique, explique Arlette Montagnon, infirmière. Il faut éviter d’utiliser une eau trop chaude qui a tendance à dégraisser la peau et enlever le filtre lipidique. Nous lui recommandons de se laver avec les mains et non avec un gant de toilette qui peut être vecteur de bactéries. Nous préconisons aussi de ne pas se frotter et d’effectuer un séchage par tamponnement. Nous cherchons à savoir ce que connaît déjà le patient et ce qu’il fait, et nous corrigeons ses éventuelles erreurs. L’éducation thérapeutique démarre d’ores et déjà ! » En effet, le patient doit être capable de répéter l’opération à son domicile.

« Afin de mieux appliquer la pommade, le patient doit garder une peau légèrement humide pour permettre une meilleure pénétration de la crème. Ce n’est pas évident, car les patients ont tendance à se frotter pour calmer leurs démangeaisons », poursuit l’infirmière. Pendant que le patient prend sa douche, celle-ci prépare le mélange de crème émolliente et de dermocorticoïdes. « Nous effectuons le mélange en fonction de la prescription médicale, puis nous prenons des mesures des bandes pour habiller le patient. Nous utilisons du jersey de coton tubulaire qu’on peut placer sur le tronc, les bras et les jambes. Ce jersey de coton se présente sous forme de rouleaux et sous différents formats : l’idée, c’est de faire un habit. »

Les soignants utilisent différentes astuces pour attacher les manches au tronc du « vêtement » ainsi créé. « On peut faire une sorte de petit boléro. Pour les pieds ou les mains, nous fabriquons également des sortes de chaussons ou de moufles. Le plus souvent, on habille le corps entier. Mais certaines zones ne peuvent pas être habillées, comme le visage ou le cuir chevelu », note l’infirmière.

Objectif autonomie

Une fois les mesures faites, les soignants appliquent la crème sur l’ensemble du corps du patient à l’aide de gants. En moyenne, le binôme infirmière/aide-soignante effectue ce soin en une demi-heure. « Les premières fois, nous assistons les patients, en leur expliquant la technique en détail. Nous précisons, par exemple, qu’il ne faut pas faire pénétrer la crème, il faut que cela reste “blanc” sur la peau. La difficulté, c’est souvent que les patients veulent économiser le produit et qu’ils n’en mettent donc qu’une très fine couche. Pour évaluer cela, nous leur demandons combien de tubes ils utilisent. Le lendemain, nous reprenons en expliquant comment faire le soin. Le but est de les rendre autonomes. Nous leur donnons, entre autres, des techniques pour se passer de la crème dans le dos. L’idée, c’est qu’ils puissent se crémer aussi bien chez eux qu’à l’hôpital », poursuit Lydia Gabriele, aide-soignante dans le service.

Lorsque la crème a été bien étalée, les patients sont « habillés » avec les morceaux de jersey préalablement préparés. Ils gardent l’habillage en place pendant douze heures. « C’est le contact qui est thérapeutique. Donc si c’est un patient qui est venu en consultation, il repart chez lui avec son habillage. S’il est hospitalisé, il garde son habillage douze heures et celui-ci est renouvelé le lendemain », explique l’AS.

Les bandes de jersey de coton tubulaire sont lavables et certaines, selon leur taille, sont remboursées par la Sécurité sociale et par certaines mutuelles. « Nous recommandons aux patients de mettre des vêtements en coton, simples et faciles à laver. » Les soignants délivrent aussi des conseils pour le quotidien. « Nous rappelons que le traitement de fond consiste à se crémer tous les jours, rappelle Arlette Montagnon. La consigne, c’est qu’un émollient étalé sur une peau saine ne doit pas piquer, sinon, c’est qu’il ne convient pas. Les pharmaciens ont des échantillons de crème et nous conseillons aux patients de leur en demander. »

Après le soin, l’amélioration se fait vite sentir. « Les patients revivent !, note Lydia Gabrielle. Le lendemain, ils se sentent déjà mieux. Souvent, cela fait déjà plusieurs nuits qu’ils ne dorment pas et ce soir-là, après l’habillage, ils parviennent à dormir à nouveau. C’est un soin plutôt valorisant », estime-t-elle.

La démarche d’éducation thérapeutique, mise en place depuis 2011, a beaucoup changé la prise en charge. « Nous questionnons d’abord le patient, nous nous adaptons à lui. Auparavant, nous faisions l’habillage au patient, il rentrait chez lui et c’était fini. Pour eux, c’était un soin qui était fait à l’hôpital. Désormais, nous leur apprenons comment le faire, pourquoi on le fait et comment le reproduire chez eux. Nous leur faisons prendre conscience que cela peut être un soin quotidien », confie Lydia Gabrielle. Les soignants qui dispensent cette éducation thérapeutique ont suivi 40 heures de formation à l’ETP. Ils proposent aussi au patient une sorte de « boîte à outils », avec par exemple des conseils pour une alternative au grattage.

CAS DE DÉPART

M. S., 36 ans, souffre depuis des années de dermatite atopique sévère. Sa pathologie – l’eczéma chronique – le gêne dans sa vie au quotidien : inflammations, plaques rouges, démangeaisons. Il a un prurit important, mais également un problème d’image corporelle et une perte d’estime de soi. Le dermatologue décide de lui prescrire, pour la première fois un traitement par habillage, qui sera intégré à l’éducation thérapeutique.

HISTORIQUE DU PROJET

→ 2011 : agrément pour l’éducation thérapeutique du patient (ETP) dans le service d’immunologie-allergologie au centre hospitalier Lyon-Sud.

→ 2012 : formations d’infirmières à l’ETP, à l’image d’Arlette Montagnon.

→ Fin 2015 : renouvellement de l’agrément pour l’ETP.

→ 2017 : Six médecins, deux IDE, et une AS ont suivi le DU d’ETP.

PATHOLOGIE

Une prédisposition héréditaire

→ Maladie inflammatoire récidivante de la peau, l’eczéma atopique est liée à l’atopie, une prédisposition héréditaire du système immunitaire à réagir de façon inappropriée contre des éléments non nocifs présents naturellement dans l’environnement ou l’alimentation, par l’intermédiaire d’anticorps spécifiques (IgE). Son risque augmente si l’un des parents en est atteint et plus, si les deux le sont.

→ L’atopie se manifeste par des poussées d’eczéma, des crises d’asthme ou des rhinites et conjonctivites allergiques, urticaire aigüe ou chronique, allergie alimentaire. Quand on est « atopique », on peut présenter une ou plusieurs de ces pathologies à la fois.

→ Parmi les symptômes : lésions cutanées évoluant sur une peau très sèche sous forme de plaques rouges, recouvertes, lors de poussées, de vésicules, prurit, etc. Dans les formes sévères, elles peuvent être généralisées et conduire à une erythrodermie et les lésions de grattage peuvent être responsables de surinfection bactérienne à staphylocoque ou virale. Son évolution est imprévisible avec des périodes d’accalmies entrecoupées de poussées.

→ Il n’y a pas de traitement curatif. Le traitement est avant tout local : on soigne la sécheresse cutanée afin de diminuer les démangeaisons et l’inflammation cutanée en cas de poussée. La prise en charge vise à préserver la qualité de vie du patient, en atténuant les symptômes et leur impact sur l’image corporelle, et de prévenir ses complications.

→ Traitement de référence, les dermocorticoïdes sont efficaces à condition de les utiliser tels que prescrits par le médecin. Ils sont sans danger, les effets indésirables des corticoïdes locaux n’étant pas ceux des corticoïdes oraux.