Avec une équipe composée de profils d’horizons si divers, quelle ligne politique la nouvelle ministre de la Santé parviendra-t-elle à dégager ?
Emmanuel Macron avait soumis ses ministres à une règle inflexible : leur cabinet devait compter dix conseillers, pas davantage. Exigence respectée à la lettre par Agnès Buzyn, dont l’équipe a été dévoilée début juin. Hauts fonctionnaires et personnalités du privé, professionnels de santé et administratifs, jeunes loups et tempes grisonnantes, il y en a pour tous les goûts… Une composition de cabinet qui répond à de savants équilibres.
La figure la plus marquante est bien sûr celle du directeur de cabinet, Gilles de Margerie, issu du monde de l’assurance. La carrière de cet énarque s’est en grande partie déroulée chez des grands noms de la finance comme Lazard & Cie, Indosuez ou le Crédit agricole. Il était depuis 2013 directeur général adjoint du groupe Humanis, une institution de prévoyance qui revendique une clientèle de 10 millions de personnes.
Sans doute pour compenser ce profil très « secteur privé », Agnès Buzyn s’est assurée les services d’un directeur d’hôpital, Yann Bubien qui quitte la direction générale du CHU d’Angers pour rejoindre la ministre en tant que directeur adjoint du cabinet. Une fonction qu’il connaît bien pour l’avoir exercée auprès de Roselyne Bachelot sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy.
Pour compléter ce duo masculin à la tête de son équipe, Agnès Buzyn pourra compter sur une très proche du président. Sophie Ferracci, ancienne cheffe de cabinet chez En Marche, occupera la même fonction au ministère de la Santé. Avocate d’affaires, elle a été au cœur de la campagne d’Emmanuel Macron.
Voilà pour la partie la plus politique du cabinet. Aux étages plus techniques, quelques professionnels de santé viennent compléter le casting. C’est notamment le cas du Pr Lionel Collet, PU-PH lyonnais qui aura la charge de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ou encore du Dr Jacques-Olivier Dauberton, généraliste de 37 ans installé en maison de santé pluriprofessionnelle en Champagne, qui hérite pour sa part du dossier des crises sanitaires. Un challenge pour cet ancien dirigeant syndical qui présidait jusqu’à l’année dernière le Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (Reagjir).
Notons au passage que si les médecins se taillent la part du lion dans cette équipe (ils sont trois en comptant la ministre), aucune infirmière n’a été jugée digne d’y être intégrée…
S’il reste difficile de prédire quelle sera la ligne politique suivie par cette équipe hétérogène, on peut deviner quels seront ses dossiers prioritaires. Elle devrait notamment se précipiter au chevet des comptes sociaux. C’est en tout cas l’opinion du Pr Francis Brunelle, ancien conseiller ministériel et président du think tank « Cercle santé société ». « À l’heure actuelle, ils sont déjà en train de préparer le PLFSS (projet de loi de financement de la Sécurité sociale, NDLR) », note cet ancien chef du pôle de radiologie de l’hôpital Necker. Celui-ci insiste sur la nécessité de combler le fameux « trou de la Sécu », ce qui pour les infirmières risque surtout de s’apparenter à un statu quo : les libérales peuvent difficilement espérer des revalorisations, et les hospitalières peuvent faire une croix sur les augmentations d’effectifs. À moins, estime Francis Brunelle, que le ministère ne parvienne à avancer sur des questions telles que celle du statut de l’infirmière clinicienne. « Il faut absolument que ce sujet soit mis sur la table », affirme le radiologue qui voit là une manière de réorganiser les collaborations interprofessionnelles, et donc d’améliorer le bien-être au travail.
Celui-ci remarque également que Thomas Fatome, jusqu’ici à la tête de la direction de la Sécurité sociale au ministère, a rejoint le cabinet du Premier ministre. Ce spécialiste de la Sécu aura des choses à dire au spécialiste des complémentaires qu’est Gilles de Margerie, assure Francis Brunelle. « Le partage entre l’assurance maladie obligatoire et les complémentaires, c’est une question de fond, très politique, qui sera au cœur des débats », prophétise-t-il.
De manière plus générale, Francis Brunelle juge que pour réussir à s’extraire de la gestion quotidienne des dossiers, un cabinet ministériel doit associer différents profils : des politiques, des techniciens, des spécialistes de la formation et de la recherche, et enfin des personnalités libres, capables de créativité. Le PU-PH laisse chacun libre de décider si ces quatre éléments se retrouvent dans l’équipe d’Agnès Buzyn.
1- Arrêté du 23 novembre 2015 fixant la liste des maisons de naissance autorisées à fonctionner de manière expérimentale.
Le modèle français des maisons de naissance est le fruit d’années de militantisme et d’un long travail de réflexion. Longtemps rejetée par la communauté médicale, la création de ces structures a finalement été inscrite dans le plan de périnatalité de 2005-2007.
Fin 2010, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale autorise une expérimentation. Mais le conseil constitutionnel censure le dispositif qu’il considère comme un cavalier législatif, l’expérimentation ne pouvant avoir un impact réel sur le financement de l’Assurance maladie. Il faudra donc attendre décembre 2013 pour qu’une loi autorise enfin l’expérimentation des MDN et fin 2015 pour que les résultats de l’appel à expérimentation soient publiés.
Si les MDN françaises sont des structures autonomes, elles se distinguent de leurs homologues européennes en ayant l’obligation d’être contiguës à des établissements de santé, afin de permettre un transfert rapide au cas où une difficulté se présenterait pendant l’accouchement. De fait, elles sont liées par convention avec l’établissement en question, afin d’élaborer les modalités de transfert (de l’ordre de 20 à 30 %), le partage des dossiers médicaux et l’approvisionnement en médicaments via la pharmacie interne de l’hôpital.