Depuis janvier 2016, les infirmières peuvent prescrire des traitements de substituts nicotiniques. Une nouvelle prérogative qui nécessite une bonne connaissance des produits et des posologies.
C’est la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé qui, dans son chapitre II, « Innover pour préparer les métiers de demain », autorise les infirmières à prescrire les traitements de substituts nicotiniques. L’objectif est de donner accès au forfait d’aide au sevrage tabagique aux patients qu’elles ont en charge dans le cadre d’une prescription médicale. Une mesure qui va dans le sens du programme national de réduction du tabagisme 2014-2019 qui prévoit d’impliquer davantage les professionnels de santé, de mobiliser les acteurs de proximité dans l’aide à l’arrêt du tabac et d’améliorer l’accès aux traitements d’aide au sevrage.
Tous les substituts nicotiniques (SN) fonctionnent sur le même principe. Ils délivrent de la nicotine par voie veineuse administrée par absorption transcutanée (patchs) ou par voie orale (gommes, comprimés, inhaleur). La libération lente et progressive de la nicotine permet au fumeur de se libérer progressivement de la dépendance en limitant les symptômes de sevrage (irritabilité, humeur dépressive, troubles du sommeil). À la différence des pics de nicotine que procure la cigarette.
Les principales formes de substituts nicotiniques sont les gommes à mâcher, les comprimés, les inhaleurs et les patchs.
→ On distingue deux types :
– les patchs qui délivrent 7, 14 ou 21 mg sur 24 heures (en continu) ;
– les patchs qui délivrent 25, 15 ou 10 mg sur 16 heures (sous forme discontinue).
→ Application : au lever sur une peau propre, sèche et saine en changeant de site chaque jour (omoplate, haut de la fesse…). Le patch autorise une douche rapide et peut être protégé par un pansement type Tegaderm. Le patch « 16 heures » se retire au coucher, le patch « 24 heures » le lendemain matin. L’action du patch débute une heure après son application.
→ Effets indésirables : rougeurs, œdème (gonflement), démangeaisons et sensation de brûlure au point d’application sont possibles et proviennent en général d’applications répétées au même endroit sur la peau.
→ Dosages : les gommes sont dosées à 2 mg et à 4 mg. La posologie dépend de la dépendance à la nicotine évaluée au moyen du test de Fagerström simplifié (voir encadré p. 48). Ainsi, en monothérapie, les gommes à 2 mg ne sont pas adaptées pour les fortes dépendances : plus de 20 cigarettes par jour ou score de 4 à 6 au test de Fagerström simplifié.
→ Le traitement comporte deux phases :
– 1re phase (environ 3 mois) : mâcher une gomme chaque fois que l’envie de fumer apparaît. Généralement, 8 à 12 gommes par jour sans dépasser 30 gommes par jour ;
– 2de phase : quand l’envie de fumer est surmontée, réduire progressivement le nombre de gommes mâchées par jour. Arrêter le traitement lorsque la consommation est réduite à 1 à 2 gommes par jour.
Il est recommandé de ne pas utiliser les gommes à mâcher au-delà de 12 mois, mais certains ex-fumeurs éprouvent des difficultés à s’en passer.
→ Délai d’action : l’effet est ressenti après quelques minutes, la concentration maximale de nicotine dans le sang est obtenue en 30 minutes environ.
→ Effets indésirables : hoquets, brûlures d’estomac, irritations de la gorge, inconfort abdominal sont possibles, généralement quand la gomme est mâchée trop vite.
Ils sont plus facile à utiliser et plus discrets que les gommes.
→ Plusieurs dosages : 1, 1,5, 2, 2,5 et 4 mg. Les comprimés dosés à 1,5 mg ou 2 mg sont indiqués dans les dépendances faibles ou moyennes (première cigarette au-delà de 30 minutes après le réveil).
→ Deux modes d’administration :
– le comprimé – ou la pastille – à sucer se dissout en 20 à 30 minutes et doit être régulièrement déplacé d’un côté à l’autre de la bouche. En cas de succion trop rapide, une partie de la nicotine n’est pas absorbée par la muqueuse buccale, mais est avalée. S’abstenir de boire ou de manger pendant la prise ;
– le comprimé sublingual est placé sous la langue, ou entre la joue et la gencive, où il se dissout pendant environ 30 minutes.
→ Le traitement se fait habituellement en trois étapes, selon le schéma posologique recommandé :
– étape 1 : semaines 1 à 6, un comprimé à sucer toutes les 1 à 2 heures ;
– étape 2 : semaines 7 à 9, un comprimé à sucer toutes les 2 à 4 heures ;
– étape 3 : semaines 10 à 12, un comprimé à sucer toutes les 4 à 8 heures.
Pour aider à la poursuite du sevrage après les 12 semaines : un à deux comprimés à sucer par jour seulement en cas de tentations fortes. Ne pas dépasser quinze comprimés par jour. Il est recommandé de ne pas utiliser les comprimés au-delà de 6 mois.
→ Effets indésirables : hoquets, irritations de la gorge, inconfort abdominal, généralement si le comprimé est sucé trop vite.
Dispositif rappelant la forme d’une cigarette électronique contenant une cartouche de 10 mg de nicotine. L’air aspiré se charge de micro-gouttelettes de nicotine qui sont absorbées par la muqueuse buccale.
→ Posologie : l’inhaleur est utilisé chaque fois que l’envie de fumer apparaît. La fréquence des aspirations et leur intensité sont adaptées aux besoins du patient.
→ Traitement comporte deux phases
– 1re phase (environ 3 mois) : le nombre de cartouches utilisées est fonction des besoins du patient, généralement de 6 à 12 par jour sans dépasser 12 par jour.
– 2de phase : le nombre de cartouches par jour est réduit progressivement durant 6 à 8 semaines si nécessaire.
→ Effets indésirables : toux et irritation buccale sont possibles.
Solution pour pulvérisation buccale à 1 mg/dose.
→ Administration : après amorçage de la pompe, faire une pulvérisation au plus près de la bouche en évitant les lèvres. Ne pas inhaler lors de la pulvérisation pour que le produit n’entre pas dans les voies respiratoires. Éviter de déglutir pendant les quelques secondes qui suivent la pulvérisation. S’abstenir impérativement de fumer au cours du traitement.
→ Délai d’action : effet sur l’envie de fumer ressenti dès la première minute après administration.
→ Effets indésirables : hoquets, irritations de la gorge, inconfort abdominal sont possibles.
→ Traitement en trois étapes :
– semaines 1 à 6 : 1 ou 2 pulvérisations aux moments habituels de consommation de tabac ou en cas d’envie irrésistible de fumer. Si l’envie persiste quelques minutes après la 1re pulvérisation, en utiliser une 2e. La plupart des fumeurs doivent utiliser 1 ou 2 pulvérisations toutes les 30 minutes à 1 heure ;
– semaines 7 à 9 : réduire le nombre quotidien de pulvérisations pour arriver à la moitié de celui de l’étape 1 ;
– semaines 10 à 12 : réduire le nombre de pulvérisations jusqu’à un maximum de 4 par jour. À partir de 2 à 4 pulvérisations par jour, l’arrêt est possible.
Le dosage est choisi en fonction du tabagisme, sachant qu’une cigarette = 1 mg de nicotine = 1 mg de substitut. Exemple : pour substituer 20 cigarettes par jour, il faut un patch à 21 mg/24 heures ou à 25 mg/16 heures. Plusieurs patchs peuvent être nécessaires pour les fortes dépendances, sur avis médical.
→ Le sous-dosage se manifeste par une persistance de l’envie de fumer, irritabilité, nervosité, concentration difficile… L’ajustement des doses peut nécessiter plusieurs jours. Ne pas réduire la dose de nicotine trop vite, car le sous-dosage est facteur d’échec. Adapter au besoin la posologie dès la première semaine, puis toutes les deux à trois semaines.
→ Le surdosage, plus rare que le sous-dosage, peut entraîner nausées, bouche pâteuse, dégoût du tabac, diarrhées, insomnies, maux de tête…
De 6 semaines à 6 mois selon les personnes, en diminuant progressivement les doses. En pratique, la durée doit être suffisante pour prévenir les rechutes, jusqu’à 6-12 mois, voire plus si nécessaire.
Même si la motivation reste le facteur de réussite prépondérant, les substituts nicotiniques doublent, voire triplent les chances d’arrêt à un an. À posologie égale, les différentes formes ont une efficacité équivalente. L’association de plusieurs formes de substituts nicotiniques est possible sous contrôle médical (par exemple, patch et gommes ou patch et inhaleur).
Utilisation sous contrôle médical :
– chez les femmes enceintes ou qui allaitent ;
– en cas d’antécédent d’infarctus du myocarde ou d’AVC.
→ La prise de poids peut être contrôlée par quelques précautions diététiques. Expliquer qu’il faut peut-être accepter de prendre quelques kilos qui seront perdus par la suite.
→ Humeur dépressive passagère : la nicotine augmente la libération de certains neuromédiateurs dont la sérotonine. Il faut quelques semaines pour que le corps s’adapte. Si ce symptôme persiste, consulter.
→ Ballonnements et/ou constipation transitoires : la nicotine accélère la vidange digestive et intestinale. Un laxatif doux ou adsorbant peut être proposé.
→ Expectorations possibles pendant 2-3 semaines, car l’arrêt du tabac améliore la fluidification des sécrétions bronchiques.
→ Surdosage en caféine : les gros buveurs de café doivent diminuer leur consommation ou passer au décaféiné, car le tabac accélère le catabolisme de la caféine.
L’Assurance maladie rembourse les substituts nicotiniques à hauteur de 150 € par année civile et par personne, a condition :
– qu’ils soient prescrits sur une ordonnance exclusive, sans autre traitement inscrit ;
– qu’ils figurent sur la liste de près de 200 substituts nicotiniques disponible sur le site de l’Assurance maladie (www.ameli.fr).
* L’Afit regroupe des infirmiers et infirmières titulaires du DIU de tabacologie ou exerçant dans le champ du sevrage tabagique.
Deux questions
1 Combien de cigarettes fumez-vous par jour ?
• 10 ou moins 0
• 11 à 20 1
• 21 à 30 2
• 31 ou plus 3
2 Dans quel délai après le réveil fumez-vous votre première cigarette ?
• Moins de 5 minutes 3
• 6 à 30 minutes 2
• 31 à 60 minutes 1
• Après plus d’1 heure 0
Interprétation
→ De 0 à 1 : pas de dépendance à la nicotine. L’arrêt du tabac est possible sans recours à des substituts nicotiniques. Si le fumeur redoute l’arrêt, conseiller d’appeler Tabac info service.
→ De 2 à 3 : dépendance modérée. L’arrêt du tabac est possible sans recours à des substituts nicotiniques. En cas de manque ou de difficultés passagères (irritabilité, envie très forte…), un substitut nicotinique par voie orale peut aider et augmenter les chances de réussite.
→ De 4 à 6 : dépendance forte. Un traitement pharmacologique à dose suffisante et adaptée est recommandé (substitut nicotinique, bupropion, varenicline).
Isabelle Hamm infirmière tabacologue, présidente de l’Association française des infirmières en tabacologie (AFIT)*
Prescrire un substitut nicotinique présente toujours un intérêt, même s’il est minime pour certains patients sans un accompagnement et un suivi. L’infirmière peut informer le patient qui exprime le souhait d’arrêter de fumer qu’il existe des aides. Surtout lorsque les structures de tabacologie sont éloignées ou surchargées. Toute démarche pour tenter de sortir du tabac est un pas franchi vers l’arrêt de l’addiction… Idéalement, l’infirmière fera un point avec le patient après quelques jours ou semaines pour voir si le traitement est adapté et efficace. Le risque est souvent de sous-évaluer la dépendance du fumeur et de sous-doser la substitution. Une formation, même a minima, permettra au soignant d’être rapidement plus efficace.
L’autorisation de prescrire des substituts nicotiniques va peut-être donner envie aux infirmières de se former pour être plus à l’aise. Sans formation et sans un minimum d’accompagnement, l’infirmière peut ressentir une frustration face à une démarche que le patient jugera inefficace. D’un point de vue financier, le traitement du tabagisme ne bénéficie pas d’une prise en charge complète comme cela se fait pour d’autres traitements de substitution. L’aide forfaitaire de 150 € attribuée par l’Assurance maladie permet d’initier la substitution, mais le coût des substituts nicotiniques – assez onéreux – reste un problème.
L’Assurance ne rembourse qu’un forfait de 150 € par bénéficiaire et par an quelque soit le montant du traitement. Le reste à charge doit être comparé au coût des cigarettes économisées. Exemples :