Le traitement de l’IRC - L'Infirmière Magazine n° 385 du 01/09/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 385 du 01/09/2017

 

FORMATION

L’ESSENTIEL

Jan Cruschiel*   Dr Adeline Schendel**  


*interne en médecine
**chef de service Néphrologie-dialyse, CH de Troyes

Hémodialyse, dialyse péritonéale, transplantation rénale, les facteurs influençant le choix d’une technique d’épuration extra-rénale sont liées au patient et à son environnement.

1. RAPPELS

L’insuffisance rénale chronique (IRC) correspond à une perte progressive et irréversible des fonctions des reins. Elle résulte de la réduction du tissu rénal fonctionnel. Son diagnostic repose sur la diminution du débit de filtration glomérulaire (DFG), qui se traduit par une augmentation progressive des concentrations de créatinine dans le plasma(1). L’insuffisance rénale chronique est une maladie grave avec un fort retentissement sur la qualité de vie. Chez les plus de 70 ans, l’IRC est très fréquente, atteignant près d’une personne sur trois en France(2). Et dans sa phase terminale, elle concerne plus de 70 000 personnes, soit 1,1 personne sur 1 000, dont 53 % sont en dialyse et 47 % ont un greffon rénal fonctionnel.

2. TRAITEMENT DE L’IRC EN PHASE TERMINALE

→ Quand envisager un traitement de suppléance ?

Selon les recommandations européennes de 2011 faisant suite à l’étude Ideal(3), il faut commencer à préparer les patients à la dialyse quand leur DFG est inférieur à 20 mL/min. Ce moment doit être déterminé au cas par cas en fonction des signes cliniques et biologiques(4). Les patients doivent être pris en charge dans une unité dédiée à la maladie rénale chronique avancée. Si le patient est éligible à la transplantation, il bénéficie d’un bilan pré-greffe ; en l’absence de contre-indictions, il est inscrit sur la liste d’attente.

→ Les trois principales techniques de suppléance rénale sont l’hémodialyse, la dialyse péritonéale et la transplantation. La dialyse est une méthode d’épuration extra-rénale dont l’objectif est de débarrasser le patient de l’eau et des déchets qui s’accumulent dans l’organisme. L’infirmière intervient dans la mise en place de la dialyse, notamment par le biais d’une consultation dédiée (lire p. 40).

L’hémodialyse

→ L’hémodialyse réalise un échange des solutés et de l’eau à travers une membrane semi-perméable, entre le sang du malade et une solution de dialyse, appelée le dialysat. Elle permet de soustraire diverses substances toxiques de l’organisme et de contrôler les volumes liquides en ramenant le patient à un poids idéal théorique (le « poids sec »). L’hémodialyse est la technique de dialyse la plus utilisée en France (85 %). Elle peut être réalisée en centre d’hémodialyse ou en ambulatoire, en unité de dialyse médicalisée (UDM), en unité d’autodialyse ou à domicile(1) (4).

→ La mise en œuvre d’un traitement par hémodialyse chronique nécessite un abord vasculaire qui assure un débit sanguin suffisant dans la ligne de circulation extra-corporelle. Le matériel requis inclut un générateur d’hémodialyse, un dialyseur et un système de traitement de l’eau. Les échanges entre le sang du patient et le dialysat se font à travers une membrane de dialyse (le dialyseur), qui offre une grande surface d’échange pour un faible volume de sang. La dialyse fonctionne grâce à des échanges diffusifs utilisant le gradient de concentration des molécules entre le sang et le liquide de dialyse, et des échanges convectifs permettant un transfert d’eau du sang au dialysat. L’eau osmosée est obtenue à partir de l’eau de ville, par une chaîne de traitement complexe(4).

Déroulement d’une séance d’hémodialyse

→ Les séances d’hémodialyse sont réalisées en général 3 à 6 fois par semaine et durent chacune 4 à 6 heures. Le patient est connecté à la ligne de circulation extra-corporelle au moyen de l’abord vasculaire. Pendant la séance, il convient de surveiller la pression artérielle du patient, son poids (avant et après la séance), son état de conscience, le bon fonctionnement de la fistule artério-veineuse. Les chutes tensionnelles sont fréquentes(5). Les traitements sont adaptés en fonction des résultats de la biologie et de la clinique.

L’abord vasculaire

Pour assurer l’hémodialyse, il faut un abord vasculaire de bonne qualité. On utilisera en priorité un abord de type fistule artério-veineuse (FAV), et si celle-ci n’est pas possible, un cathéter jugulaire permanent tunnelisé (lire p. 46). La FAV est obtenue en dérivant une veine sur une artère pour augmenter le diamètre et le débit de la veine. Les FAV sont souvent situées en position radiale ou humérale, sur le bras non dominant. Le capital veineux des patients doit être préservé pour préparer la création d’une FAV, qui doit être réalisée plusieurs mois avant l’initiation de la dialyse(4).

Avantages de l’hémodialyse

L’hémodialyse est une méthode d’épuration extra-rénale rapide et efficace, permettant au patient de mener sa vie presque normalement en dehors des séances. La présence continue de médecins et d’infirmières dans les centres d’hémodialyse permet de surveiller régulièrement les malades.

Complications

L’abord vasculaire est une source de préoccupation permanente dans la prise en charge. Ainsi, environ 20 % des hospitalisations des patients dialysés sont dues aux complications d’abords vasculaires(6). Les principales complications touchant les FAV sont les infections, la thrombose, le vol vasculaire, les saignements. La création d’une FAV peut avoir un retentissement cardiaque.

La dialyse péritonéale

La dialyse péritonéale fait appel à une séreuse (le péritoine), membrane naturelle vivante ayant des caractéristiques très différentes d’un sujet à l’autre, contrairement aux membranes artificielles utilisées en hémodialyse. Le péritoine est une membrane semi-perméable qui tapisse les parois de la cavité abdominale et les viscères qui y sont contenues. La dialyse péritonéale s’effectue au domicile du patient. Soit le patient est autonome ou se fait aider par son conjoint, soit il ne l’est pas ; dans ce cas, une infirmière à domicile intervient pour effectuer les échanges de dialyse péritonéale.

Techniques de dialyse péritonéale

→ Il existe deux techniques de dialyse péritonéale :

• la dialyse péritonéale continue ambulatoire (DPCA) est une méthode manuelle avec présence constante de dialysat (environ 2 litres) dans la cavité péritonéale. La solution de dialyse est changée plusieurs fois par jour. La période de diffusion dure en général de 4 à 6 heures le jour et de 10 à 12 heures la nuit, la période de drainage environ 20 à 30 minutes ;

• la dialyse péritonéale automatisée (DPA) fait appel à l’assistance d’un cycleur, avec possibilité d’effectuer plusieurs échanges de manière automatisée la nuit. La DPA peut être continue ou intermittente, avec dans ce dernier cas des périodes où le ventre est vide(7).

→ La prévalence de la dialyse péritonéale en France est l’une des plus basses d’Europe. Pourtant, de nombreux travaux ne mettent pas en évidence de différence de survie entre les patients qui commencent une dialyse péritonéale ou une hémodialyse(8,9). La dialyse péritonéale est contre-indiquée en cas d’insuffisance respiratoire chronique, d’obésité morbide, de brides secondaires à une chirurgie abdominale, de manque d’hygiène à domicile exposant à un risque d’infection.

Le cathéter de dialyse péritonéale

Le succès de la dialyse péritonéale repose sur une bonne gestion de l’abord péritonéal. Pour aménager l’accès au péritoine, l’usage du cathéter de Tenckhoff à deux manchons est très fréquent. Le cathéter est posé au bloc opératoire par un chirurgien expérimenté. Le premier pansement et le premier échange de dialyse péritonéale (pour tester le cathéter) sont effectués 10 jours plus tard. Ensuite, le pansement est fait trois fois par semaine en suivant des règles d’asepsie rigoureuses, soit par une infirmière, soit par le patient si il est formé et autonome. À la phase de cicatrisation, ces règles ont pour but de prévenir l’infection de l’émergence qui pourrait entraîner des péritonites récidivantes, avec un risque d’abandon de la technique. En résumé, le succès de l’initiation de la dialyse est conditionné par le travail d’une équipe pluridisciplinaire (néphrologues, chirurgiens, infirmières).

Avantages de la dialyse péritonéale

La dialyse péritonéale est une méthode plus « douce » que l’hémodialyse. Elle est moins susceptible d’exposer le patient à des variations brusques de la volémie. Son déroulement à domicile peut être un avantage, car l’autonomie du patient est renforcée. Elle est moins coûteuse que l’hémodialyse.

Complications de la dialyse péritonéale

Les complications les plus redoutées sont les complications infectieuses(10). Elles comprennent l’infection de l’orifice de sortie du cathéter et l’infection du liquide de dialyse. Une complication non infectieuse est la perte des capacités du péritoine, qui nécessitera un changement de technique de suppléance.

Rôle de la diététique

Les patients dialysés suivent en règle générale un régime alimentaire conçu pour éviter l’accumulation d’eau et de substances toxiques, tout en évitant la dénutrition. De plus, ils peuvent être amenés à prendre un traitement pour lutter contre les complications de l’IRC : érythropoïétine pour lutter contre l’anémie, résines échangeuses d’ions pour contrôler le potassium, suppléments calciques et vitamine D pour contrôler l’hyperparathyroïdie, chélateurs de phosphate pour lutter contre l’hyperphosphatémie.

La transplantation rénale

La transplantation rénale est née dans les années 1950. Son attractivité s’explique par la bonne survie associée à cette méthode et la qualité de vie qu’elle procure aux patients. Le principal facteur limitant reste le nombre de greffons disponibles. Autrefois réservée aux patients jeunes, la transplantation rénale est accessible à un public de plus en plus large. Par conséquent, on observe une augmentation de la durée d’attente pour une greffe.

→ Transplantation avec donneur décédé. C’est le cas le plus fréquent. Toute personne en état de mort encéphalique est candidate au don d’organes à moins d’être inscrite sur un registre de refus. La rapidité du prélèvement, du transport et de la chirurgie sont déterminants pour le succès de la transplantation : le temps d’ischémie froide doit être le plus court possible.

→ Transplantation avec donneur vivant. Elle donne d’excellents résultats. La proportion de greffes à partir de donneurs vivants augmente progressivement (moins de 10 % en 2011, 15,9 % en 2014)(11). Les futurs donneurs disposent d’une protection juridique afin de garantir que leur consentement est libre et éclairé et que le don est conforme aux conditions fixées par la loi(4).

→ Suivi après une transplantation rénale. Pour éviter le rejet chez le transplanté rénal, le traitement immuno­suppresseur doit être pris correctement de façon in­définie. Pourtant, l’observance est souvent imparfaite (15-30 % selon la méthode de mesure utilisée), avec des conséquences potentiellement dramatiques à court ou long terme(12).

→ Les principales complications de la transplantation rénale sont le rejet, les infections et une augmentation du risque de certains cancers. Le risque est plus élevé au début de la greffe, quand la dose du traitement immunosuppresseur est maximale.

Comme le traitement immunosuppresseur diminue l’efficacité des vaccins, il est recommandé, comme chez tout patient insuffisant rénal chronique, de vacciner le patient avant la transplantation, contre l’hépatite B par exemple. En fonction de l’intensité du traitement immunosuppresseur et des résultats du bilan pré-greffe, des traitements anti-infectieux préventifs pourront être mis en place.

→ Le risque infectieux diminue après le sixième mois. Les infections urinaires et les pneumopathies sont les infections les plus fréquentes. La gravité des infections respiratoires du patient transplanté justifie le recours à des méthodes diagnostiques invasives (lavage broncho-alvéolaire). L’utilisation de cotrimoxazole pendant les six premiers mois post-transplantation est un moyen de défense efficace contre une infection opportuniste bien connue, la pneumopathie à Pneumocystis jirovecii. Citons également l’infection virale à CMV, qui fait l’objet d’une attention particulière quand le donneur est séropositif et le receveur séronégatif(13).

Choix d’une technique de suppléance rénale

Les facteurs pouvant influencer le choix d’une technique d’épuration extra-rénale sont liés au patient et à son environnement (présence de contre-indications à une technique, mode de vie, milieu de vie) et au centre de soins(14).

Dans tous les cas, l’adhésion du patient est fondamentale pour l’initiation et le bon déroulement du traitement de suppléance rénale. La pratique infirmière de la dialyse nécessite une haute technicité et des qualités humaines permettant d’instaurer une relation de confiance avec les patients, parfois à vie. L’infirmière en néphrologie dispose de nombreux outils pour répondre aux besoins éducatifs et médicaux des patients insuffisants rénaux.

  • 1- Lacour B, Massy Z. Diagnostic, suivi biologique de l’insuffisance rénale chronique et prise en charge de l’insuffisance rénale chronique terminale. Rev Francoph Lab. 2013 Apr;2013 (451):59-73.

  • 2- Stengel B. L’insuffisance rénale chronique : une épidémie ? Presse Médicale. 2011 Nov;40 (11):1020-7.

  • 3- Tattersall J, Dekker F, Heimbürger O, Jager KJ, Lameire N, Lindley E, et al. When to start dialysis: updated guidance following publication of the Initiating Dialysis Early and Late (IDEAL) study. Nephrol Dial Transplant Off Publ Eur Dial Transpl Assoc – Eur Ren Assoc. 2011 Jul;26 (7):2082-6. Étude IDEAL : Cooper BA, Branley P, Bulfone L, Collins JF, Craig JC, Fraenkel MB, et al. A randomized, controlled trial of early versus late initiation of dialysis. N Engl J Med. 2010 Aug 12;363 (7):609-19.

  • 4- Collège universitaire des enseignants de néphrologie (France), Moulin B, Peraldi M-N. Néphrologie. Paris: Ellipses Éd.; 2016.

  • 5- MacEwen C, Sutherland S,Daly J, Pugh C, Tarassenko L. Relationship between Hypotension and Cerebral Ischemia during Hemodialysis. J Am Soc Nephrol. 2017 Mar 7.

  • 6- Figueres M-L, Besnier D, Delcroix C. Relevé des abords vasculaires des Pays-de-la-Loire : complications des fistules artério-veineuses prothétiques, l’exemple de Saint-Nazaire. Néphrologie & Thérapeutique. 2011 Sept;7 (5):321.

  • 7- Ryckelynck J-P, Lobbedez T, Hurault de Ligny B. Dialyse péritonéale. Néphrologie & Thérapeutique. 2005 Oct;1 (4):252-63.

  • 8- Habib A, Durand A-C, Brunet P, Delarozière J-C, Devictor B, Sambuc R, et al. Étude comparative de survie entre les techniques de dialyse : dialyse péritonéale versus hémodialyse en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Néphrologie & Thérapeutique. 2016 Jul;12 (4):221-8.

  • 9- Rouveure A-C, Bonnefoy M, Laville M. Traitement conservateur, hémodialyse ou dialyse péritonéale chez le sujet âgé : le choix du traitement ne modifie pas la survie. Néphrologie & Thérapeutique. 2016 Feb;12 (1):32-7.

  • 10- Vakilzadeh N, Burnier M, Halabi G. Infectious peritonitis in peritoneal dialysis: an over-emphasized complication. Rev Med Suisse. 2013 Feb 27;9 (375):446-50.

  • 11- Delaporte V. Transplantation rénale à partir d’un donneur vivant. Prog En Urol. 2011 Nov;21 (11):789-92.

  • 12- Kessler M. Améliorer l’adhésion au traitement en transplantation rénale : un enjeu majeur. Néphrologie & Thérapeutique. 2014 Jun;10 (3):145-50.

  • 13- Mourad G, Garrigue V, Delmas S, Szwarc I, Deleuze S, Bismuth J, et al. Complications infectieuses et néoplasiques après transplantation rénale. EMC – Néphrologie. 2005 Nov;2 (4):158-81.

  • 14- Habib A, Durand A-C, Brunet P, Duval-Sabatier A, Moranne O, Bataille S, et al. Facteurs influençant le choix de la dialyse péritonéale : le point de vue des patients et des néphrologues. Néphrologie & Thérapeutique. 2017 Apr;13 (2):93-102.