L'infirmière Magazine n° 387 du 01/11/2017

 

DÉSERTS MÉDICAUX

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FOCUS

Carole Tymen  

Le plan pour l’égal accès aux soins dans les territoires, présenté le 13 octobre par Agnès Buzyn, soulève de nombreuses questions et attentes. En particulier, les « coopérations » entre médecins et IDE, qui permettraient de « dégager du temps médical ».

Décliné en quatre priorités(1), le plan de lutte contre les déserts médicaux, dévoilé par la ministre de la Santé le 13 octobre, jette les bases d’une organisation nouvelle. Car, pour Agnès Buzyn, l’action doit venir des territoires : « C’est en favorisant les synergies que les acteurs locaux pourront construire un projet de soins mieux adapté aux besoins. Le rôle de l’État, des ARS et de l’Assurance maladie est d’encourager et d’accompagner ces initiatives locales. »

Des propositions qui vont dans le sens de la réforme souhaitée par l’Ordre des médecins qui demandait le dégagement d’un temps médical. « Si la méthode annoncée par le @gouvernementFR est la bonne, la vision reste partielle et les annonces à concrétiser », lâche l’Ordre sur son compte Twitter. Un cadre néanmoins salué par une grande partie des organisations infirmières.

Déployer le modèle Asalée

Le plan prévoit ainsi de déployer de nouvelles infirmières Asalée(2) dans les zones sous-denses. L’expérimentation, « qui a fait ses preuves » selon la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), devrait passer dans le droit commun d’ici fin 2017. La Fédération nationale des infirmiers (FNI) s’étonne du choix porté sur un modèle « peu compatible avec un exercice libéral » et qui « repose sur une vision d’emplois infirmiers postés sous l’autorité du médecin, répondant difficilement aux enjeux de la proximité, du maintien à domicile et de la continuité des soins ». Quant à savoir combien d’IDE seraient concernées, aucun chiffre n’est avancé par la DGOS : « Cela dépendra des demandes qui émaneront des territoires. »

Faciliter les protocoles

Le deuxième levier réside en la simplification des procédures de protocoles entre professionnels de santé. Le dispositif devrait permettre, dès 2018, « la mise en œuvre de davantage de coopération entre médecins et auxiliaires médicaux, sur des sujets identifiés comme prioritaires au plan national »(3). Par exemple, entre médecins généralistes et Idel, pour suivre à domicile les patients âgés poly-médicamentés.

« Les IDE ne sont pas des tâcherons ! fulmine le Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI-CFE-CGC). Ces protocoles n’offrent aucune garantie sur les qualifications et compétences des professionnels impliqués. Le développement des partages de compétences ne doit pas être le prétexte à faire n’importe quoi, juste pour libérer du temps médical. » Ce que complète Karim Mameri, secrétaire général de l’Ordre national des infirmiers (ONI) : « On n’est pas là pour se substituer mais pour être complémentaire. Les IDE ont un rôle à jouer. Ce rôle croît et peut encore croître en matière de prévention, de suivi des patients chroniques, de vaccination sans prescription médicale, d’élargissement du droit de prescription de dispositifs médicaux. »

Le but est aussi d’abaisser le temps de mise en place à six mois. Ces « IDE protocolisées », formées en peu de temps, inquiètent le SNPI : « Comment justifier qu’il faille encore neuf ans pour former un médecin ? Les autorités préparent-elles des soins low cost dans le cadre d’un système de santé à deux vitesses  ? »

Bientôt des IPA ?

Le troisième volet vise à la reconnaissance du grade d’infirmière en pratique avancée (IPA). Là encore, le ministère veut aller vite : de nouvelles formations universitaires (masters 2) devraient être proposées dès la rentrée 2018. « Cet échelon intermédiaire entre l’IDE à Bac + 3 et le médecin à Bac + 9 est vital, en particulier pour la prise en soin des patients chroniques et des personnes âgées », martèle le SNPI, qui demande un référentiel d’activité, de compétences, de formation, un cadre statutaire et une grille salariale.

Le décret, qui fixera les compétences à obtenir, est en cours d’élaboration entre les divers partenaires, explique le ministère. Un deuxième texte portant sur le référentiel de formation devrait suivre, avant l’élaboration d’un modèle de rémunération. « Avant de savoir combien les IDE seront payées, il faut d’abord savoir ce qu’elles vont faire », tempère la DGOS.

L’ONI salue l’effort qui permettra de « répondre rapidement aux besoins de soins actuellement non couverts par la désertification médicale », et qui pourrait prendre en exemple la Suède, où « les IDE peuvent prescrire certains médicaments et examens de biologie en contrepartie d’une formation ». Selon lui, cela pourrait se traduire en France par une « offre de premier recours, coordination, consultation de suivi et organisation du parcours ».

1 - Présence médicale et soignante accrue, révolution numérique, meilleure organisation des professions de santé, construction des projets par les acteurs.

2 - Dispositif permettant aux IDE de suivre et d’accompagner les patients atteints de pathologies chroniques.

3 - bit.ly/2yA3wrY