L'infirmière Magazine n° 387 du 01/11/2017

 

ÉDITORIAL

HÉLÉNE TRAPPO  

RÉDACTRICE EN CHEF

Déjà, l’affaire Baupin, en 2016, qui concernait des faits de harcèlement sexuel dans la sphère politique, avait fait l’effet d’une petite bombe et réussi à briser un peu le silence. Le déferlement de témoignages sur les réseaux sociaux, après les accusations graves contre le réalisateur Harvey Weinstein, met au grand jour l’iceberg que l’on feignait d’ignorer depuis des lustres. Outre le côté inédit, salutaire et sans précédent de ce phénomène, ce qui interpelle, c’est aussi les interrogations qu’il fait surgir, voire les besoins (ou manques) de repères qu’il révèle. En témoignent les quiz proposés sur Internet. Dire à sa collègue « T’as un beau boule » comme on lui dirait « T’as de beaux yeux » (quoique…), ce n’est pas une agression sexuelle pour certain (e) s, parce qu’on est pote. Quelle différence, d’ailleurs, entre harcèlement et séduction ? Bonne question à laquelle trois Français sur quatre ont des difficultés à répondre, si l’on en croit une enquête du Défenseur des droits réalisée en 2014(1). Et comment s’y retrouver - je pense aux jeunes générations - quand certains clips renvoient à longueur de temps des images où la femme est réduite à une proie à la disposition des hommes. Autre questionnement qui émerge de cette parole libérée, celle du consentement. Les victimes sont souvent en position de subordination et un peu trop vite considérées comme consentantes parce qu’elles n’ont pas osé opposer un “non” franc à un geste déplacé. Comme le souligne Geneviève Fraisse(2), philosophe et historienne, « il faut que le consentement devienne un partage entre les sexes. On a encore cette conception en tête que ce sont les femmes qui consentent. » Si l’on veut vaincre ce fléau, c’est tout un imaginaire qu’il faut reconstuire, et pas seulement un arsenal juridique.

1 - Enquête sur le harcèlement sexuel au travail, janvier 2014. Ifop/Défenseur des droits.

2 - www.youtube.com/watchv=QsL3ZmyrrqQ