L'infirmière Magazine n° 387 du 01/11/2017

 

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« C’est lui ! C’est cet infirmier qui m’a dit qu’il arriverait bientôt mais qui n’est jamais venu ! Ça fait une heure que j’attends ! » « Lui », l’infirmier qui n’avait pas tenu sa promesse et l’avait fait patienter trop longtemps, c’était moi, désigné du doigt par cette jeune patiente. Elle hurlait dans la salle d’attente bondée et me défiait de son regard noir. La tension était électrique et je craignais de voir la chaise qu’elle tenait à bout de bras voler jusqu’à moi.

La journée avait pourtant bien débuté. En poste aux urgences psychiatriques, j’avais accueilli dès le matin les patients les uns après les autres. En fonction de leur état de santé et de l’urgence de la situation, je les installais en salle d’attente ou les voyais rapidement en entretien infirmier. Mais j’avais manifestement mal évalué la souffrance de cette jeune femme. Car sous la sonnerie stridente du dispositif d’alarme, mes collègues arrivés en renfort et moi-même entourions une patiente en furie et une chaise tournoyante. Malheureusement, la ronde de blouses blanches que nous formions autour d’elle ne semblait pas l’apaiser. Bien au contraire. Car cette soudaine agitation que je n’avais pas anticipée ne cessait de gagner en intensité. Nous devions reculer devant la chaise dangereuse et je ne trouvais pas les mots. Quand soudain derrière moi… « Mademoiselle, vous avez raison, cette attente est insupportable. Je n’aurais pas apprécié non plus ! » Était-ce la douce voix rassurante de ma vieille collègue Germaine, ou la satisfaction d’être enfin comprise ? Je ne sais pas, mais en quelques instants, la jeune femme se détendait et partait pour un long entretien avec ma collègue qui, plus tard, irait régulièrement la revoir en salle d’attente, lui dire quelques mots, la rassurer.

Plus tard, Germaine m’a expliqué : « Christophe, cette jeune femme était angoissée à son arrivée. Peut-être n’as-tu pas pris la mesure de sa fragilité. Tu peux te tromper, mais tu dois toujours être présent, porter de l’attention. Même à ceux qui semblent aller bien. Elle s’est sentie abandonnée et ne l’a pas supporté. Prends le temps, quelques secondes seulement peuvent suffire, pour apaiser, aider à patienter et surtout maintenir le lien qui nous unit. »

Encore une fois, Germaine avait volé au secours de mes patients, et du mien par la même occasion. Que ferais-je sans elle ? Serai-je un jour à sa hauteur ? Même quelques secondes seulement…