Comme ce séquoia de type sempervirens sur lequel pousse un chêne vert dans le jardin de l’hôpital psychiatrique où il est hospitalisé pour une crise maniaque, Pierre Souchon est sempervirens : toujours vivant. Vivant, malgré la bipolarité qui lui fait perdre son boulot, sa femme, la boule. Son livre est l’histoire de cette chute et de la renaissance qui suivra, sous la forme d’un road-trip. Intime d’abord : il retrace son cheminement psychique, son parcours médical et son histoire familiale, au-delà des secrets et des croyances. Mais ce périple est aussi social, en connexion avec le monde qui l’entoure : l’auteur brosse le portrait de la paysannerie en voie d’extinction dans son Ardèche natale, dresse le tableau de la grande bourgeoisie dont est issue sa femme et donne la parole à l’humanité en souffrance côtoyée sur les routes de la maladie. Sa plume est vivante, émouvante souvent, drôle parfois. « Tout mon combat a été de considérer que j’étais malade au même titre qu’un diabétique, ou qu’un type qui a le VIH. Une maladie au long cours, qu’on doit traiter au long cours […]. Le problème avec les maladies psys […], c’est qu’on vous stigmatise […]. Les symptômes d’une maladie psy, mes symptômes à moi, en tout cas, s’incarnent dans mon comportement. Donc tout le monde y met de l’intentionnalité, en niant la dimension pathologique. » La maladie psychique peut être, au moins par instants, une extrême souffrance pour le patient et pour ses plus proches.
Encore vivant, Pierre Souchon, éd. Rouergue, 19,80 €