Encore trop rares dans les établissements, les infirmières spécialisées dans la confection des appareils d’immobilisation sont précieuses pour les services d’urgences et d’orthopédie. Une fonction qui demande agilité et créativité.
Familièrement appelé « plâtrier » dans les services hospitaliers, le gypsothérapeute n’a pas grand-chose à voir avec un ouvrier du bâtiment - même s’il est vrai qu’il vaut mieux ne pas avoir peur de se salir les mains quand on choisit cette spécialité ! Ce rôle, qui consiste à mettre en place les traitements orthopédiques à l’hôpital, a récemment intégré le champ de compétences des infirmières. « Longtemps, il était plutôt dévolu aux aides-soignantes, rappelle Arnaud Labaude, infirmier gypsothérapeute à l’hôpital de Mulhouse (Haut-Rhin) et président de l’Association des gypsothérapeutes de France(1). Mais, depuis les années 1990, ceux qui partent à la retraite ne sont remplacés que par des infirmières, qui représentent aujourd’hui 90 % des gypsothérapeutes. » Dans les années 2000, le code de la santé publique est venu encadrer strictement cette fonction (lire ci-contre).
Concrètement, le gypsothérapeute réalise tous les appareils d’immobilisation ou de maintien nécessaires à la guérison des patients traumatisés, par exemple victimes de fracture ou d’entorse : attelles dynamiques et statiques en thermoformable ou résine, contentions souples et adhésives, appareils légers de contention… Il peut aussi mettre en place des appareillages préfabriqués, vendus dans des boutiques d’orthopédie. Tout cela reste sous la responsabilité du médecin, le gypsothérapeute ne réalisant que l’acte technique sur prescription et sous son contrôle. Les réductions de fractures ou de luxations, elles, restent l’apanage du médecin. Des attributions qui demandent un certain goût pour les travaux manuels. « Ce métier stimule notre créativité, apprécie Élodie Feracho, infirmière gypsothérapeute au centre hospitalier Sud-Gironde. Le chirurgien définit un type d’immobilisation et l’angle qu’il souhaite atteindre et c’est à nous de créer l’attelle adaptée. On choisit le matériau, ainsi que le modèle, qui assureront un maximum de confort au patient. »
Quand le système d’immobilisation est très complexe, la mise en place demande une bonne forme physique. « Il faut parfois se mettre à deux, explique Emmanuel Ingelaere, gypsothérapeute au CHU de Strasbourg (Bas-Rhin). Le retrait du plâtre, à l’aide d’une scie vibrante, demande de la force. » Savoir travailler en équipe est indispensable, car les trouvailles des uns et des autres sont partagées et commentées au sein du service. Et le gypsothérapeute travaille en relation étroite avec le chirurgien ou le médecin, un partenaire dont il est primordial de savoir gagner la confiance. « Même s’il leur arrive de râler un peu lorsqu’on les sollicite pour valider notre travail, nous avons une relation très complémentaire, source d’enrichissement, explique Élodie Feracho. Mais il faut avoir l’esprit ouvert car, parfois, notre immobilisation est ratée et on ne se prive pas de nous le dire ! » Une fois la relation installée, le gypsothérapeute gagne en autonomie. « Lorsqu’on est expérimenté, on peut même aider au diagnostic et proposer des solutions », assure Arnaud Labaude.
Si cette expertise s’acquiert surtout avec l’expérience, une solide formation initiale n’est pas de trop, selon les principales intéressées (lire ci-contre). « J’ai suivi une formation sur deux ans et c’était indispensable, tranche Miren Larramendy, infirmière gypsothérapeute au centre hospitalier de la Côte-Basque. Il ne faut pas banaliser l’appareillage en orthopédie, qui peut entraîner des complications graves s’il est mal réalisé. Je ne me suis sentie pleinement professionnelle qu’une fois ma certification en poche. » Mais peu d’établissements proposent spontanément de former leurs infirmières ; il vous faudra sans doute le demander dans le cadre du DPC(2).
Dans certains services, les gypsothérapeutes ne réalisent quasiment plus de soins techniques. En revanche, elles sont chargées de l’éducation thérapeutique du patient relative à l’usage des dispositifs d’immobilisation. « Je leur dis, par exemple, de ne pas mettre de vernis à ongle car il faut pouvoir voir si l’ongle devient bleu », explique Emmanuel Ingelaere. Le gypsothérapeute réalise aussi le suivi jusqu’à guérison complète. « Déjà, dans les heures qui suivent la pose du plâtre, on retourne voir le patient pour vérifier s’il le supporte bien, raconte Élodie Feracho. Puis, après le retour au domicile, on est alerté à chaque fois qu’il y a un problème. On assiste aux consultations de contrôle avec le chirurgien et enfin, on procède au retrait du plâtre. » Le suivi des éventuelles plaies et les pansements reviennent également au gypsothérapeute, qui reste aussi attentif à la psychologie du patient : « On peut parfois détecter de la maltraitance sur des enfants », confie Arnaud Labaude.
L’organisation du travail est très variable en fonction des établissements. En France, rares sont ceux qui disposent d’un véritable pôle de gypsothérapie. L’hôpital de Mulhouse est pionnier en la matière : sept gypsothérapeutes tournent sur les différents services, du suivi des urgences à la fin des soins. « Quand un patient accidenté arrive aux urgences, on commence par lui poser une attelle radio transparente avant l’intervention du médecin, détaille Arnaud Labaude. Puis, nous réintervenons après l’examen clinique et le bilan radio, pour mettre en place le traitement orthopédique. Ensuite, on reverra le patient en consultation de traumatologie. » Les urgences et la consultation d’orthopédie-traumatologie, voilà les deux principaux lieux d’intervention, aux modes de fonctionnement très différents. Emmanuel Ingelaere connaît bien les deux : gypsothérapeute en consultation de traumatologie depuis 2011, il a préalablement exercé cette spécialité dix ans au sein du service des urgences. « Aux urgences, on pose une simple attelle si la personne va être opérée ou un plâtre fendu pour laisser le temps à l’œdème de dégonfler. En traumatologie, nous pouvons développer une relation de soins plus profonde car nous revoyons le patient plusieurs fois, à J + 3, J + 3 semaines, puis J + 6 semaines. »
D’une façon générale, la consultation séduit par son cadre de travail. « Nous travaillons dans des conditions privilégiées, avec un patient à la fois, souligne Nathalie Monjot, gypsothérapeute au CH Sud-Gironde. En outre, nous avons des horaires de semaine et nous ne travaillons pas les jours fériés, contrairement aux urgences. »
La taille de l’hôpital joue aussi sur l’intérêt du métier : les gros CHU accueillent davantage de polytraumatisés, qui nécessitent des immobilisations complexes. Les petits établissements, de leur côté, proposent souvent des temps partiels en gypsothérapie, combinables avec des heures au sein d’un autre service, ce qui est appréciable pour celles qui souhaitent garder une part de soins « classiques ». Une bonne façon de tester cette nouvelle activité avant de se lancer à 100 %.
1 - L’AHGTF organise son congrès annuel le 13 octobre 2018, à Bayonne. Inscriptions : 05 59 44 35 15.
2 - Développement professionnel continu.
1 - www.ahgtf.fr
2 - www.art-gypso.fr
→ Le décret du 29 juillet 2004 précise, au sein du code de la santé publique, le statut de l’infirmière gypsothérapeute. Elle agit « soit en application d’une prescription médicale qui, sauf urgence, est écrite, qualitative et quantitative, datée et signée, soit en application d’un protocole écrit, qualitatif et quantitatif, préalablement établi, daté et signé par un médecin ». Le texte liste ses attributions : elle « recherche des signes de complications pouvant survenir chez un patient porteur d’un dispositif d’immobilisation ou de contention » et peut réaliser la « pose de bandage de contention » ainsi que l’« ablation des dispositifs d’immobilisation et de contention ».
Ce décret ne reconnaît toutefois aucune spécificité reconnue de la profession ni n’exige de formation obligatoire.
La gypsothérapie n’étant pas reconnue comme une spécialité à part entière, des professionnels de santé mettent en place des immobilisations sans formation spécifique.
→ Il existe cependant différentes formations. « Aucun diplôme ne dispense l’ensemble des connaissances nécessaires, mais notre association(1) organise des sessions sur-mesure, pour les services qui nous sollicitent », relate le président de l’AHGTF (Association hospitalières des gypsothérapeutes de France). Cela va de la simple initiation aux plâtres, sur quelques jours, à la certification en gypsothérapie, sur un ou deux ans, par modules de plusieurs semaines. Une des membres de l’association, Janine Toulon(2), dispense également des formations (agréées par l’Agence nationale du DPC) conduisant à une certification en gypsothérapie.
→ L’Ifsi du groupe hospitalier Le Creusot-Montceau(3) dispense une formation continue en gypsothérapie.
→ Plusieurs organismes indépendants proposent des formations courtes, sur trois jours. L’AHGTF ne les recommande pas, estimant qu’elles ne sont pas suffisamment qualifiantes. Elle souhaite faire évoluer la certification vers un DU (diplôme universitaire).