Moins contraignants, mieux tolérés, plus efficaces, les traitements anti-rétroviraux ont transformé la prise en charge de l’infection par le VIH et la vie des patients.
Observés d’abord en Californie et à New York en 1980, les premiers cas de sida sont rapportés en France fin 1981. Le virus responsable de la maladie est identifié en 1983. Un second virus est découvert en 1986 chez des patients originaires d’Afrique de l’Ouest. On distingue dès lors deux types, le VIH-1 et le VIH-2.
Le VIH est un retrovirus responsable du syndrome d’immunodéficience acquise (sida). Il infecte notamment certaines cellules du système immunitaire :
– les lymphocytes T CD4, dans lesquels le VIH se réplique abondamment ;
– les monocytes et les macrophages.
Trois modes de transmission sont identifiés : sexuelle, sanguine (via le sang et dérivés sanguins ou lors d’injections de drogue), et de la mère à l’enfant pendant la grossesse, l’accouchement et par l’allaitement.
On distingue trois stades d’évolution de la maladie :
– la primo-infection ou phase aiguë (lire ci-après) ;
– le stade précoce durant lequel le patient est peu ou pas symptomatique. Il peut se caractériser par des adénopathies généralisées ;
– le stade avancé (stade sida) : apparition de complications infectieuses et tumorales. À partir d’un seuil de lymphocytes T CD4 proche de 200/mm3 sur des maladies opportunistes, voire des cancers.
Les médicaments utilisés pour traiter l’infection au VIH sont les antirétroviraux (ARV). Ils agissent en bloquant la multiplication (ou réplication) du virus et permettent de vivre avec une charge virale (CV) visant l’indétectabilité. L’année 1996 marque un tournant dans la prise en charge du VIH avec l’arrivée d’une nouvelle classe thérapeutique (les inhibiteurs de la protéase) que l’on associe avec deux autres molécules pour constituer des trithérapies qui se sont avérées très efficaces, et d’un test de quantification du virus dans le sang (test de charge virale). Actuellement, les recherches s’orientent vers une simplification et/ou un allègement des traitements : diminution du nombre de comprimés, des doses, bi ou monothérapie chez les patients déjà sous tri-thérapie, prises par intermittence (sur quatre ou cinq jours consécutifs par semaine)(1). Expérimentées depuis une dizaine d’années, ces approches gagnent du terrain. Elles concernent plus particulièrement des patients ayant des CD4 élevés et une CV indétectable. Une évaluation des stratégies ARV menées au sein du CoreVIH IDF-Centre(2), concernant des patients ayant une charge virale VIH inférieure à 50 copies/mm3 révèle que les monothérapies et bithérapies – qui représentaient 13 % des stratégies ARV suppressives en 2014 – sont passées à 26 % en 2016. Les avantages de ces thérapies allégées se mesurent en termes de moindre toxicité et de moindre coût pour un traitement à vie. À titre indicatif, le coût annuel d’un traitement ARV se situe entre environ 5 000 et 12 000 €.
→ Pour rappel, les antirétroviraux se répartissent en six classes : inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI) ; inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (INNTI) ; inhibiteurs de la protéase (IP) ; inhibiteurs de l’intégrase (INI) ; inhibiteurs de la fusion (IF) ; antagonistes du CCR5 (anti-CCR5). Le groupe d’experts, dirigé par le Pr Morlat, publie dans ses recommandations de 2017 un tableau synoptique d’une vingtaine de médicaments antirétroviraux en précisant les dosages et nombre de prises par jour (de une à deux), le coût mensuel du traitement et les associations recommandées ainsi que celles qui ne le sont plus(3).
→ L’objectif principal du traitement antirétroviral est de maintenir ou restaurer un nombre de CD4 supérieur à 500/mm3, afin d’empêcher une évolution vers le sida et de maintenir une charge virale indétectable. Cet objectif atteint, avec un traitement permanent, l’espérance de vie d’un patient est équivalente à toute autre personne non infectée par le VIH. Selon le groupe d’experts 2017, le choix d’un traitement est également guidé par la recherche d’une meilleure tolérance possible, clinique et biologique, à court et long termes, d’une amélioration ou préservation de la qualité de vie et d’une réduction du risque de transmission du VIH.
→ Le traitement ARV doit être instauré chez toute personne vivant avec le VIH, quel que soit le nombre de lymphocytes CD4, y compris s’il est supérieur à 500/mm3. Il doit être démarré le plus tôt possible après le diagnostic. Une initiation précoce apporte de nombreux avantages comme la réduction des comorbidités associées à l’infection par le VIH, des bénéfices immunologiques et la réduction du risque de transmission. Il est recommandé de proposer systématiquement un parcours d’éducation thérapeutique au patient (ETP), dès l’annonce de la séropositivité ou au moins lors de l’initiation du traitement afin de lui conférer connaissances et compétences et de favoriser son adhésion à la prise en charge et aux traitements. À noter qu’en présence d’un patient qui n’observe pas son traitement et dont le niveau de CD4 est supérieur à 500/mm3, celui-ci peut être différé, le temps de l’y préparer, par l’ETP par exemple.
Le choix du premier traitement est crucial pour l’avenir du patient. Il doit donc être réalisé par un médecin hospitalier, expérimenté dans la prise en charge des personnes infectées par le VIH. Un bilan paraclinique initial est requis, détaillé dans les recommandations du groupe d’experts(4) :
→ Le traitement d’initiation repose sur une trithérapie associant deux INTI et un troisième agent(5). Il est recommandé préférentiellement d’utiliser deux associations fixes d’INTI en raison de leur efficacité, leur tolérance et leur simplicité d’emploi (un comprimé par jour) : ténofovir disoproxil fumarate/emtricitabine ou abacavir/lamivudine.
→ L’objectif principal du premier traitement ARV est d’atteindre une CV inférieure à 50 copies ARN (acide ribonucléique) VIH/mm3 en six mois. Des mesures régulières sont effectuées selon le schéma suivant :
– à M 1 : la CV doit avoir baissé d’au moins 2 logs copies/mm3 ;
– à M 3 : la CV doit être inférieure à 400 copies/mm3 ;
– à M 6 : la CV doit être inférieure à 50 copies/mm3.
Individualisé, le choix du traitement prend en compte d’autres critères qui doivent être discutés entre le patient et le médecin, comme la tolérance attendue du traitement, la facilité de prise, en fonction des conditions et du rythme de vie du patient, les interactions médicamenteuses possibles avec d’éventuels autres traitements prescrits ou pris en auto-médication, les comorbidités (cardiovasculaire, rénale, hépatique), les conduites addictives et les troubles psychiatriques, l’existence d’une tuberculose, etc., sans oublier le coût du traitement. Une démarche d’ETP, alliant pédagogie et écoute, est donc souhaitable pour expliquer les effets indésirables, le bon usage et favoriser une adhésion optimale du patient (lire p. 38).
Lorsque l’objectif du traitement est atteint, à savoir une charge virale indétectable, le suivi du patient s’organise autour de visites trimestrielles la première année puis au moins semestrielles lorsque l’ARN VIH est indétectable et en l’absence de comorbidités. Un bilan biologique, outre le bilan clinique et biologique annuel, est ainsi réalisé.
Outre les complications des traitements, la prise en charge concernera également les addictions (tabac, alcool, drogue), facteurs de risque élevé chez les patients séropositifs. Le risque de décès lié à la consommation de tabac, par exemple, est deux fois plus élevé chez les personnes vivant avec le VIH que dans la population générale.
Chez la femme enceinte, grâce à l’utilisation des antirétroviraux, le taux de transmission maternofœtale (TMF) du VIH en France a été considérablement réduit : de 15-20 % avant 1994 à 0,54 % en 2005-2011. Un traitement avant la conception ou précocement pendant la grossesse permettant une charge virale basse réduit encore le risque, sachant qu’une transmission est toujours possible en cas de mauvaise observance ou de traitement de trop courte durée. Par ailleurs, toute primo-infection pendant la grossesse doit être traitée sans délai.
En cas d’exposition sexuelle à risque (lire p. 45) ou d’accident d’exposition au sang (lire p. 47), tout patient doit être reçu en consultation soit aux urgences, soit auprès d’un référent spécialisé. Après évaluation du risque, un traitement post-exposition (TPE), spécifiquement réservé aux situations à risque connu de transmission du VIH, pourra être décidé. Prescrit pour une durée de trois ou cinq jours, ce traitement d’urgence doit être débuté dans l’idéal dans les quatre premières heures qui suivent l’exposition. C’est une trithérapie associant deux INTI et un troisième agent. L’association recommandée est constituée du ténofovir, de l’emtricitabine et de la rilpivirine
Après réévaluation, le médecin référent pourra prescrire ensuite un traitement pour quatre semaines en insistant sur l’observance. Un suivi biologique est réalisé à 48 h, J 15, M 1, M 2, M 4.
La décision de traitement suppose de rechercher le statut sérologique de la personne source, si elle est connue et en cas d’infection au VIH, de connaître la dernière charge virale plasmatique, les traitements ARV en cours et leur efficacité virologique(6). Si ces informations ne peuvent être obtenues, ou si la personne source n’est pas connue et fait partie d’un groupe à prévalence élevée, un TPE doit être systématiquement proposé sauf fellation réceptive sans éjaculation ou insertive.
La primo-infection correspond à la période des douze premières semaines qui suivent la contamination. Elle survient généralement dix à quinze jours après cette dernière et sa durée médiane est de deux semaines. C’est durant cette période que le réservoir viral se constitue.
→ Les signes cliniques sont très variables d’un individu à l’autre – 50 % sont symptomatiques à cette phase et peuvent évoquer de nombreux diagnostics différentiels comme la mononucléose, des hépatites virales, la grippe, la rubéole, la toxoplasmose. Le patient présente des manifestations telles que : syndrome viral (céphalées, malaise, asthénie, myalgies, tachycardie), polyadénopathie, manifestations cutanéo-muqueuses (angine ou pharyngite, rash, ulcères oraux ou génitaux), troubles digestifs (diarrhée) ; symptômes neurologiques (troubles cognitifs, déficit moteur, neuropathie, méningite lymphocytaire, encéphalite…). On relève également des anomalies biologiques : hématologiques (thrombopénie, neutropénie, hyperlymphocytose dans le cadre d’un syndrome mononucléosique ou lymphopénie précoce), cytolyse hépatique.
La présence conjuguée d’un syndrome pseudo-grippal, d’une éruption cutanée et d’ulcérations cutanéo-muqueuses oriente vers un diagnostic de primo-infection.
Le groupe d’experts recommande « d’évoquer et rechercher une primo-infection au VIH, indépendamment de toute symptomatologie clinique, chez les personnes qui rapportent une exposition sexuelle récente à risque d’IST, ce qui s’observe de plus en plus fréquemment dans le cadre du dépistage communautaire ». De fait, le diagnostic d’une primo-infection par le VIH reste insuffisamment porté.
→ Le diagnostic repose sur l’analyse des résultats des tests Elisa (dépistage de l’antigène p 24 et des anticorps anti-VIH combinés avec les tests de quatrième génération), de la charge virale et du Western Blot (lire p. 42). Les tests Elisa de quatrième génération peuvent être positifs dès quinze jours après la contamination. L’ensemble des examens est positif à partir de la troisième semaine, tandis que l’absence d’infection n’est certaine qu’au-delà de six semaines.
→ Le traitement doit être institué très rapidement, au mieux dans les vingt-quatre à quarante-huit heures. Une recommandation qui vaut pour les primo-infections symptomatiques comme pour les formes asymptomatiques révélées lors d’un dépistage, et ce quel que soit le niveau des CD4 et la CV. L’objectif est de limiter le remplissage viral du réservoir cellulaire, la destruction irréversible des CD4 et de limiter au maximum le risque de transmission.
→ Le traitement associe deux INI (TDF/FTC) et un troisième agent, soit un IP/r, soit un inhibiteur de l’intégrase. Comme il doit être débuté rapidement, sans disposer des résultats de la recherche de l’allèle HLA-B*5701 ni du test génotypique de résistance, les experts recommandent une trithérapie comportant ténofovirDF/emtricitabine + darunavir/r ou dolutégravir, en 2017. Le schéma thérapeutique est ensuite adapté en fonction du profil de résistance.
→ Le suivi des patients après la primo-infection nécessite des visites à un rythme plus rapproché qu’au stade chronique de la maladie car ils sont plus symptomatiques. Il est recommandé de programmer une visite à J 15, M 1, M 2, M 3 et M 6. L’occasion d’aborder un sujet crucial : la prévention sur la transmission sexuelle du VIH dont le risque est élevé au stade de primo-infection. Soutien psychologique, associatif et orientation vers un programme d’ETP sont également à prévoir pour accompagner le patient.
1- « Optimisation d’un traitement antirétroviral en situation de succès virologique », Recommandation du groupe d’experts, 2017. bit.ly/2iiiID6
2- Comités de coordination régionale de lutte contre le VIH, Services des maladies infectieuses et tropicales (Smit) de l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière, de l’hôpital Saint-Antoine, de l’hôpital Tenon. « Étude observationnelle de la file active des patients VIH-1 ayant une CV<50 copies à partir des bases Diamm et Nadis », présentée au 18e congrès de la société de lutte contre le sida. bit.ly/2zYP7ZG
3- Tableau synoptique des médicaments antirétroviraux, Recommandation du groupe d’experts, 2017. bit.ly/2htRF6X
4- « Initiation d’un premier traitement antirétroviral », Recommandations du groupe d’experts, 2017. bit.ly/2hswxxN
5- Rapport du groupe d’experts 2017, tableau des « Options recommandées pour l’initiation d’un premier traitement antirétroviral et leur coût », p. 11 et 12.
6- Voir les indications de TPE après exposition sexuelle, rapport du groupe d’experts, p. 8.
→ L’infection au VIH favorise ou aggrave les situations de précarité. Une comparaison entre l’enquête Vespa 1 (2003) et Vespa 2 (2011), révèle des difficultés financières accrues, avec une augmentation de 29 à 32 %, entre les deux études, du nombre de personnes déclarant ne pas pouvoir – ou très difficilement – faire face à leurs besoins.
→ Une personne sur cinq, soit un taux beaucoup plus élevé que dans la population générale, déclare ne pas pouvoir se nourrir correctement.
→ La proportion de propriétaires, en progression, est aussi très inférieure (32 % pour les PPVIH contre 58 %).
→ Dans l’étude Vespa 2, un quart des personnes séropositives déclarent avoir subi des discriminations.