L’accident d’exposition au sang est un risque du métier pour l’infirmière. Mais, depuis deux décennies, grâce à une mobilisation des établissements et des soignants, la prévention est de mise et les AES diminuent.
→ Un accident exposant au sang (AES) signifie « tout contact avec du sang ou un liquide biologique contenant du sang et comportant soit une effraction cutanée (piqûre, coupure) soit une projection sur une muqueuse (œil…) ou sur une peau lésée. Sont assimilés à des AES les accidents survenus dans les mêmes circonstances avec d’autres liquides biologiques (tels que liquide céphalorachidien, liquide pleural, secrétions génitales…) considérés comme potentiellement contaminants même s’ils ne sont pas visiblement souillés de sang. »(1)
→ Risques encourus. Les infections pouvant être contractées à l’occasion d’un AES sont l’hépatite B (30 % si pas de vaccination mais a priori tous les personnels de santé en ont l’obligation), l’hépatite C (3 %) et l’affection par le VIH (0,3 %).
→ Une surveillance nationale entre 2002 et 2015. En 1998, la surveillance des AES a été érigée priorité nationale et elle est l’un des axes prioritaires du programme national de prévention des infections nosocomiales 2009-2013. C’est à partir de 2002 qu’une surveillance est déployée dans les établissements de santé à l’échelle nationale, sous l’égide du Geres (Groupe d’étude sur le risque d’exposition des soignants aux agents infectieux) et du Raisin (Réseau d’alerte, d’investigation et de surveillance des infections nosocomiales). Cette surveillance s’appuie sur des méthodes harmonisées, l’objectif étant « de décrire les circonstances précises de survenue des AES pour améliorer leur connaissance et guider les stratégies de prévention »(2). La participation des établissements de santé est volontaire. En 2015, 825 établissements ont documenté 14 624 AES. Ils représentaient 60 % des lits d’hospitalisation.
→ Circonstances de survenue. En 2015, huit AES sur dix sont des accidents percutanés (APC), les deux tiers étant des piqûres ou coupures superficielles. Les victimes sont le plus souvent les paramédicaux, pour six AES sur dix. Les actes infirmiers responsables d’APC sont :
• les injections (45 %) : l’injection sous-cutanée est la plus à risque (39 %) des actes infirmiers en cause. Les mécanismes impliqués sont, par ordre décroissant, le retrait de l’aiguille, le recapuchonnage et l’introduction de l’aiguille. Le matériel le plus cité est une seringue ;
• les prélèvements (34 %) : le mécanisme en cause le plus cité est le retrait de l’aiguille, le matériel le plus cité est le matériel de prélèvement sous vide ;
• les perfusions (13 %) : le mécanisme en cause le plus cité est le retrait de l’aiguille à travers la peau et le matériel le plus cité est le mandrin du cathéter.
→ Une situation améliorée. Le taux d’AES pour 100 lits est passé de 8,7 en 2008 à 5,7 % en 2015. Le port de gants, l’utilisation de dispositifs médicaux sécurisés (cathéters, seringues à gaz du sang, aiguilles pour chambre à cathéter implantable, aiguilles à ailette) a progressé. Un point faible est l’absence encore de collecteur pour objet piquant coupant tranchant (OPCT) à proximité : 17 % des accidentés en 2015 n’en disposaient pas à portée de main. D’une façon globale, la situation s’est améliorée, ce qui explique que le Raisin ait arrêté la surveillance nationale le 1er janvier 2016. Toutefois, les établissements peuvent la poursuivre de manière autonome.
Enfin, on peut noter que, depuis 2005, aucune séroconversion professionnelle pour le VIH n’a été rapportée, alors que quatorze cas ont été documentés depuis l’épidémie.
→ Piqûre, coupure ou contact direct sur peau lésée :
– ne pas faire saigner,
– laver la zone cutanée lésée à l’eau et au savon puis rincer ;
– désinfecter pendant au moins cinq minutes avec du Dakin (ou eau de Javel à 2,6 % de chlore actif diluée au un cinquième), ou à défaut de la Bétadine en solution dermique ou alcool à 70 °.
→ Projection sur muqueuses et en particulier les yeux : rincer abondamment au sérum physiologique ou à l’eau (au moins cinq minutes).
→ Test de dépistage du patient source. Il est nécessaire de pratiquer un prélèvement sanguin (un tube sec) sur le patient source (s’il est connu) afin de rechercher son statut sérologique (VIH, VHB, VHC). Dans la prise en charge des AES, afin d’évaluer le risque de transmission du VIH, le médecin doit pouvoir connaître la sérologie du patient source soit par le test de référence, soit par un test rapide la nuit et les week-ends (à confirmer impérativement par le test de référence). À noter que les tests de sérologie du VIH sur le patient doivent être réalisés avec son accord.
→ Avis médical. L’évaluation du risque et la décision de débuter ou non un traitement post-exposition (TPE) nécessitent de consulter un médecin le plus vite possible, au mieux dans les quatre heures. Le médecin établira un certificat médical initial. Dans les établissements ne disposant pas des ressources nécessaires en interne (médecin référent présent sur place, service d’urgences fonctionnant 24 h/24…), il est nécessaire qu’un protocole ou des consignes existent : coordonnées du service d’urgence le plus proche, conduite à tenir, y compris la procédure permettant de quitter l’établissement au cours du poste (autorisation administrative, relais par un autre soignant afin que la continuité des soins soit assurée…).
Dans le secteur privé, le salarié doit déclarer son accident du travail dans les vingt-quatre heures, sauf en cas d’accident grave, à l’employeur qui lui remettra une feuille d’accident du travail ou de maladie professionnelle à conserver et présenter au médecin biologiste afin de bénéficier d’une prise en charge à 100 %. L’employeur est tenu de déclarer l’accident dans les quarante-huit heures (délai exprimé en jours ouvrés) à la caisse d’assurance maladie du salarié.
En fonction des risques constatés, un suivi biologique sera programmé et, le cas échéant, un suivi médical sera prévu pour la mise en place du TPE.
→ Se laver les mains :
– se laver les mains avant et après chaque soin et après chaque acte technique,
– se désinfecter les mains après lavage en cas de souillure par du sang ou des liquides biologiques.
→ Porter des gants :
– en cas de risque de contact avec du sang ou tout autre produit d’origine humaine, avec les muqueuses ou la peau lésée d’un patient, notamment à l’occasion de soins à risque de piqûre et lors de la manipulation de tubes ou de flacons de prélèvements biologiques, linge et matériel souillés, et systématiquement en cas de lésion cutanée des mains ;
– changer les gants entre deux activités et entre deux patients.
Certaines situations peuvent nécessiter des précautions complémentaires : port de deux paires de gants notamment pour les opérateurs au bloc opératoire, port de sous-gants résistants aux coupures pour les gestes particulièrement à risque notamment en anatomo-pathologie.
→ Porter une tenue adaptée : une surblouse et/ou un masque, à visière ou non, et/ou des lunettes lorsqu’il y a un risque de projection de sang ou de liquide biologique (endoscopie, accouchement, stomatologie, aspiration…).
→ Préférer un matériel de protection : matériel à usage unique, dispositifs médicaux sécurisés.
→ Respecter les bonnes pratiques lors de toute manipulation d’instruments piquants ou coupants souillés :
– port de gants obligatoire pour la manipulation de tout objet souillé ;
– ne jamais recapuchonner les aiguilles ;
– ne pas désadapter à la main les aiguilles des seringues ou des systèmes de prélèvement sous-vide ;
– jeter immédiatement sans manipulation les aiguilles et autres instruments piquants ou coupants dans un conteneur adapté (conforme à l’arrêté du 24 novembre 2003 modifié), situé au plus près du soin, dont l’ouverture est facilement accessible et en ne dépassant pas le niveau maximal de remplissage ;
– en cas d’utilisation de matériel réutilisable : lorsqu’il est souillé, le manipuler avec précaution et en assurer rapidement le traitement approprié.
→ Transporter les prélèvements biologiques, le linge et les instruments souillés par du sang ou bien des produits biologiques dans des emballages étanches appropriés, fermés, puis traités ou éliminés si nécessaire selon des filières définies.
Pour éviter la survenue d’AES, il est de la responsabilité des établissements d’organiser le circuit des déchets, du linge souillé et de mettre à disposition des matériels de soins sécurisés pour les soignants : matériel rétractable à usage unique pour les prélèvements capillaires, aiguilles de Huber sécurisées, seringues sécurisées, corps de pompe de sécurité pour les prélèvements veineux sous vide, conteneurs à déchets adaptés… Par ailleurs, les établissements de santé, pour la plupart, prévoient des protocoles afin que les équipes connaissent la conduite à tenir en cas d’AES. Il faudra veiller à ce qu’ils soient connus par les équipes et faciles d’accès. Il est aussi de la responsabilité de l’encadrement de fournir des dispositifs sécurisés et de diffuser et faire appliquer les précautions standards. L’analyse des déclarations d’AES devrait permettre d’identifier d’éventuels dysfonctionnements et de les corriger.
Avec la collaboration du DR Patricia Baune, référent hygiène, hôpital Paul-Brousse, AP-HP Paris
1- Arrêté du 10 juillet 2013 relatif à la prévention des risques biologiques auxquels sont soumis certains travailleurs susceptibles d’être en contact avec des objets perforants.
2- « Maladies infectieuses. Surveillance des accidents avec exposition au sang dans les établissements de santé français », réseau AES-Raisin, France, résultats 2015. À consulter ici : bit.ly/2z2ABPq
En cas d’accident d’exposition au sang, les soignants devront bénéficier d’un suivi biologiquependant plusieurs semaines.
*Le groupe d’expert 2017 précise que la sérologie VIH à S12 en l’absence de TPE n’est maintenue que du fait de son caractère réglementaire (arrêté du 1er août 2007), mais recommande la modification de cet arrêté.
(Source : « Prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH, prise en charge des accidents d’exposition sexuelle et au sang (AES), suivi biologique en cas d’exposition au sang ou liquide biologique », p. 16, Groupe d’experts, sept. 2017.
Après un AES, le médecin évalue la nécessité d’instaurer un traitement post-exposition (TPE) en fonction de la nature de l’exposition et du statut connu ou non de la personne source.
* Dans le cas d’une personne source connue comme infectée par le VIH, suivie et traitée, dont la charge virale plasmatique est régulièrement indétectable, il est légitime de ne pas traiter. Il est recommandé de ne contrôler la charge virale (CV) du patient source que si le dernier contrôle biologique notant une CV indétectable date de plus de six mois ou si existent des doutes sur la bonne observance aux ARV du patient source. Dans ces situations, un TPE peut être instauré en urgence mais il devra être interrompu à 48-96 heures, lorsque le référent reverra la personne exposée, si la charge virale de la personne source s’avère toujours indétectable (contrôle fait juste après l’exposition).
(Source : « Prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH, prise en charge des accidents d’exposition sexuelle et au sang, indications de TPE après exposition au sang ou liquide biologique chez les professionnels de santé », p. 15, Recommandations du groupe d’experts, septembre 2017.)
Gérer l’appréhension des équipes
« Les personnes âgées porteuses du VIH sont encore très peu nombreuses en Ehpad. Ce n’est pas étonnant : elles sont rares à voir atteint la moyenne d’âge d’entrée en institution. Dans ma structure, cette moyenne est de 84 ans. Nous avons seulement eu deux demandes. Ces personnes avaient un profil atypique, puisqu’elles avaient 70 ans. L’une avait des problèmes physiques pour se mouvoir, elle est décédée un mois après son arrivée. L’autre était sans domicile fixe, elle sortait régulièrement de l’Ehpad sans problème particulier mais ne s’y plaisait pas et, un jour, n’est jamais revenue. J’ai constaté que la prise en charge n’avait rien de particulier car la plupart des résidents âgées sont polypathologiques et ont beaucoup de traitements. Ce qu’il a fallu gérer, en revanche, c’est leur arrivée, en raison de l’appréhension des équipes prenant en charge leur quotidien. Les aides médicopsychologiques qui travaillent en Ehpad n’ont pas une culture hospitalière, la moindre infection à germe multirésistant leur fait peur… Nous avons dû former les équipes, rappeler les modes de transmission, les rassurer. Elles n’ont aucun risque à faire une toilette ou donner un repas. Pour les infirmières, cela ne changeait pas grand-chose, il y a bien sûr le risque d’accident d’exposition au sang mais elles connaissent et prennent des précautions depuis longtemps. »