L'infirmière Magazine n° 389 du 01/01/2018

 

INTERVIEW : MARTINE SÉNÉ BOURGEOIS, représentante des usagers dans un établissement de santé parisien, membre de l’association Le Lien et de France Assos Santé (ex ciss)

DOSSIER

C. B.  

Infirmière diplômée d’État en 1966, Martine Séné Bourgeois a été, durant quarante ans, à la fois soignante et enseignante, puis cadre de santé et enfin, pour l’essentiel de sa carrière, responsable qualité dans l’évaluation et l’organisation des soins.

L’INFIRMIÈRE MAGAZINE : À l’hôpital, quelle place l’usager accorde-t-il au confort ?

MARTINE SÉNÉ BOURGEOIS : Le confort a été totalement bouleversé. On est passé d’une époque où les gens étaient dans des chambres de trois à cinq lits à des établissement avec seulement des chambres à un lit. Les gens ont volontiers l’envie d’être tranquilles. Les chambres particulières sont donc accueillies favorablement. Avec un bémol, beaucoup d’établissements les facturent. Or, certains patients n’ont pas les moyens, soit car leur complémentaire ne la prend pas en charge, soit car ils n’ont pas de complémentaire. Il importe donc de laisser le choix de cette chambre et qu’elle ne soit pas facturée si le patient n’en a pas fait expressément la demande. Mais c’est plutôt l’inverse qui se passe, avec des chambres individuelles qui sont de plus en plus souvent a priori facturées, sans alternative pour les patients. Ce coût les met dans une situation financière compliquée.

L’I. M. : De nouvelles prestations se développent : conciergerie, services numériques…? Qu’en pensez-vous ?

M. S. B. : C’est intéressant mais, concernant les prestations numériques, je pense que, pour les personnes âgées, ce n’est pas toujours un plus que d’y avoir accès. Ça peut être bien pour des patients qui les manipulent facilement. Mais on est dans un pays à la population vieillissante et la moyenne d’âge des patients est relativement élevée. Si l’entourage du patient ne décode pas ces gadgets, ce dernier ne s’en servira pas et posera des questions très élémentaires aux soignants.

L’I. M. : Bientôt, les patients âgés auront baigné toute leur vie dans cet univers connecté…

M. S. B. : Peut-être, mais ce n’est pas pour demain, plutôt pour après-demain. Je pense que cela va prendre du temps.

L’I. M. : Quelles sont les priorités en termes de confort à l’hôpital ?

M. S. B. : Une chambre avec des sanitaires adaptés aux personnes peu mobiles, avec des barres d’appui, des toilettes accessibles, des douches où l’on peut se laver sans crainte de tomber : c’est ce type de confort qui est utile quand on est hospitalisé pour quelques jours. Par ailleurs, en matière de restauration, les usagers ont toujours fait beaucoup de réclamations. Le patient restant désormais de moins en moins longtemps à l’hôpital, il me semble que cette dimension est moins déterminante. Mais il faut continuer d’évoluer sur ce sujet car les plaintes sont toujours très nombreuses, en particulier sur le manque de goût. Or, on sait que l’alimentation joue un rôle non négligeable dans le rétablissement. Ce n’est pas que du confort… ça fait partie du soin.

L’I. M. : Le type de confort assez classique que vous décrivez n’est pas présent partout aujourd’hui ?

M. S. B. : Si, dans des établissements assez neufs. Mais dans les hôpitaux qui se rénovent par tranches, la clientèle est accueillie dans des locaux parfois vétustes. C’est vrai aussi qu’aujourd’hui, les investissements concernent de plus en plus l’ambulatoire. Les espaces conçus pour ce type de prise en charge sont différents. Les gens restent moins longtemps, ils n’ont pas besoin de salle de bains, seulement de sanitaires et de transats. Finalement, il n’y a pas de confort universel. Les exigences du patient sont liées à sa souffrance, à sa maladie, son handicap… Elles sont variées.

L’I. M. : Le confort hôtelier participe-t-il au soin ?

M. S. B. : Bien sûr. Dans une chambre individuelle, le patient est plus décontracté, plus enclin à confier sa souffrance. Le soignant la prendra plus facilement en compte, trouvant des réponses plus adéquates. Le soignant apprécie aussi le cadre d’un établissement moderne dans la salle de soins, équipée et ergonomique, dans des locaux de réunion faciles d’accès pour les transmissions. Des dimensions que le patient ne voit pas.

L’I. M. : A-t-on raison de mesurer la satisfaction du patient-client ?

M. S. B. : Le public a fait pression sur l’hôpital. Les gens sont attentifs à être accueillis dans un cadre qui ne soit pas trop sévère, pas trop angoissant et ils ont raison. C’est effectivement important de recueillir leur vécu sur leur séjour. Il faut le faire, en ayant le souci que les évaluations diffusées soient compréhensibles par tous.