L'infirmière Magazine n° 389 du 01/01/2018

 

RENCONTRE AVEC CLAUDE GIORDANELLA

CARRIÈRE

PARCOURS

Je me suis toujours dit que je ne passerai pas ma vie dans le même service, à répéter les mêmes gestes techniques », lance Claude Giordanella, que la routine fait fuir. Aussi, après avoir exercé en cardiologie-réanimation, en pédiatrie, en hématologie, à l’hôpital comme en libéral, en addictologie médicosociale ou encore au comité départemental d’éducation pour la santé de l’Essonne, comme chargée de projets puis directrice, l’infirmière a-t-elle choisi de s’adonner à fond à la santé sexuelle. Multipliant les projets depuis plusieurs années, elle s’y consacre désormais à plein temps. Ses motivations ? « La sexualité traverse en permanence la vie des gens. Or, à l’hôpital, lieu de fantasmes et de frustrations s’il en est, personne n’en parle. La santé sexuelle devrait faire partie intégrante de la formation initiale des infirmières », s’agace-t-elle.

Autre constat : ses propres limites. « Quand on montait des projets pour les jeunes au comité, je sentais que je manquais de données pour mener à bien ces animations que je ne voulais pas hygiénistes », se souvient-elle. D’autres types de projets en direction de personnes handicapées ou de détenus la bousculaient également. L’IDE a alors préparé un DU de sexologie en trois ans. « Ce DU, qui est un des premiers à avoir été ouvert aux non-médecins et qui n’existe plus, m’a demandé un effort important de lecture et d’écriture mais il a été très formateur », se réjouit-elle.

→ Une activité multifacette. Aujourd’hui, Claude Giordanella jongle avec de nombreux projets : pour l’association Parentalité douce, elle évoque les questions de grossesse et de sexualité avec des couples à la clinique de l’Essonne ; au Réseau Créteil Solidarité, elle s’adresse aux migrants séropositifs ; elle intervient en Cegidd… Formatrice en santé sexuelle, l’IDE organise par ailleurs des sessions sur le handicap et la sexualité. « Je forme des équipes puis les accompagne dans la mise en place d’animations de groupes », souligne-t-elle. Une large part de son activité se déroule enfin à l’association Charonne, qui a développé des « consultations sexo » dans différents lieux en direction des jeunes, surtout des filles, dans des pratiques de michetonnage. « On collabore beaucoup avec les services de la protection de l’enfance ou de la protection judiciaire de la jeunesse », précise-t-elle, ajoutant qu’avant de rencontrer les jeunes, elle « travaille avec les équipes en intervision sur des cas concrets ». Elle les forme aussi à animer des groupes.

→ Un combat valorisant. La sexologie est, pour Claude Giordanella, d’une extrême richesse car elle permet d’aider des personnes à ouvrir des portes et à éviter qu’un mal-être durable ne s’installe, de les orienter différemment. « Cela valorise aussi le métier d’infirmière. Je me sens totalement soignante sans être dans le soin technique. À l’époque où j’ai été formée, on devait se taire devant le médecin. Par cet exercice, une infirmière peut se sentir davantage autonome et écoutée à la hauteur de sa formation », témoigne la sexologue. L’exercice est aussi riche aux plans intellectuel et personnel car il suppose de stimuler en permanence sa curiosité et de se remettre en question. « En particulier, il y a tout un savoir sur la posture corporelle à acquérir, la manière de se positionner près de l’autre… dont on ne peut faire abstraction si l’on veut être dans la rencontre, mieux accueillir. Cette activité m’a permis de dépasser mes limites, de réinterroger mon mode de pensée, mes valeurs et, de fait, ma condition de citoyenne », analyse l’infirmière pour qui, vu le poids des tabous, « c’est un combat de parler de santé sexuelle. Pourtant, cela fait partie de la santé globale, du bien-être. »

En ayant choisi de s’adresser à des publics y ayant peu accès, cette passionnée a en effet le sentiment de lutter, à son humble niveau, contre les inégalités. Et d’ajouter : « Aujourd’hui, je m’éclate, je fais vraiment ce que j’aime. Ce n’est pas toujours facile mais je suis clairement là où je devais être. »

MOMENTS CLÉS

1983 : DE infirmier à l’Ifsi d’Oyonnax-Nantua (Ain).

1985 : Licence de sociologie à l’université Lyon-II.

2004-2006 : Diplôme universitaire de sexologie et de santé publique (3 ans), Paris VII-Hôpital Saint-Louis-Lariboisière.

2007 : Certificat de thérapie sexofonctionnelle, université catholique de Louvain (Belgique).

2015 : Membre de l’Association interdisciplinaire post universitaire de sexologie (AIUS).