L'infirmière Magazine n° 389 du 01/01/2018

 

DOULEURS

SUR LE TERRAIN

MON QUOTIDIEN

Clarisse Briot*   Jean-Yves Maigne**  


*rhumatologue, service de médecine physique de l’Hôtel-Dieu (AP-HP)

Le mal de dos, « mal du siècle », est une pathologie largement répandue, qui touche un peu plus les femmes (et davantage de façon chronique) et l’ensemble des milieux professionnels. Plus de deux salariés sur trois ont eu, ont ou auront, une lombalgie, estime l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Le mal de dos concerne un accident du travail sur six et, chaque année, plus de 3 000 lombo-sciatiques sont reconnues en maladie professionnelle. Certaines professions sont cependant plus touchées que d’autres. « Il est vrai que les infirmières sont globalement sujettes au mal de dos, commente le Dr Jean-Yves Maigne, du service de médecine physique de l’Hôtel-Dieu, à Paris. Mais la sciatique est une douleur particulière. Elle est le plus souvent liée à la présence d’une hernie discale. L’effort de soulèvement ou le faux mouvement, dans ce cas, n’est qu’un adjuvant. » Ainsi, s’il est possible de prévenir ou d’éviter un lumbago (en limitant le soulèvement de charges lourdes, par exemple), il est plus difficile de se prémunir de la douleur sciatique, causée par une fragilité sous-jacente. Deux axes de prévention peuvent néanmoins être envisagés, selon le Dr Maigne. « Le premier consiste à éviter les mauvaises positions qui écrasent les disques, en adoptant des postures et une gestuelle adaptées, notamment dans le cadre des tâches professionnelles. Le deuxième est de garder un dos musclé et souple en pratiquant une activité physique régulière. »

L’efficacité de cette prévention reste modérée, nuance le spécialiste, car le déclenchement d’une douleur intervient en général de façon inattendue, après un geste effectué dans l’urgence : par exemple pour réceptionner un patient qui fait une chute.

Soulager la douleur

→ La douleur sciatique est reconnaissable au fait qu’elle irradie dans les membres inférieurs (soit l’un, soit les deux), de façon typique jusqu’au pied, et, de façon moins typique, jusqu’à la cuisse, derrière et sur le côté. Cette douleur suit le trajet du nerf sciatique. Elle peut être suraiguë à légère.

→ Son origine, dans la très grande majorité des cas, est une hernie discale qui vient comprimer le nerf. Moins fréquemment, elle peut être liée à une discopathie ou encore à de l’arthrose. Le premier moyen de soulager cette douleur est de prendre des antidouleurs et des anti-inflammatoires.

→ Si la douleur persiste et devient gênante, la consultation d’un médecin s’impose. Des infiltrations de corticoïdes ont des chances d’aider. D’autres traitements de type physique peuvent intervenir et diminuer l’intensité de la douleur : le port d’un corset ou d’une ceinture lombaire pour limiter les faux mouvements et soulager les tensions vertébrales, la kinésithérapie, la manipulation vertébrale. Dans certains cas, quand ces traitements n’ont pas donné de résultat, une chirurgie peut être proposée.

Et si je suis enceinte ?

→ Contrairement à une idée assez répandue, bien que des douleurs dorsales localisées puissent survenir chez les femmes enceintes, les sciatiques ne sont pas plus fréquentes lors d’une grossesse et ne sont pas provoquées par le poids du bébé. Comme chez toute personne qui présente une fragilité discale, elles peuvent néanmoins se produire, notamment chez les femmes qui en ont déjà souffert par le passé.

→ Dans le cas d’une sciatique pendant la grossesse, c’est surtout son traitement qui va différer. Il n’est évidemment pas possible de passer un scanner et l’IRM est fortement déconseillé. Contre-indiqués également, les anti-inflammatoires. Des traitements de type physique seront donc privilégiés (kinésithérapie…). Si la douleur est aiguë, une ou deux infiltrations au cours de la grossesse pourront tout de même être proposées.

LES BONNES PRATIQUES

→ Consulter un médecin dès lors que la douleur dure plus de quelques jours.

→ Économiser son dos en réduisant le nombre de mauvaises positions journalières (et notamment le nombre de flexions) et en adoptant de bonnes postures : pour manutentionner un patient mais aussi pour faire un lit, déplacer un chariot, prendre du matériel en hauteur, prendre la tension, réaliser un pansement. À éviter : le tronc fléchi en avant et en rotation, saisir une charge en s’étendant vers l’arrière, rester longtemps accroupi…

→ Porter temporairement une ceinture lombaire si le mal de dos est déjà présent, afin de maintenir le tronc et de limiter les faux mouvements.

→ Pratiquer une activité physique régulière, en particulier la natation et la musculation. Mais toute activité physique quelle qu’elle soit (surtout celle qui vous plaît), est préférable à la sédentarité.