L’urétéroscopie souple - L'Infirmière Magazine n° 389 du 01/01/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 389 du 01/01/2018

 

FORMATION

EN PRATIQUE

Aurélie Gay  

L’urétéroscopie souple est un traitement efficace permettant de traiter la majorité des lithiases aujourd’hui. L’infirmière doit bien connaître la technique opératoire, ainsi que le matériel, fragile et coûteux. Elle informe le patient sur les modalités de l’intervention.

1. PRÉSENTATION

L’urétéroscopie est une technique chirurgicale endos-copique consistant à pénétrer la voie urinaire depuis l’extérieur et à remonter si possible jusqu’au rein. Elle peut être à visée :

– diagnostique : hématuries inexpliquées, cytologie urinaire positive, douleurs…

– thérapeutique : calculs, sténoses, tumeurs…

Il existe deux types d’urétéroscopes souples : fibres et numériques.

Les urétéroscopes numériques procurent une meilleure qualité d’image mais leur coût est plus élevé. Ils sont donc surtout utilisés pour réaliser des diagnostics, rarement pour le traitement des calculs (risque de casse du matériel).

Dans le cas du traitement des lithiases, l’urétéroscopie souple (URSS) permet d’entrer en contact avec le calcul, qui peut être fragmenté au laser (lire p. 50). Le taux de succès du traitement des calculs de « l’uretère proximal » est de plus de 90 % et de 75-80 % pour les calculs rénaux. Pour les calculs caliciels inférieurs de moins de 2 cm, il est de plus de 70 %.

Indication

L’indication de l’urétéroscopie pour le traitement des lithiases dépend de la localisation et de la taille du calcul. On réalise une URSS pour des calculs pyélo-caliciels 2 cm et de l’uretère proximal. Elle est proposée en deuxième intention lorsque la LEC (lire p. 46) échoue, est inefficace, contre-indiquée ou non réalisable.

Important : le geste chirurgical se fera uniquement si l’ECBU du patient est stérile. Une antibioprophylaxie par une céphalosporine de troisième génération est recommandée.

Complications

Elles concernent moins de 5 % des cas.

→ Urétéroscopie impossible : parfois, il y a échec de progression dans l’uretère à cause d’un calibre urétéral trop étroit. On dit que l’uretère n’est pas « compliant ». On pose alors une sonde JJ au patient pour dilater l’uretère et on reprogramme l’intervention une dizaine de jours plus tard.

→ Sepsis urinaire.

→ Blessures de l’uretère : stripping urétéral.

La prévention de ces complications est de ne jamais forcer. Très rarement (moins de 0,5 % des cas), une déchirure de l’uretère peut se produire.

2. PRINCIPE GÉNÉRAL DU GESTE ET MATÉRIEL

Le chirurgien accède, avec l’urétéroscope, à l’uretère et aux cavités rénales dans lesquelles il peut aisément naviguer, grâce à sa souplesse et sa flexibilité. Il est introduit par l’urètre puis la vessie. Il faut travailler avec un « guide de sécurité », qui va de la vessie au rein et dont la position correcte doit être régulièrement surveillée. Au contact du calcul, le chirurgien utilise une fibre laser (voir ci-après) pour le fragmenter ou le vaporiser (dusting). Le calcul est retiré « en monobloc ou entièrement », uniquement s’il est de petite taille, car il faut pouvoir le passer dans l’uretère.

→ Deux techniques sont possibles : la vaporisation (dusting) du calcul en poussière ou sa fragmentation en plus gros morceaux. Cela dépend de l’habitude du chirurgien. Pour cela, il adapte les paramètres du laser en fonction de la technique utilisée. L’extraction des fragments se réalise grâce à une sonde panier. L’objectif étant de ne plus avoir de fragments dans le rein.a’extraction des fragments se réalise grâce à une sonde panier. L’objectif étant de ne plus avoir de fragments dans le rein.

→ L’endoscopie doit être réalisée sous contrôle visuel mais aussi fluoroscopique utilisant des rayons X. La progression jusqu’au calcul doit être prudente et progressive.

→ Une « urétéro-pyélographie » rétrograde est souvent réalisée en début et en fin d’intervention. Elle permet d’apprécier l’anatomie de l’arbre urinaire.

Des photographies du calcul sont intéressantes pour l’analyse macroscopique.

→ Le temps de l’intervention est variable en fonction de la taille et de la densité de la lithiase (1 heure/cm3 de calcul environ). Cependant, il ne doit pas excéder deux heures à cause de l’hyperpression intrapyélique créée par l’irrigation de l’instrument. Au-delà, le risque de sepsis post-opératoire et d’atteinte néphronique augmente de façon exponentielle. Si le calcul est trop volumineux et qu’il est impossible de le fragmenter en moins de deux heures, il faudra programmer une seconde intervention.

→ En fin d’intervention, une sonde JJ est habituellement laissée en place (voir p. 45). Ses inconvénients devront être expliqués au patient (lire p. 51). Le retrait sera effectué ultérieurement en consultation.

→ Le geste est réalisé sous anésthésie générale, sous contrôle radioscopique et sous irrigation (chlorure de sodium) en continu de liquide de lavage pour permettre une bonne vision.

→ Les calculs sont envoyés en analyse (laboratoire de biochimie) afin d’en déterminer la composition.

À noter : l’utilisation importante de la fluoroscopie nécessite de respecter « les règles de radioprotection » (temps, distance et doses) et de se munir de protections adaptées. En outre, une bonne connaissance des particularités et des performances de chaque instrument est indispensable, tout comme la manipulation rigoureuse et avec précaution du matériel, qui est extrêmement fragile et très onéreux.

Le laser

→ Principe : transmission de l’énergie lumineuse en énergie thermique (effet photo-thermique avec vaporisation).

→ But : la fragmentation ou la vaporisation des calculs.

→ Fonctionnement : le laser Holmium est un « laser contact » qui nécessite donc un contact avec sa cible (calcul). La fibre doit être appliquée sur la cible ou être à moins de 0,5 mm. En modifiant les paramètres du laser (énergie, fréquence, voire pour certains lasers, durée de pulse), il est possible de modifier l’effet de l’onde laser : effet lithotritie, section ou coagulation.

Le laser Holmium fonctionne sur un « mode pulse » : chaque pulse étant défini par son énergie (exprimée en joules : J), sa fréquence (exprimée en hertz : Hz) et sa durée de pulse exprimée en microsecondes : µs). La puissance (exprimée en watts : W) étant le produit de l’énergie par la fréquence.

→ Il existe plusieurs tailles de fibres laser :

– 200 µm : pour les urétéroscopies souples, les lithiases rénales ;

– 500 µm : pour les lithiases vésicales, les résections endo-urétrales de prostate au laser ;

Les fibres laser sont en silice, elles sont fragiles et doivent être maniées avec précaution afin de ne pas les briser. Elles doivent être recoupées après chaque utilisation et pendant le geste si nécessaire.

Il existe des fibres à usage unique (150 à 400 €) et des fibres restérilisables (10 utilisations/fibre ; 500 à 800 € l’unité). Pour assurer l’étanchéité autour de la fibre, un joint torique est utilisé.

→ Paramètres cliniques

→ Stérilisation : l’urétéroscope souple doit être stérilisé au Sterrad (ou par trempage à froid) mais il n’est pas autoclavable. Le Sterrad utilise la technologie du gaz plasma de peroxyde d’hydrogène, le cycle se déroule à basse température (50 °C) et assure une stérilisation douce, même pour les instruments les plus délicats, prolongeant ainsi leur durée de vie et réduisant le coût lié aux réparations d’instruments. Il permet de stériliser certains dispositifs médicaux thermosensibles qui pourraient être altérés par la chaleur ou l’humidité.

3. DÉROULEMENT DE L’INTERVENTION

Les vérifications avant l’intervention

Avant d’amener le patient en salle d’intervention, l’Ibode ou l’IDE doit procéder à de multiples vérifications :

– mise en conformité de la salle d’opération ;

– présence du matériel nécessaire pour l’intervention.

→ À l’arrivée du patient en salle d’accueil, l’infirmière réalise un interrogatoire « check-list » (recommandations HAS 2016) :

– vérification de l’identité (Nom et prénoms exacts et correctement orthographiés, date de naissance) ;

– absence de prothèse dentaire, auditive, lentilles de contact ;

– non-port de bijoux, sous-vêtements, barrettes… ;

– vérification que le patient est à jeun ;

– douche pré-opératoire prise (la veille de l’intervention ainsi que le matin) ;

– absence d’allergie ;

– absence de matériel métallique (plaque, vis, clou, prothèse, broche…) ;

– confirmation de l’intitulé de l’intervention, du côté à opérer (on réalisera une iconographie en salle pour le préciser), du chirurgien opérateur ;

– vérification de la présence des résultats de l’ECBU.

Un bilan clinique et radiologique complet doit être à disposition du chirurgien.

→ Puis, l’infirmière installe le patient en bonne posture sur la table d’opération en s’assurant qu’il soit confortable, qu’il n’ait pas froid… Dès l’arrivée au bloc, il faut prévenir l’hypothermie, risque qui est majoré par l’anesthésie et la durée de l’intervention. Outre les mesures habituelles (matelas chauffant, etc.), l’IDE doit au préalable réchauffer le liquide d’injection.

→ L’IDE répond aux éventuelles questions du patient, le rassure, lui explique ce qu’il va se passer afin de diminuer son anxiété.

Installation du patient

Position

→ Le patient est installé en « position de la taille » (voir schéma) afin de permettre l’abord instrumental du rein, ce qui expose le patient à des risques de mise en posture et de posture ainsi qu’à des risques musculosquelettiques

→ Les jambes sont mises dans des Goepels. La jambe du côté de la lithiase est moins fléchie et plus basse que la jambe opposée pour faciliter le passage de l’urétéroscope.

→ Le bras gauche est positionné le long du corps pour faciliter le passage de l’amplificateur de brillance, et le bras droit sur un appui-bras.

→ La table d’opération doit impérativement posséder une rallonge du bas pour permettre le contrôle avec l’amplificateur de brillance.

Surveillance indispensable de l’installation

→ Les objectifs sont de permettre la mise en posture chirurgicale et son maintien sans risques de :

– chute du corps ou d’une partie du corps de la table opératoire ;

– de perturbations hémodynamiques ;

– d’arrachement des équipements d’anesthésie ;

– de lésions cutanées par pincement et/ou par cisaillement, par compression ;

– de lésions nerveuses périphériques par compression et/ou étirement.

→ Afin de prévenir ces risques, l’Ibode et l’IDE ont un rôle fondamental. Cela nécessite :

– de faire preuve de capacités organisationnelles et relationnelles ;

– de posséder des connaissances approfondies des technologies complexes, de l’environnement, des techniques opératoires afin de pouvoir en dégager les risques pour pouvoir les anticiper et les éviter ;

– de procéder à une installation parfaite du patient et de la faire valider par le chirurgien. Vérifier avec grande attention son matériel (table d’opération, appuis, accessoires…).

Une fois que l’installation et l’anesthésie sont réalisées, l’infirmière de salle appelée « circulante » ou « panseuse » effectue la préparation cutanée de la zone opératoire (définie par le type de chirurgie).

Préparation cutanée

Pour l’URSS, l’infirmière circulante réalise une préparation cutanée qui s’étend de la zone sous ombilicale jusqu’à mi-cuisses, en insistant sur la région des organes génitaux (anus inclus). L’objectif est de prévenir l’infection du site opératoire par une préparation optimale.

→ Elle s’effectue en quatre temps : lavage = détersion ; rincage ; séchage ; antisepsie. Les produits utilisés dépendent du protocole de l’établissement.

→ Un deuxième badigeon « stérile » est effectué par l’infirmière instrumentiste sous la responsabilité du chirurgien avant mise en place des champs stériles.

Après l’intervention

À la fin de l’intervention, le patient reste quelques heures en salle de réveil ou seront surveillées la levée de l’anesthésie et la douleur post-opératoire. Ensuite, il sera ramené en service de chirurgie ambulatoire où une collation lui sera servie.

Puis, après l’accord de l’anesthésiste et du chirurgien, il pourra rentrer à son domicile, avec une prescription d’antalgiques et un rendez-vous de consultation avec son chirurgien.

Le matériel d’urétéroscopie

REPÈRES

Le rôle de l’IDE circulante

L’IDE circulante ou panseuse veille à la bonne mise à disposition des matériels et à leur bon fonctionnement. Zoom sur certaines vérifications et démarches indispensables (liste non exhaustive) :

→ colonne d’endoscopie : allumage, présence et fonctionnement des deux caméras (pour la cystoscopie puis l’urétéroscopie), bon état de marche du moniteur de lumière froide ;

→ fonctionnement de la pompe : pression adaptée, liquide correctement chauffé. Vérifier la présence permanente de liquide en per-opératoire ;

→ présence de tous les DMS nécessaires, du matériel sous double emballage (intégrité, péremption…) ;

→ laser : bouton d’arrêt d’urgence en état de fonctionnement, intégrité de la lentille du pare-feu ; effectuer la remise à zéro de l’énergie totale avant le début de la procédure puis appliquer les paramètres souhaités par le chirurgien. Le générateur doit toujours être en position d’attente lors de l’introduction de la fibre dans l’urétéroscope afin d’éviter un tir intempestif qui pourrait le détériorer. Noter les paramètres du laser dans le dossier patient ;

→ la fibre : vérifier son intégrité en effectuant deux tests (un avec un microscope et l’autre en la raccordant au laser), en cas d’utilisation de fibres re-stérilisables (dix fois maximum). Pendant le geste, il faut impérativement surveiller que la pointe de la fibre sorte à l’extrémité de l’urétéroscope et apparaisse dans le champ visuel afin de ne pas endommager ce dernier au moment du tir. Faire une coupe franche de la fibre régulièrement en per-opératoire ainsi qu’à la fin du geste ;

→ urétéroscope : vérifier la présence de flexibilités gauche et droite totales en pré, per, et post-opératoire. En fin d’intervention, réalisation d’un test à l’air voire à l’eau si doute sur le premier, afin de s’assurer que l’urétéroscope n’ait pas été endommagé pendant le geste.

REPÈRES

Les informations au patient

→ Sur le déroulement de l’opération et les complications éventuelles (lire ci-dessous).

→ Sur les effets indésirables et suites post-opératoires : une douleur en urinant due à l’intervention ou à la présence d’une sonde JJ est normale ; des douleurs lombaires ; présence de sang dans les urines, habituelle dans les jours qui suivent l’intervention, fréquente en cas de sonde JJ ; envies fréquentes et urgentes d’uriner.

→ Consulter en cas de fièvre inexpliquée supérieure à 38 °C, de saignements prolongés ou s’intensifiant, d’envies d’uriner fréquentes persistantes, de douleurs lombaires persistantes et intenses.

→ Sur les consignes diététiques : boire suffsamment (> à 1,5 litre par jour, ne pas fumer (risque majoré de difficulté de cicatrisation).

À consulter : la fiche « Suites d’intervention. Calcul urinaire par urétéroscopie » de l’AFU (Association française d’urologie).

HYGIÈNE

→ Le bloc opératoire est un des principaux lieux à risque d’infection.

La prévention de ces risques suppose :

– de suivre les recomman-dations valables pour toute personne pénétrant dans le bloc : tenue conforme, absence de bijoux, lavage des mains, etc. ;

– de respecter le concept d’asepsie progressive (procédure d’approche qui sépare l’entrée du bloc et le champ opératoire, établissant ainsi un gradiant d’asepsie jusqu’au champ opératoire qui est la zone d’asepsie maximale.

Un patient installé en position de la taille

1 Équipe d’anesthésie (Médecin anesthésiste réanimateur) et Iade.

2 Équipe chirurgicale (chirurgien, interne et infirmière instrumentiste).

3 Patient en « position de la taille », bras gauche le long du corps, bras droit sur appui bras pour faciliter le passage de l’amplificateur de brillance.

4 Jambes dans les Gœpels.

5 L’amplificateur de brillance (arceau et écran).

6 Colonne d’endoscopie.

7 Laser.

À SAVOIR

Des mesures de protection pour les professionnels

Cette intervention nécessite l’utilisation :

→ d’un amplificateur de brillance en salle d’opération afin de réaliser des clichés per-opératoires.

Il est donc obligatoire que toutes les personnes présentes en salle portent un tablier de plomb, un cache-thyroïde ainsi qu’un dosimètre.

→ d’un laser, donc port de lunettes de protection pour l’équipe infirmière et chirurgicale.