Le plus souvent non compliquée, la prise en charge de la colique néphrétique lithiasique aux urgences consacre le rôle central de l’infirmière dans le dépistage des signes de gravité et l’administration précoce du traitement antalgique.
La colique néphrétique aiguë est un syndrome douloureux lombo-abdominal résultant de la mise en tension brutale de la voie excrétrice du haut appareil urinaire en amont d’une obstruction, quelle qu’en soit la cause. La colique néphrétique lithiasique liée à un calcul urinaire représente 75 à 80 % des causes de colique néphrétique. En France, on estime que, chaque année, sur deux millions de patients lithiasiques, 5 à 10 % deviennent symptomatiques, représentant 1 à 2 % des entrées dans les services d’accueil et des urgences (SAU). Le taux de récidive de la colique néphrétique lithiasique est important. Après le premier épisode, il est environ de 15 % à un an, 35 % à cinq ans et de 50 % à dix ans.
Elle correspond à une augmentation brutale et rapide de la pression dans les voies excrétrices (pression intra-urétérale et pyélique). Elle est liée principalement à deux facteurs :
• L’œdème généré au contact du calcul par effet irritatif va à la fois favoriser la rétention d’urine sus-jacente et bloquer davantage le calcul.
• La stimulation de la synthèse intra-rénale de prostaglandines E2 (PGE2) vasodilatatrices sous l’effet de l’hyperpression intra-pyélique va entraîner une augmentation du flux sanguin rénal et de la pression de filtration glomérulaire. Le rein essaie de cette façon de chasser l’obstacle par une hyperproduction d’urines. Cela augmente la pression dans le rein et la production de PGE2. On se retrouve face à un « cercle vicieux » puisque le maintien du débit de filtration glomérulaire ne fait qu’accroître la pression intra-cavitaire. En réponse à cette distension, le muscle lisse de la paroi urétérale se contracte pour faire progresser le calcul (expulsion spontanée). Si le calcul est « coincé », il se produit une contraction musculaire prolongée (spasme), ce qui augmente la production locale d’acide lactique. Ceci va irriter les fibres nerveuses conduisant la douleur. Au-delà de cinq heures, le flux sanguin intra-rénal va ensuite chuter par vasoconstriction pré-glomérulaire.
→ La colique néphrétique simple est la forme la plus fréquente. Elle se caractérise par :
– une douleur intense d’apparition brutale, unilatérale, qui se manifeste par crises paroxystiques entrecoupées de périodes d’accalmie souvent incomplètes. Typiquement, elle prend naissance au niveau des lombaires et suit l’arbre urinaire irradiant jusqu’à l’aine et aux organes génitaux. Il n’y a pas de position antalgique et le patient est très agité ;
– des symptômes digestifs sont souvent associés : nausées, vomissements, constipation ;
– des signes urinaires : dysurie, pollakiurie (fréquence excessive des mictions) et impériosité ;
– hématurie macroscopique et anuries rares.
On note l’absence de fièvre.
→ Les coliques néphrétiques compliquées sont des formes rares (moins de 6 %) pouvant engager le pronostic vital à court terme. Elles imposent un avis d’un urologue en urgence et sont caractérisées :
– soit par le terrain sur lequel survient la colique néphrétique : grossesse, patient mononèphe ou transplanté, uropathie connue, enfant, patient VIH sous Indinavir.
– soit par les signes de gravité : température, oligo-anurie, persistance d’une douleur importante malgré un traitement par antalgiques bien conduit (utilisation d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) par voie intraveineuse et titration morphinique), insuffisance rénale aiguë obstructive, taille du calcul supérieure à 6?mm, lithiases bilatérales.
Ces signes de gravité (température ou frissons ++) doivent être parfaitement connus et identifiés dès l’admission du patient pour colique néphrétique afin d’éviter un retard de prise en charge. Le diagnostic de colique néphrétique aiguë étant posé, un drainage chirurgical des urines en urgence est alors nécessaire.
On retrouve dans la littérature scientifique les diagnostics suivants : endométriose, péritonite, appendicite, ulcère perforé, grossesse extra-utérine, salpingite, occlusion intestinale, pancréatite aiguë, lumbago et sciatique.
Outre l’examen clinique, des explorations complémentaires sont nécessaires dans le cadre de la prise en charge en urgence. L’objectif étant la recherche de signes de gravité.
→ La colique néphrétique simple :
– examen des urines : bandelette urinaire (BU) effectuée systématiquement afin de détecter rapidement une hématurie macroscopique, complétée par un examen cytobactériologique des urines (ECBU) en cas de BU positive ;
– créatininémie ;
– examens d’imagerie : couple ASP-échographie ou scanner abdomino-pelvien sans injection recommandé entre la 12e et la 48e heure.
→ Les coliques néphrétiques compliquées :
– biologie : ECBU, ionogramme, NFP, Béta-hCG (si femme jeune). Pas de CRP (protéine C réactive) en urgence ;
– imagerie : scanner abdomino-pelvien sans injection en urgence. Discuter l’injection avec des clichés tardifs en cas de doute sur un obstacle ou pour le diagnostic différentiel.
→ Les terrains particuliers :
– femme enceinte : échographie réno-vésicale ;
– insuffisant rénal : scanner abdomino-pelvien sans injection à préférer au couple ASP/échographie (grade B).
→ En cas de doute sur le diagnostic (rôle ++ de l’urgentiste et du radiologue) : lors du scanner, injection de produit de contraste iodé (si la fonction rénale le permet et en l’absence d’intolérance à l’iode) avec réalisation de clichés en phase tardive pour explorer finement les voies urinaires et rechercher une stase urinaire. C’est la seule façon d’affirmer la présence d’un obstacle.
En dehors des lithiases d’Indinavir (antirétroviral VIH), elles sont toutes visibles au scanner. Il permet d’estimer la taille, la localisation et la densité des calculs. Il recherche des signes indirects comme une dilatation des cavités pyélo-calicielles et urétérales, une infiltration de la graisse péri-rénale ou péri-urétérale.
Le traitement aux urgences de la colique néphrétique chez l’adulte a fait l’objet d’une conférence de consensus en 1999 de la Société francophone de médecine d’urgence (SFMU), en collaboration avec l’Association française d’urologie et la Société de néphrologie, qui a été actualisée en 2008(1).
Le traitement est essentiellement médical, l’objectif est de soulager le patient. Il doit être précoce et rapidement efficace. Il nécessite une évaluation régulière de l’intensité de la douleur, réalisée par l’infirmière (lire ci-après).
→ Quid des apports hydriques ? La colique néphrétique est liée à une hyperpression intra-pyélique, il semble logique de ne pas proposer une hyperhydratation. Une adaptation des apports hydriques à la soif du patient est habituellement recommandée. Aucune étude n’a montré la supériorité de l’une des attitudes – restriction ou hyperhydratation – par rapport à l’autre.
→ Les AINS, le Kétophrène en particulier, sont le traitement de référence. Ils diminuent le débit de filtration glomérulaire par inhibition de la synthèse de PGE2 et réduisent l’œdème inflammatoire au niveau de l’obstruction. Administration de Kétoprofène par voie intraveineuse (IV) : 1 AMP 100 mg/8 h/en IV lente (prudence si créatinine > 150, si antagoniste de la vitamine K (AVK), contre-indication en cas de grossesse), au maximum trois fois par 24 h. Il ne faut pas hésiter à les associer aux morphiniques.
→ Les antalgiques de niveau 1 ne peuvent être prescrits seuls et sont à associer aux AINS en cas de douleur peu intense. Administration de paracétamol en association aux AINS : 1 g/6 h.
→ Les morphiniques en titration, antalgiques de niveau 3, sont utilisés en association avec les AINS ou en cas de contre-indication aux AINS, si la douleur est d’emblée très importante. Administration de chlorhydrate de morphine en IV : 0,5-1 cg (1 cg = 10 mg).
→ Les alpha-bloqueurs sont également recommandés (grade A) car favorisant l’expulsion spontanée du calcul par action directe sur la relaxation du muscle lisse urétéral. Cette myorelaxation diminue de manière significative le nombre d’épisodes douloureux et l’intensité de la douleur. L’association de corticostéroïdes majorerait les chances d’expulsion.
Une bonne compréhension des mécanismes physiopathologiques de la colique néphrétique permet de proposer des traitements mieux adaptés et donc plus efficaces pour diminuer la pression intra-cavitaire, pour réduire l’inflammation et soulager le patient.
Dans ce cas, une hospitalisation est nécessaire. Le traitement est alors chirurgical. Le choix est discuté avec l’urologue entre un drainage des cavités excrétrices par endoprothèse urétérale (sonde JJ, lire p. 45) ou une sonde de néphrostomie percutanée. Un prélèvement des urines pyéliques pour analyse bactériologique doit être réalisé dans tous les cas en pré-opératoire. Une pyélonéphrite aiguë obstructive nécessite la mise en place d’une antibiothérapie parentérale au plus tôt.
Dans 80 % des cas de colique néphrétique simple, le calcul est évacué sous l’effet du traitement médical. On estime qu’un calcul d’un diamètre inférieur à 5?mm peut être expulsé spontanément. En cas d’échec ou de complication, une prise en charge chirurgicale (lire p. 45) et médicale est indiquée, avec notamment des mesures diététiques à observer (lire p. 48). L’objectif étant d’éviter les récidives.
1- Actualisation en 2008 de la 8e Conférence de consensus de la Société francophone d’urgences médicales. « Prise en charge des coliques néphrétiques de l’adulte dans les services d’accueil et d’urgences ». Progrès en urologie (2009) 19, 462-473.
1- Voir les recommandations de la conférence de consensus 1993, actualisée en 2007.
2- Voir fiche d’information « Pose d’une sonde double J ou sonde JJ », de l’Association française d’urologie destinée aux patients et soignants : bit.ly/2ALSNf6.
Relevé des constantes et signes cliniques, gestion de la douleur, information du patient et de la famille… Les soins infirmiers sont cadrés par les recommandations.
Les recommandations actualisées en 2008 de la conférence de consensus de la SFUM (Société francophone d’urgences médicales) distinguent trois temps.
L’accueil
→ L’infirmière organisatrice de l’accueil (IOA) doit repérer le tableau de crise de colique néphrétique, notamment les signes de complication, dès l’accueil. Les recommandations précisent que celles-ci doivent être recherchées par le médecin dans ce même temps (lire p. 42).
→ L’infirmière joue un rôle fondamental dans la gestion de la douleur : elle analyse le siège de la douleur, procède à son évaluation en utilisant les échelles d’auto-évaluation EVA ou EN(1). Elle peut sur protocole administrer précocement l’antalgie, dès l’accueil selon les recommandations.
→ Elle doit relever les paramètres suivants : pression artérielle, fréquence cardiaque et respiratoire, température, heure et quantité de la dernière miction.
→ Elle doit expliquer au patient les objectifs des soins.
→ Elle organise la prise en charge médicale du patient dans un délai compatible avec l’intensité de la douleur : selon l’intensité de la douleur, les patients doivent être installés immédiatement.
→ Elle se renseigne sur l’éventualité d’une grossesse chez la femme en âge de procréer.
En salle de soins
→ Pose rapide d’une voie veineuse périphérique sur prescription.
→ Recherche d’allergies.
→ Administration d’antalgiques selon prescription : Kétoprofène en première intention, si cela est insuffisant, passage directement aux morphiniques (lire p. 43).
→ Réévaluation répétée de la douleur. Elle alerte le médecin si l’antalgie n’est pas suffisante.
→ Surveillance du patient de façon rapprochée en cas de titration de morphine.
→ Réalisation de la bandelette urinaire, recueil et filtration des urines.
→ Diminution des apports hydriques si douleur (lire p. 43).
Orientation vers la sortie
→ En cas d’hospitalisation, l’IDE explique au patient son orientation. Elle peut expliquer l’intervention prévue, par exemple la pose d’une sonde JJ(2), et elle prépare le dossier de transmission.
→ Si le patient est jugé sortant, elle explique en langage simple la nature de la crise de colique néphrétique, elle s’assure en présence de la famille que cette dernière a bien reçu les recommandations, elle insiste pour que les urines soient filtrées afin de pouvoir faire une analyse chimique du calcul s’il est évacué, elle préconise la surveillance de la température avec consigne de revenir aux urgences en cas de fièvre ; enfin, elle insiste sur la possibilité de récidive douloureuse en cas de non-évacuation du calcul.