L'infirmière Magazine n° 389 du 01/01/2018

 

FORMATION

PRISE EN CHARGE

Aurélie Gay  

Différentes techniques chirurgicales existent pour traiter les lithiases urinaires en constante évolution. Leur utilisation nécessite une bonne connaissance des matériels, des précautions à prendre et des points de surveillance lors de l’intervention.

La prise en charge des calculs rénaux et urétéraux a fait l’objet de recommandations du Comité lithiase de l’AFU (Clafu) et de l’Association européenne d’urologie (EAU)(1).

Le choix de la technique de traitement dépend de la morphologie et des comorbidités du patient, de la localisation du calcul mais aussi de sa taille, du nombre, de sa composition et de l’anatomie des voies urinaires, le tout agrémenté par la prise en compte des manifestations cliniques (patient asymptomatique, douleurs…).

Nous détaillerons les traitements suivants :

– les moyens de désobstruction de l’uretère : sonde JJ ou néphrostomie.

– le traitement des calculs : la lithotritie extra-corporelle (LEC), l’uretéroscopie (rigide ou souple) et la néphrolithotomie percutanée (NLPC).

1. TRAITEMENT DES OBSTACLES URÉTÉRAUX

Sonde JJ

La sonde JJ est un tube souple et fin (environ 3?mm de diamètre) dont les extrémités forment chacune une boucle (d’où le terme « double J ») ce qui permet à la sonde de rester en place entre le rein et la vessie. Les sondes JJ sont introduites dans l’uretère.

→ Technique. La sonde JJ est remontée par endoscopie dans les voies naturelles (sans incision) sous anesthésie générale. Le chirurgien s’assure qu’elle est bien en place grâce à un appareil de radiologie en salle d’opération.

→ Indications. Une sonde JJ est mise en place pour prévenir ou contourner un obstacle au niveau de l’uretère. Le traitement des calculs du rein ou de l’uretère est l’indication la plus fréquente de pose de cette sonde. Lorsque le calcul a été fragmenté par le laser, il est fréquent que de petits débris migrent dans le canal. Ils peuvent bloquer totalement ou partiellement l’écoulement des urines ce qui peut entraîner des douleurs importantes (colique néphrétique) ou une infection urinaire.

La sonde JJ permet d’éviter ce blocage et provoque une dilatation de l’uretère qui facilite ainsi l’élimination des fragments de calcul.

Une sonde JJ peut être mise en place dans d’autres situations :

– ablation d’une tumeur du rein ou de l’uretère ;

– réparation d’un rétrécissement de l’uretère ;

– ablation d’une tumeur autour de l’uretère ;

– compression de l’uretère par une maladie environnante (fibrose ou tumeur).

→ Symptomes causés par la sonde JJ. Parfois, les personnes qui ont une sonde JJ ne ressentent rien de spécifique. Régulièrement, la sonde est responsable de certains symptômes :

– brûlures lors de la miction (car la sonde ouvre un système anatomique qui, normalement, empêche l’urine de refluer de la vessie vers le rein) ;

– pollakiurie voire urgenturie (causée par le frottement de la boucle inférieure de la sonde sur la paroi vésicale) ; - saignements en général modérés (dus à l’irritation de la paroi vésicale par la sonde) ;

– douleurs dans le dos ou dans le bas du ventre lors des mictions (provoquées par le reflux d’urine vers le rein dans la sonde).

Ces symptômes, gênants au début, diminuent parfois dans le temps, et disparaissent avec le retrait de la sonde. Ils peuvent, rarement, être très invalidants et assez difficiles à traiter en laissant la sonde en place.

→ Suivi et retrait. La sonde JJ reste en place de quelques jours à quelques mois. Elle est retirée en consultation par le chirurgien grâce à un cystoscope, qui permet de regarder dans la vessie puis d’attraper la sonde à l’aide d’une pince très fine.

Parfois, un fil est attaché à la boucle inférieure et sort par le méat urétral. La sonde est alors retirée par le patient en tirant sur le fil. Dans ce cas, il faut que le patient veille à ne pas tirer inopinément sur le fil lors de sa toilette.

Néphrostomie

→ Indication : en cas d’impossibilité de monter une JJ (calcul obstructif complètement) ou patient insatable (sepsis sévère).

→ Technique : peut être réalisée sous anésthésie générale ou locale. Le principe consiste à ponctionner directement le rein dilaté avec l’aide d’un échographe. Puis, une sonde de néphrostomie est laissée en place, afin de drainer les urines infectées vers l’extérieur.

2. TRAITEMENT DES CALCULS DU REIN ET DE L’URETÈRE

Le traitement dépend de la taille et de la localisation du ou des calculs (rein ou uretère).

Lithotritie extra-corporelle

La LEC est devenue en quinze ans le traitement de référence des calculs radio-opaques du rein < 20 mm, de densité 1 000 UH, et le traitement de référence chez l’enfant.

→ Technique : réalisée en ambulatoire, sans anesthésie (sauf chez l’enfant). C’est une méthode non invasive.

Un ECBU doit être réalisé quelques jours avant l’intervention (pour s’assurer de l’absence d’infection urinaire) ainsi qu’un ASP (radiographie de l’abdomen sans préparation) la veille, afin de vérifier que le calcul est toujours en place.

→ Principe : une onde de choc est créée dans l’eau, transmise à travers l’eau et l’épaisseur du corps, et focalisée sur le calcul, après repérage de celui-ci, ce qui permet sa fragmentation. Chaque séance consiste à envoyer en moyenne entre 1 500 et 3 000 coups pour une durée de traitement de quarante-cinq à soixante minutes. Les fragments de calculs s’éliminent dans l’urine dans les jours ou semaines qui suivent, et peuvent être recueillis par filtration des urines.

→ Contre-indications :

– absolues : grossesse, prise d’aspirine, troubles de la coagulation ;

– relatives : présence d’un pacemaker (selon le type de machine), obésité, calcul obstructif s’accompagnant de fièvre, obstruction de l’uretère en aval.

→ Suivi et contrôle :

→ après le traitement, les urines sont sanglantes (rosées) pendant douze à vingt-quatre heures ;

→ taux de réussite de 70 à 80% après une séance ;

→ reprise des activités possible après vingt-quatre à quarante-huit heures ;

→ contrôle radiologique fait deux à trois semaines après le traitement ;

→ prescription d’antalgiques pour d’éventuelles douleurs.

→ Les complications restent rares : hématuries, infections urinaires, risque de dérèglement de pacemaker, CNA post LEC par migration des fragments résiduels (20 %), hématome péri-rénal.

Urétéroscopie

La minuaturisation des instruments, et surtout des optiques, a permis de fabriquer des instruments dont le diamètre externe est de 2 à 4 mm, qui peuvent être introduits dans l’uretère par voie rétrograde. Selon la localisation et de la taille du calcul, on réalise :

• une urétéroscopie souple : pour des calculs du rein inférieurs à 2 cm, de l’uretère lombaire et iliaque ;

• une urétéroscopie rigide : pour des calculs de l’uretère distal ou pelvien.

Attention : toute urétéroscopie doit avoir une analyse d’urine stérile.

→ Technique : l’uretéroscope est monté dans l’uretère jusqu’au niveau du calcul. Les urétéroscopes actuels sont rigides ou flexibles, et ils permettent le traitement des calculs de l’uretère sous contrôle de la vue. Les calculs de petit diamètre sont extraits en une pièce, à l’aide d’un panier introduit par l’appareil, tandis que les calculs plus volumineux (dont le diamètre est supérieur à 7 ou 8 mm) sont fragmentés (laser) dans l’uretère avant d’être extraits.

→ Complications : hématurie, douleur de colique néphrétique par caillotage urétéral, infection urinaire fébrile, plaie urétérale.

Néphrolithotomie percutanée

Il s’agit, après ponction directe des cavités rénales, de dilater le trajet ainsi créé pour pouvoir introduire dans le rein un système optique, dont le diamètre est d’environ 1 cm. Ce système permet de voir l’intérieur des cavités et de fragmenter, sous contrôle de la vue, les calculs intra-rénaux.

Le geste est réalisé sous anesthésie générale et le patient est installé en décubitus latéral ou dorsal.

→ Principe : ponction percutanée du rein sous contrôle échographique et fluoroscopique (rayons X), puis dilatation progressive du trajet obtenu permettant la mise en place d’une gaine d’accès et l’introduction d’un néphroscope. Puis visualisation, fragmentation (le plus souvent à l’aide d’ultrasons) et extraction des calculs.

→ Indications : c’est le traitement de référence pour les calculs supérieurs à 2 cm, coralliformes ou complexes du rein.

→ Les complications/risques :

– complications hémorragiques et infectieuses ;

– lésions d’organes intra-abdominaux (côlon…).

→ Suivi et contrôle :

Après l’intervention, on laisse une sonde de néphrostomie pendant deux à trois jours, ainsi qu’une sonde urétérale. Une hospitalisation de cinq jours environ est nécessaire.

  • 1- « Mise au point sur la prise en charge des calculs du rein en 2013 ». Comité lithiase de l’Association française d’urologie. Progrès en urologie (2014) 24, 319-326.

ÉTUDIANTS EN IFSI

Les UE en lien avec le dossier

Références d’UE et extraits :

→ UE2.2.S1 « Cycles de la vie et grandes fonctions » (compétence4) ;

→ UE2.8.S3 « Processus obstructifs » (compétence 4) : mécanismes physiopathologiques de l’obstruction, anatomie et physiologie de l’appareil rénal, lithiases ;

→ UE2.11.S1, 2.11.S3 et 2.11.S5 « Pharmacologie et thérapeutiques » (compétence 4) ;

→ UE 4.3.S4 « Soins d’urgence » (compétence 4) : traitements médicamenteux de l’urgence, prise en charge des patients douloureux en situation d’urgence ;

→ UE 4.4.S2, 4.4.S4 et 4.4.S5 « Thérapeutiques et contribution au diagnostic médical » (compétence 4) : réaliser des actions à visée diagnostique et thérapeutique, règles de surveillance et de suivi de ces activités dans le respect des protocoles ;

→ UE 4.4.S5 « Thérapeutiques et contribution au diagnostic médical » (compétence 4 ) ;

→ UE 4.6.S3 « Soins éducatifs et préventifs » (compétence 5 ) : soins infirmiers de prévention, d’éducation, d’aide.

HISTOIRE

La méthode de la LEC a été introduite en 1980, avec une machine où le patient était en partie immergé dans un bain d’eau (l’eau permettant la transmission des ondes de choc), d’où l’appellation familière de « baignoire » !

Il existe aujourd’hui différents types de machines, avec un repérage du calcul par échographie et/ou radiologie, et le bain a été remplacé par un simple coussin (ballon) rempli d’eau.