L'infirmière Magazine n° 390 du 01/02/2018

 

URGENCES DE CHERBOURG

ACTUALITÉS

FOCUS

Laure Martin  

Les suppressions de postes et les conséquences sur le service ont conduit les IDE des urgences du CH de Cherbourg à déposer, le 13 décembre, un préavis de grève illimitée. Elles ont été rejointes, le 27 décembre, par les médecins urgentistes.

Nous en avons ras-le-bol de nos conditions de travail, dénonce Francis Normand, infirmier urgentiste à Cherbourg (Manche). Et les conditions de mise en place du transport infirmier interhospitalier (TIIH) ainsi que la volonté de la direction de supprimer un poste infirmier, c’est la goutte de d’eau ! D’où notre grève… » Dans le nord du Cotentin, s’il manque environ 50 % d’effectifs en médecine libérale, les passages aux urgences ne cessent d’augmenter – atteignant parfois 140 patients par jour.En parallèle, « en quatre ans, 80 lits ont été supprimés », explique Éric Labourdette, secrétaire général national de la Fédération autonome de la fonction publique hospitalière (FAFPH), précisant que le déficit cumulé de l’établissement est de 60 millions d’euros. Une situation qui a conduit à des réorganisations « dans la douleur ». « Nous avons rejoint le mouvement parce que les conditions de travail et la situation des patients en attente aux urgences sont inacceptables, voire inhumaines, estime le Dr Jean-Christophe Mariotti, praticien hospitalier et délégué départemental de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf). Les résultats financiers sont pires que jamais et on nous annonce cette année que des postes vont encore devoir être supprimés. Ce n’est plus possible. »

Inquiétude autour du TIIH

Outre la suppression de 100 postes supplémentaires à la demande de l’Agence régionale de santé pour faire face au déficit, le problème des soignants se cristallise aujourd’hui autour de la mise en place du TIIH. Avec ce dispositif, « un infirmier est responsable, avec une équipe d’ambulanciers, du transport d’un patient vers le centre hospitalier de Caen, qui dispose d’un plateau technique plus important, pour des examens complémentaires », explique Francis Normand. « L’objectif principal avec le TIIH est de libérer du temps à l’équipe du Smur [un médecin, un infirmier, un chauffeur, NDLR] qui assure l’ensemble des transports secondaires, en faisant en sorte que les patients stables soient transportés par une équipe paramédicale », poursuit Laure Louis, IDE aux urgences de Cherbourg.

« Mais, pour notre direction, le TIIH va diminuer les transferts secondaires médicalisés en général, indique Francis Normand. Il est pourtant hors de question qu’un infirmier soit responsable d’un patient instable. Nous revendiquerons notre droit de retrait (lire encadré) afin de protéger notre diplôme. » Car les IDE craignent de se retrouver dans l’ambulance avec un patient qui devienne instable. « Certes, nous pourrons contacter le Smur à tout moment mais le trajet est ponctué de zones blanches en termes de télécommunications », s’inquiète Laure Louis.

Un poste d’IDE en moins

À Cherbourg, la fonction TIIH va être assurée, à tour de rôle, par des IDE du service qui ont une expérience au Smur. « La direction table sur deux à trois transferts par semaine et considère, de ce fait, que l’IDE chargé du TIIH pourra réaliser, en parallèle, des actes aux urgences, explique Francis Normand. Or, nous estimons qu’il pourra effectuer entre deux et trois transferts par jour, rendant un travail aux urgences impossible. Mais suivant son raisonnement, la direction prévoit la suppression d’un poste d’IDE. » Il s’agirait de l’infirmier en poste décalé (10 h – 22 h), qui aide en traumatologie et l’accueil. « Il y a des raisons comptables derrière cette décision, indique Éric Labourdette. Le poste de TIIH ne va rien coûter à l’établissement car il est financé par l’ARS, et la direction prévoit la suppression d’un poste qu’elle finance. »

Malgré la grève, le service tourne toujours car les IDE, comme les médecins, sont assignés par la direction. Mais la FAFPH réfléchit à une action en justice pour délit d’entrave au droit de grève de la part de la direction. Contactée, cette dernière refuse de s’exprimer directement sur la situation.

LÉGISLATION

Droit de retrait en toute sécurité

Défini par l’article L 4131-1 du code du travail, le droit de retrait prévoit qu’un travailleur puisse alerter immédiatement son employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection. Il peut ainsi se retirer d’une telle situation. L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent, résultant notamment d’une défectuosité du système de protection.