L'infirmière Magazine n° 390 du 01/02/2018

 

SAVOIRS INFIRMIERS

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COLLOQUES

Sandra Mignot  

La recherche permet de faire évoluer les pratiques de soin mais la profession doit encore se former. Un constat rappelé lors d’un colloque organisé par le collège infirmier français(1).

La routine, ce n’est pas ce qu’il y a de mieux, résumait lors du colloque Christophe Debout, responsable pédagogique de l’école des infirmiers anesthésistes de Neuilly-sur-Marne (93)(2). Nous devons fonder nos décisions cliniques sur les derniers savoirs disponibles, c’est une obligation déontologique. D’autant plus que nous pouvons être questionnés de manière pointue par des patients qui ont accès à de larges sources d’information via le web. »

Pour ce faire, l’enseignant chercheur décrit une nouvelle posture professionnelle, qu’il qualifie d’hybridation : « Il s’agit de mêler pratique clinique (observation, écoute du patient) et pratique fondée sur les données probantes. Comprendre, décider, agir et évaluer sont les étapes du raisonnement clinique. »

Ce qui implique de savoir poser une question de recherche, de recenser les publications scientifiques y référant, puis de savoir les analyser et trier, pour proposer une réponse acceptable dans l’environnement de soin où évoluent les soignants.

Lutter contre l’habitude

Laurent Poiroux, coordinateur paramédical de la recherche au CHU d’Angers, consacre une thèse à l’apport des savoirs infirmiers à l’amélioration des parcours de soin en réanimation. Il s’intéresse à la façon dont ces données probantes sont transférables au quotidien.

Dans son établissement, les patients sous oxygène sont équipés d’un barboteur, censé humidifier l’atmosphère qu’ils respirent. « Nous avons observé que ce soin était une source d’inconfort et les essais cliniques n’ont pas montré d’efficacité réelle, note Laurent Poiroux. Des recommandations récentes ont d’ailleurs confirmé cela. Les données scientifiques montrent que notre observation rejoint la plainte du patient, mais notre étude en interne nous a néanmoins permis de modifier nos pratiques. »

Pourtant, selon des études nord-américaines, seuls 34 % des infirmiers ont recours aux données probantes de la science et 76 % estiment qu’ils doivent y être formés. « Les professionnels interrogés citent, parmi les obstacles, le manque de temps, une culture de leur institution non soutenante et… la force de l’habitude », précise Christophe Debout. Il semble donc nécessaire d’introduire, dès la formation initiale mais aussi en formation continue, les bases de l’EBN (Evidence-based nursing)(3) et de mettre en place un encadrement aidant.

Et également, comme le recommande l’OMS, un accès pour tous les soignants à la documentation scientifique, le développement d’une véritable culture d’établissement, la formation initiale et continue, la mise en place d’un feedback post-évaluation…

1- Ce colloque a eu lieu le 12 décembre dernier, à l’hôpital européen Georges-Pompidou (Paris, AP-HP).

2- Et membre de la chaire Santé Sciences-Po.

3- L’EBN est une pratique qui intègre les données de la science, le savoir des experts et les préférences des personnes soignées.