Parmi les soins de développement aux bébés prématurés, la musique a trouvé sa place au CHU d’Angers. Le but : offrir une enveloppe sonore positive dans un service bruyant.
Dans une petite pièce du service néonatalogie, Sarah Gavaland se prépare. L’infirmière enfile sa blouse, accorde sa guitare et se dirige vers l’unité de soin. Un petit tour dans cette ro tonde où se succèdent des chambres aux lumières tamisées. Quelques coups à la porte, Sarah Gavaland passe la tête pour savoir si elle peut entrer pour jouer. Une maman l’y in vite. Calée dans un fauteuil, elle tient son enfant contre elle, au milieu du matériel médical. Quelques notes s’échappent de la guitare, tandis que l’infirmière chante à voix basse. Et au bout de deux ou trois comptines, la magie opère… « C’est la première fois que je reçois une telle visite. Mon bébé est complètement apaisé. Et il s’est endormi ! », s’exclame Samantha Suzanne, la maman. L’infirmière, elle, quitte discrètement les lieux. Et se dirige vers une chambre d’où s’échappent les pleurs d’un nourrisson…
Ce matin-là, Sarah Gavaland joue solo, car le musicien qui l’accompagne habituellement a manqué son train. Elle va néanmoins se produire dans le service pendant trois heures. « Nous évoluons toujours en binôme, précise-t-elle. D’un côté, un musicien professionnel, et de l’autre, un soignant du service. » La raison ? Celui-ci peut déceler plus facilement les réactions du bébé et noter si la musique lui procure gêne ou bien-être. « La présence d’un soignant favorise aussi le lien avec l’équipe. Je peux, par exemple, aller voir mes collègues afin de savoir quel bébé est éveillé. Ou une collègue peut venir spontanément m’indiquer qu’une maman aimerait m’inviter à jouer pour son enfant », confie Sarah Gavaland.
La durée de l’intervention varie selon les bébés. « S’il reste éveillé et que les parents participent, on peut rester vingt minutes dans la chambre. On observe à la fois la maman et le bébé. Et on se rend vite compte quand l’enfant se détend », souligne Sarah Gavaland. En revanche, s’il grimace, les musiciens s’éclipsent. Ces moments sont aussi bien perçus par les parents, qui oublient les sons des machines et le bip des scopes… « Ils sont complètement centrés sur leur bébé, à guetter chacune de ses réactions », ajoute l’infirmière. Les musiciens peuvent aussi jouer quand les parents ne sont pas là.
Pendant ces interventions, Sarah n’est plus vraiment infirmière… ne lui reste que la blouse ! « Je suis concentrée sur ce que je veux apporter au bébé à travers mes musiques et les comptines. Sinon, l’impact est moindre », explique-t-elle. Ainsi, chaque vendredi, sept ou huit enfants profitent de cette bienveillance sonore. « J’ai découvert cette démarche quand je suis arrivée dans le service de néonat’ en juin dernier, poursuit Gaëlle Charpentier, cadre de santé. Je suis persuadée de ses bienfaits sur l’enfant et les parents. Un dialogue différent s’instaure entre eux et l’infirmière, selon qu’ils ont affaire à la soignante ou à la musicienne. La relation n’est plus la même et les discussions sortent du cadre du soin. »
Les soins douloureux s’estompent le temps d’une ou deux mélodies. Et soudain, les parents prennent toute leur place : ce sont eux qui commentent les réactions de leur enfant. « Quand on a mis en place le projet, en 2015, on avait des doutes, se souvient la jeune infirmière. Mais il a suffit d’un bébé, le premier, pour se persuader que ce projet était formidable ! » Au CHU, dans le service de néonatalogie, le vendredi est attendu avec impatience. Et même le personnel soignant se réjouit de cette parenthèse musicale qui leur apporte, à eux aussi, une certaine sérénité. Car le niveau sonore dans la rotonde a tendance à baisser. Pour mieux entendre les arpèges et les comptines des musiciens.
Infirmière dans le service de néonatalogie depuis six ans, Sarah Gavaland mène en parallèle des études de musique au Conservatoire. « Quand je suis arrivée, mes collègues me disaient que ce serait bien d’avoir de la musique dans le service, se souvient la jeune femme. Quelques années plus tard, un médecin pédiatre du service, le Dr Cécile Cipierre, a eu l’idée de ce projet. Et m’a demandé si j’acceptais d’y participer. » C’est le service du mécénat du CHU qui s’occupe de trouver les fonds afin de pérenniser les interventions hebdomadaires. Sarah intervient sur ses jours de congé. Sa prestation et celle des autres musiciens sont prises en charge par une association extérieure au CHU d’Angers.