L'infirmière Magazine n° 390 du 01/02/2018

 

CRITIQUE

RENDEZ-VOUS

L’ESPACE PRO

Julien Martinez  

IDE ET RÉFÉRENT SANTÉ SEXUELLE

→ Penser l’épidémie de VIH/sida par le seul angle de l’infectiologie, c’est occulter l’impact majeur qu’a eu le virus dans la société durant ces trente dernières années. Cet ouvrage en retrace l’histoire, en mettant en lumière les problématiques qui gravitent autour de cette maladie. De l’éthique au bareback (pratique de relations sexuelles sans préservatif, « à cru »), d’Act Up à Aides en passant par la réduction des risques et la prophylaxie pré-exposition (PrEP), tout y est. Peut-être est-ce parce que les auteurs, militants, nous proposent un regard humain en même temps qu’une analyse complète (l’un détient un doctorat en sociologie et l’autre a fait des études de santé publique). Car, pour lutter contre le sida, il ne suffit pas de faire de la prévention, il faut veiller à réduire sans cesse les discriminations et les difficultés d’accès aux soins.Le virus touchant plus par ticulièrement des communautés minoritaires et fragilisées, il en devient un « révélateur d’inégalités », comme le disait Act Up-Paris en 1997 dans un de ses slogans : « Par le sang, par le sperme, par la loi ». Ce qui rappelle la triple peine que doivent subir les personnes séropositives.

Le VIH/sida est aussi une épidémie évolutive : l’urgence des années 1980 fera place, au milieu des années 1990, à la trithérapie, et par là même à la chronicisation de la maladie, changeant les stratégies de prévention. En effet, les traitements et les politiques sanitaires ont évolué : de 1987, « date à laquelle on lève l’interdiction de la promotion du préservatif » à la fin des années 1990, c’est la capote qui sera « le marqueur d’une sexualité responsable ». Puis arrive la trithérapie en 1996 et le traitement comme prévention deviendra le leitmotiv, l’objectif étant de dépister les patients VIH+ afin de les traiter pour rendre leur charge virale indétectable. Cependant, malgré l’amélioration de la qualité de vie des séropositifs suivis, le VIH continue à faire peur et ostraciser les personnes qui en sont victimes. Cet ouvrage nous rappelle la responsabilité de chacun dans l’élaboration d’un futur monde sans sida. À lire absolument, que l’on soit expert ou profane en la matière. La fin du sida est-elle possible ?, François Berdougo et Gabriel Girard, éd. Textuel, 15,90 €