En partageant son état d’épuisement sur les réseaux, une jeune infirmière a amené le ministère de la Santé à prendre en compte les difficultés des IDE.
Sa chevelure rose est devenue le symbole du mal-être infirmier. Le 29 janvier, au petit matin, Émilie Ricard, infirmière à Sherbrooke, livre un message sur Facebook, après une énième nuit de travail éprouvante : « Encore un matin où je finis mon […] travail, vidée, exténuée. Je me suis démenée comme une folle car je suis la seule infirmière pour couvrir 76 patients […]. J’ai tellement de stress que je suis courbaturée. […] Je suis brisée par mon métier, j’ai honte de la pauvreté des soins que je prodigue. »
Son message, partagé plus de 56 000 fois, a provoqué un élan de soutien et a forcé le gouvernement à réagir… bien que sa démarche n’eût rien de politique. « J’avais besoin de me vider le cœur », ajoute l’infirmière.
Ce cri du cœur n’a pas surpris Sophie Séguin, représentante de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) : « Plusieurs membres se plaignent de leurs conditions de travail. » En effet, la situation des IDE s’est dégradée depuis 2015 et la réforme de fusion des établissements de santé. « Il y a eu des regroupements administratifs mais pas d’embauches. Les infirmières ont vu doubler, voire tripler, leur charge de travail. Dans certains secteurs, la situation est encore plus catastrophique, avec une IDE pour 150 lits », continue Sophie Séguin. La FIQ a dénoncé cette réforme. « En décembre dernier, nous avons même déposé à l’Assemblée nationale un livre noir qui recueillait les situations dangereuses vécues en 2017. » Mais c’est le message d’Émilie Ricard qui a tout changé. « L’écho a été tel que le gouvernement s’est senti obligé de nous demander des solutions. » Une rencontre entre la FIQ et le ministère a ainsi eu lieu le 5 février. « Nous avons demandé un ajustement du ratio des personnels de santé par patient, qui n’a pas été revu depuis des années. C’est notre cheval de bataille. » Même si Sophie Séguin rappelle que le Québec « est dans une année électorale », les infimières semblent avoir été entendues. À l’issue de la réunion, le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, s’est dit prêt à revoir les ratios et à procéder à des embauches.