L'infirmière Magazine n° 391 du 01/03/2018

 

FORMATION

PRISE EN CHARGE

Yannick Huet  

cadre de santé, responsable des services de soins des chambres mortuaires des hôpitaux Beaujon et Bichat-Claude Bernard

La prise en charge du corps du patient décédé est encadrée par de nombreuses procédures. Elles visent à garantir la dignité due au défunt et l’accueil de la famille endeuillée dans les meilleures conditions possibles.

Plus d’un Français sur deux meurt à l’hôpital, indiquait, en 2009, le rapport(1) de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas). La mort est devenue médicalisée, tout comme le sont les naissances. De nombreuses professions s’articulent autour de l’activité mortuaire et funéraire dans la société : soins palliatifs, chambres mortuaires, coordinations hospitalières des prélèvements d’organes et de tissus, anatomie, pathologie, fœtopathologie, autorité médico-judiciaire, sociétés de pompes funèbres, thanatopraxie…

Dans les établissements de santé, publics ou privés, les chambres mortuaires ont pour mission de prendre soin des patients décédés et d’accompagner les proches. En moyenne, 19 000 décès sont recensés chaque année au sein de l’Assistance publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP). Ils concernent tous les âges et toutes les catégories socioprofessionnelles.

1. LE CADRE LÉGISLATIF

Les établissements de santé publics ou privés qui remplissent des conditions fixées par décret au Conseil d’État doivent disposer d’une chambre mortuaire dans laquelle doivent être déposés les corps des personnes qui y sont décédées. Cette chambre mortuaire est régie par le code général des collectivités territoriales, article R. 2223-39, et par le code de santé publique en son article L. 6111-3.

Chambre funéraire et chambre mortuaire

La loi du 8 janvier 1993, n° 93-23, relative à la législation dans le domaine du funéraire, a désigné du nom de « chambre mortuaire » les locaux jusqu’alors désignés sous le nom d’« amphithéâtre des morts », « morgue », « reposoir », « chambre de reconnaissance des corps » ou « chambre de repos ».

Cette loi établit également une distinction entre la « chambre funéraire ou funérarium », qui relève de la mission de service public funéraire définie par l’article L. 2223-19 du code général des collectivités territoriales, et la « chambre mortuaire » des établissements de santé, qui ne constitue pas un des éléments du service extérieur des pompes funèbres, mais bien un des services de soins de l’établissement de santé dans lequel elle est implantée.

Critères et fonctionnement

→ Le décret du 14 novembre 1997 n° 97-1039 précise ces dispositifs.

• Les établissements de santé doivent disposer au moins d’une chambre mortuaire dès lors qu’ils enregistrent en moyenne au moins 200 décès par an (art. R. 2223-90 du code général des collectivités territoriales).

Les établissements de santé comprenant plusieurs sites d’implantation distincts comme l’AP-HP, les hospices civils de Lyon (HCL), l’AP de Marseille, peuvent satisfaire à cette obligation dans le cadre de la coopération intra-hospitalière.

• La chambre mortuaire est, de ce fait, un équipement du service public hospitalier rattaché à une direction administrative, le plus souvent à la direction des soins et des activités paramédicales (DSAP).

→ Deux catégories de personnels y exercent : le responsable de chambre mortuaire, de grade infirmier, faisant fonction de cadre de santé ou cadre de santé, et l’agent de service mortuaire, de grade aide-soignant ou agent de service hospitalier.

→ L’arrêté du 16 juillet 2009, relatif à la formation d’adaptation à l’emploi (FAE) des aides-soignants et des agents de service mortuaire chargés du service des personnes décédées, rend obligatoire cette formation constituée de quatre modules de deux jours : une journée de théorie et une de pratique, réalisée au sein d’une chambre mortuaire.

→ La chambre mortuaire est soumise à un règlement intérieur adopté par l’établissement, qui définit les activités qui y sont pratiquées et qui doit être affiché dans la partie des locaux destinés à l’accueil du public.

→ Elle accueille les corps des patients décédés à l’hôpital mais aussi les corps des enfants pouvant être déclarés sans vie à l’état civil, ainsi que les pièces anatomiques (organes ou membres aisément identifiables par un non-spécialiste, recueillis lors des activités de soins).

→ L’hôpital se doit de tenir un registre de « suivi des corps » où sont inscrits les patients décédés et les enfants pouvant être déclarés sans vie à l’état civil. Ce registre peut être manuscrit ou informatisé (logiciel Thanatos à l’AP-HP) et doit être renseigné par le bureau de l’état civil ou admission et par les agents de la chambre mortuaire.

2. LA PRISE EN CHARGE DANS L’UNITÉ DE SOINS

Le décès

Lorsque l’état d’un patient s’aggrave, un « avis d’aggravation » est envoyé à la famille par un membre de l’équipe médicale. Lorsque le décès a eu lieu, la famille doit être avisée rapidement afin qu’elle ait la possibilité de se recueillir dans l’unité de soins. Elle doit pouvoir disposer d’un temps minimum avant que le patient décédé ne soit transporté à la chambre mortuaire. En aucun cas, ce délai ne devra dépasser dix heures à compter de l’heure du décès.

Le médecin de l’unité de soins constatera le décès et remplira le plus vite possible (soixante-douze heures) le certificat de décès, qui sera transmis à la mairie de la commune du décès. Ce certificat ne peut être fait que par un docteur en médecine. Un acte de décès sera établi par l’officier de l’état civil sur le fondement des informations remises par l’établissement. Cet acte est le document officiel réclamé par les familles pour informer les différents organismes du décès (employeur, Sécurité sociale, impôts, etc.).

Les soins mortuaires

Une fois le décès constaté par le médecin, la toilette complète du patient décédé est effectuée par les soignants de l’unité de soins ainsi que les soins nécessaires (réfection de pansement). La toilette peut aussi être réalisée par la famille selon certaines coutumes.

→ Un set de décès est souvent mis à disposition au sein des établissements de santé, il peut comprendre : draps, alèses de protection, carrés de coton, tabliers jetables, gants en latex non stériles et documents administratifs (enveloppes, bracelet d’identification, fiche d’identification, brochure d’informations des familles, fiche récapitulative et de liaison).

→ Il faudra retirer les dispositifs médicaux, à l’exception des prothèses dentaires qui seront laissées en place, fermer les yeux et y déposer un carré de coton humidifié (nécessaire pour un don de cornées éventuel), puis envelopper le corps dans un drap.

Une attention particulière sera portée à l’installation du patient décédé et de la chambre si la famille souhaite se recueillir avant le transfert du corps en chambre mortuaire.

Les vérifications à effectuer

Aucun patient décédé ne peut être conduit à la chambre mortuaire sans avoir été au préalable identifié à l’aide des documents suivants (présents dans le set de décès) :

• le bracelet d’identification, fixé au poignet du patient décédé avec les inscriptions manuelles : nom, prénom, date et heure du décès. Le bracelet d’identification posé à l’admission du patient doit être laissé en place ;

• la fiche d’identification est fixée sur le drap recouvrant le patient décédé ;

• la fiche de liaison, dûment complétée, avec la traçabilité des personnes qui ont pris en soin le patient décédé (infirmiers, aides-soignants et brancardiers). Ce document est obligatoire au dossier de soins.

Un inventaire doit être établi par deux personnes du service. Les données sont reportées sur le registre des inventaires (cahier de décès). Si le décès a lieu dans la journée, le cahier et les effets du patient décédé sont amenés par le service dans lequel a été déclaré le décès au bureau des successions, pour le dépôt des objets de valeur et, ensuite, à la chambre mortuaire pour les vêtements.

Le transport du corps à la chambre mortuaire

Après le recueillement de la famille, le corps de la personne décédée doit obligatoirement être transféré à la chambre mortuaire(2), dans le respect des règles de discrétion professionnelle et d’hygiène.

3. À LA CHAMBRE MORTUAIRE

Les corps des patients décédés dans l’établissement de santé (adultes, enfants, enfants nés sans vie) sont transférés à la chambre mortuaire afin de permettre aux proches de disposer du temps nécessaire à l’organisation des obsèques. La chambre mortuaire comprend une zone publique et une zone technique. Dans la partie publique, le règlement intérieur doit être affiché, ainsi que la liste des pompes funèbres habilitées par la préfecture de police.

Les premiers soins à l’arrivée

→ À son arrivée, le corps du patient décédé est pris en soins par les agents de la chambre mortuaire :

• vérification de l’identité du patient décédé et inscription sur le registre de destination des corps et le logiciel informatique ;

• ablation des dispositifs fonctionnant au moyen d’une pile ;

• soins de présentation (visage et corps) et installation du patient décédé sur un chariot de présentation (tête positionnée, yeux et bouche fermés, drap adapté). Les agents respectent les souhaits de la famille concernant les rites et coutumes s’ils sont mentionnés sur la fiche de liaison.

→ En matière de traçabilité, tout ce qui concerne le patient décédé à la chambre mortuaire est inscrit sur une fiche de réception des personnes décédées. Ce document sera conservé pendant tout le séjour du patient décédé et complété au fur et à mesure jusqu’au départ.

L’accueil des familles

L’accueil des proches en chambre mortuaire, souvent en état de choc émotionnel, fait l’objet du plus grand soin. Le respect des valeurs de dignité, de discrétion et de probité s’impose. C’est un moment important car il s’agit de recueillir leurs volontés et celles de la personne décédée si elles sont connues. Il s’agit également de les aider dans les démarches administratives et de les informer sur les dispositions à prendre et du libre choix de l’opérateur funéraire pour l’organisation des obsèques. Un entretien personnalisé est réalisé durant lequel il faudra être à l’écoute de la situation familiale du patient décédé, disponible et respecter la libre expression des cultes et des croyances. Plusieurs aspects seront abordés.

→ Évocation des formalités administratives :

• dépôt du certificat de décès à la mairie du lieu de décès par le bureau de l’état civil de l’établissement de santé ;

• délivrance des actes de décès par la mairie du lieu de décès ;

• délai de six jours de conservation du corps en chambre mortuaire et dérogation préfectorale en cas de dépassement ;

• présence des effets personnels du patient décédé et conduite à tenir pour les restituer ;

• clôture du dossier administratif au bureau de l’état civil et des frais de séjour avec remise d’un document de situation pour la Sécurité sociale et la mutuelle.

→ Recueil des souhaits du patient décédé et de sa famille :

• possibilité d’un transfert sans mise en bière (dans les quarante-huit heures suivant le décès, au domicile du patient décédé, au domicile d’un membre de sa famille ou dans une chambre funéraire) ;

• organisation des obsèques (choix d’une inhumation ou d’une crémation) ;

• organisation d’un don du corps à la science à l’école de chirurgie ou à la faculté de médecine. Dans ce cas, l’original de la carte de donateur sera récupéré (aucun don ne sera possible si le patient n’était pas en possession de sa carte de donateur). En cas d’obstacle médico-légal ou de contagion, le don ne peut avoir lieu et la famille devra s’occuper des obsèques ;

• organisation d’un éventuel don de cornées ou de tissus afin de mettre les proches en relation avec la coordination hospitalière de prélèvements d’organes et de tissus ;

• organisation d’un contrat d’obsèques ou de conventions obsèques.

→ Explications de ce que va faire l’hôpital, de ce que va devoir faire la famille et de ce que devra faire la société funéraire.

→ Information du fonctionnement de la chambre mortuaire selon le règlement intérieur :

• les possibilités de recueillement auprès du patient décédé s’effectuent durant les heures d’ouverture de la chambre mortuaire (fréquence, durée de présentation, nombre de personnes, risques en cas de visites multiples et trop longues selon la pathologie et l’état de la personne…) ;

• les différents rituels et la possibilité matérielle ou pas de les organiser au sein de la chambre mortuaire (toilette rituelle, bénédiction, prières…) ;

• le délai raisonnable de présence dans la chambre mortuaire ;

• l’habillage du patient décédé, effectué par les agents de la chambre mortuaire sauf si un soin de conservation est demandé par la famille. Dans ce cas, le thanatopracteur assurera cette prestation (dans tous les cas, il faudra que la famille apporte des vêtements au sein de la chambre mortuaire) ;

• la mise en bière (installation du patient dans son cercueil) ;

• l’organisation du jour de la fermeture du cercueil et du départ avec la société funéraire. Un temps de recueillement sera organisé au préalable (en règle générale trente minutes), avec la possibilité d’effectuer un rite ou une coutume religieuse. La présence d’un officier de police pour la pose des scellés à la fermeture du cercueil sera nécessaire si le corps du défunt doit quitter la commune de décès sans la présence de la famille ou pour une crémation.

4. ENGAGEMENTS ÉTHIQUES

Depuis plusieurs années, une véritable professionnalisation des agents de service mortuaire a eu lieu. Elle s’est imposée naturellement pour faire évoluer une profession méconnue mais essentielle à la prise en soins des patients décédés et à l’accompagnement des proches. À ce jour, 80 % des professionnels exerçant en chambre mortuaire sont formés et 100 % d’entre eux ont fait le choix d’y travailler. La charte éthique des soignants en chambre mortuaire a été conçue en 1998 dans le cadre du groupe de réflexion et de recherche « éthique et chambre mortuaire » de l’espace éthique/AP-HP, puis réactualisée et approuvée en 2010. Ce document (lire encadré p. 49) dicte une ligne de conduite dans la continuité des soins que chaque professionnel s’engage à respecter : « L’intervention des professionnels des chambres mortuaires relève des valeurs de l’hospitalité, de la solidarité et de la sollicitude. Disponibles, à l’écoute des attentes et des demandes qu’ils respectent, ils mobilisent leurs compétences, accordent leur attention et consacrent leurs soins aux défunts accueillis pour ce temps essentiel au terme de la vie. »

1- « La mort à l’hôpital », Françoise Lalande et Olivier Veber, Inspection générale des affaires sociales, 2010. Consultable sur : bit.ly/2G5tSoKselon

2- Circulaire ministérielle n° DH/ FH3/ n° 97-520 du 23 juillet 1997.

3- Lire l’article « Navigation entre la vie et la mort », L’Infirmière magazine, n° 360, p. 62

CHAMBRES MORTUAIRES, AP-HP

Les engagements de l’équipe

→ Assumer ses responsabilités dans l’esprit des missions de service public confiées à l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris.

→ Appliquer les principes et les valeurs éthiques des professionnels de santé dans le contexte spécifique de leurs missions et de leurs pratiques.

→ Respecter le défunt dans sa personne, sa dignité, ses droits et les volontés qu’il a exprimées.

→ Témoigner à l’enfant mort-né et à ses parents une considération dans l’accueil, le respect du corps et les conditions de son devenir.

→ Initier et favoriser dans l’accueil des familles et des proches une relation d’écoute et de soutien.

→ Préserver les principes d’humanité, de dignité, les règles et les bonnes pratiques dans l’exercice des missions médicales et scientifiques.

→ Prendre en considération et accompagner, dans le cadre du respect de la laïcité, les choix des familles et des proches pour les célébrations et les rites funéraires auxquels ils sont attachés.

→ Tenir à disposition des familles, et leur dispenser dans la transparence et la neutralité, les informations nécessaires relatives aux opérateurs funéraires.

FICHE RÉCAPITULATIVE POUR PRÉPARATION DE CORPS

→ L’avis d’aggravation est envoyé.

→ La famille est prévenue du décès par le service de soins. Si la famille ne peut être jointe, prévenir le bureau de l’état civil (ou admissions) qui entreprendra des recherches.

→ Le médecin indique sur la fiche individuelle « Le décès paraît réel et constant » suivi de la date, de l’heure, de la signature du médecin et de la mention « famille prévenue ».

La fiche est envoyée immédiatement aux admissions.

→ La préparation du corps (toilette mortuaire) est effectuée : fermeture des plaies ; retrait du matériel invasif (sondes, cathéters…) ; fermeture des yeux (cotons humides) et de la bouche (drap roulé sous le menton) ; prothèses dentaires à laisser en place.

→ Le bracelet d’identification du set de décès est fixé au second poignet. Il mentionne le nom, le prénom, la date et l’heure du décès. Ces informations sont écrites manuellement.

→ Le corps est enveloppé dans un drap : le drap est fermé au niveau des pieds uniquement, pas au niveau de la tête.

→ La fiche d’identification est collée sur le drap mortuaire et est renseignée.

→ La tête de la personne est maintenue découverte.

→ Un second drap est disposé sur le corps.

→ La chambre est rangée.

→ Deux chaises sont disposées autour du lit pour recevoir la famille.

→ Il est procédé à l’inventaire des biens de la personne. La liste de tous les effets, bijoux et valeurs recensés est portée sur le registre des inventaires du service. Aucun bijou ne doit subsister sur le corps.

→ Les bijoux d’une part, les papiers d’autre part, sont déposés dans deux enveloppes distinctes et remises au régisseur ou admissions.

→ Les vêtements et objets divers sont mentionnés sur le registre des inventaires du service, puis disposés dans un sac vestiaire.

Ce sac, accompagné du registre des inventaires, sera porté à la chambre mortuaire durant la journée où un inventaire contradictoire sera réalisé.

→ Aucun objet ou bien appartenant à la personne n’est remis directement à la famille.

→ La fiche d’information concernant les démarches administratives est donnée à la famille.

→ La sortie du malade est enregistrée sur le dossier administratif Orbis.

NB : On évitera d’utiliser un sac poubelle pour emballer les vêtements, ce qui peut être mal vécu par les familles. Il pourrait de plus être jeté malencontreusement.