L'infirmière Magazine n° 392 du 01/04/2018

 

ÉDITORIAL

Hélène Trappo  

Rédactrice en chef

Crainte de se voir dépouillés de certaines prérogatives, d’un amoindrissement du pouvoir médical, de soins au rabais… Le premier jet du décret tant attendu sur l’infirmière en pratique avancée (IPA) suscite chez certains médecins de vives réactions. Pourtant, le texte reste prudent dans la lettre. Pas de mot qui fâche comme celui de « consultation », auquel on a préféré celui d’« entretien ». L’expression « sciences infirmières » y est également absente, même si l’on précise que « l’infirmière de pratique avancée participe à des travaux dans le champ des sciences contribuant à l’exercice infirmier ».

Cette aversion à appeler un chat un chat, les organisations infirmières n’ont pas manqué de la relever, à l’image du Collège infirmier français (Cif) auquel le projet de décret laisse « un goût amer et d’inachevé ». Côté syndical, c’est la levée de boucliers, le Sniil dénonçant « un énorme marché de dupes ». Ces vives réactions de part et d’autre de ce que l’on pourrait appeler une ligne Maginot nous enseignent deux choses. Elles sont d’une part révélatrices de la difficulté, en France, à penser autrement les coopérations interprofessionnelles. Il faudra encore du temps et beaucoup de pédagogie, de volontarisme de la part des pouvoirs publics et des acteurs du système de santé convertis, pour sortir d’une conception passéiste. Elles confirment, d’autre part, que la profession infirmière est plus que jamais décidée à défendre sa spécificité, sa singularité et revendiquer son autonomie. Alors, aussi imparfait soit-il, ce futur décret constitue, malgré tout, un pas en avant. Reste à espérer, au rythme où vont les législations, que sa révision, déjà évoquée, ne traînera pas autant que celle du décret d’acte, toujours en stand-by…