Les étudiants en médecine, kinésithérapie, odontologie, maïeutique, pharmacie et en soins infirmiers s’investiront, dès la rentrée 2018, dans des interventions de prévention hors des lieux de soin. Un dispositif qui n’a pourtant rien de neuf.
Le ministère l’a annoncé le 26 février : un service sanitaire obligatoire sera mis en place à la rentrée prochaine pour les 47 000 étudiants en santé.
Le rapport du Pr Loïc Vaillant, ancien président de l’université François-Rabelais de Tours (Indre-et-Loire), précise les contours de ce dispositif, réparti sur une durée de trois mois à mi-temps – soit six semaines à temps plein ou 60 demi-journées, éventuellement étalées sur deux années de formation. Il couvrira « le temps de formation préparatoire à cette action, le travail personnel des étudiants y afférent, la réalisation de l’action, le retour d’expérience encadré »(1)
Le dispositif devra donc être inclus dans les maquettes de formation actuelles et nécessitera de modifier différents arrêtés et règlements.
En ce qui concerne les étudiants en soins infirmiers, les textes devront être adaptés d’ici le mois de juin, afin que les interventions se déroulent sous la forme de stages non cliniques et donc, en l’absence physique du référent professionnel. Le rapport préconise même un double encadrement « par un référent de proximité présent dans chaque lieu de stage et un responsable pédagogique de formation rattaché à l’université ou à l’institut de formation ».
La Fnesi(2) se dit satisfaite de constater que le dispositif se fonde sur des enseignements très largement présents dans le programme actuel des études en soins infirmiers. « Mais nous sommes un peu inquiets, ajoute Ludivine Gauthier, sa présidente. Les ESI sont les plus nombreux et répartis dans tout le territoire. Sera-t-il vraiment possible de bénéficier de l’interprofessionnalité annoncée pour ce dispositif ? »
Le service sanitaire sera d’abord réalisé en milieu scolaire – la France comptant plus de 51 000 écoles, l’environnement présente l’avantage d’un grand nombre de lieux de stage potentiels – puis développé dans les universités, entreprises, Ehpad… Dans les Ifsi, de nombreuses actions existent déjà. À Dunkerque (59) ou à Tours par exemple, des séances de prévention en milieu scolaire sont déjà élaborées par les étudiants « comme dans beaucoup d’Ifsi depuis la refonte du programme en 2009, note Solange Vasselon, formatrice à l’Ifsi de Villeneuve-Saint-Georges (94). Dans notre établissement, les 2e année interviennent dans une quinzaine de classes du département voisin, avec une étude de la population, une évaluation des besoins, la construction d’outils pédagogiques, la fixation d’objectifs en collaboration avec les instituteurs… Nous cumulons soixante-cinq heures, ce qui est loin de l’objectif évoqué dans le rapport. » Ce qui l’interroge : « Ce que nous avons déjà mis en place sera-t-il inclus dans le dispositif ou faudra-t-il le supprimer pour bâtir autre chose ? Ce service sanitaire conduira-t-il à diminuer d’autres temps de stage ou à allonger la durée globale des études ? »
Selon Loïc Vaillant, interrogé par Europe 1, « il s’agira d’utiliser ce qui existe déjà, en le formalisant et en l’intégrant au cursus. Et de le faire de façon ordonnée et coordonnée. » Ludivine Gauthier espère, pour sa part, que les initiatives pourront être valorisées et traduites en ECTS. « Intégrées dans ce dispositif, des actions comme l’Hôpital des nounours ou la Semaine du bien-être pourraient être mieux reconnues », espère-t-elle.
2- La Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers.
À Nice, les ESI de 2e année interviennent, depuis deux ans, dans 44 classes d’écoles primaires. Une action mise en place à la demande du rectorat, et notamment grâce à Myriam Leclaire et Philippe Laurent, formateurs de l’Ifsi Croix-Rouge française. « Quand nous avons créé ce dispositif, nous avons vite saisi le double intérêt d’apporter nos compétences dans les écoles et de bénéficier de l’expérience pédagogique des enseignants », observe Sandrine Buston, directrice de l’Ifsi. En partenariat avec le département de santé publique du CHU de Nice et en collaboration avec les professeurs des écoles, les étudiants, répartis en binômes, préparent l’action au cours du 3e semestre. « Ils rencontrent les professeurs, compilent les données probantes, se forment à la pédagogie et à la santé publique. » Et les ESI animent au 4e semestre cinq séances d’une demi-journée auprès d’enfants dans des écoles volontaires. Les thèmes, qui sont choisis par le rectorat et rediscutés chaque année, évoquent la prévention des accidents domestiques, les gestes de premiers secours, l’hygiène des mains et bucco-dentaire. L’exercice relève des UE santé publique, soins éducatifs et préventifs, encadrement des professionnels de soins, soins éducatifs et formation des professionnels. Il est validé grâce à la réalisation de trois dossiers en santé publique, le retour d’expérience et l’évaluation de l’action de promotion de santé.