EXERCICE PLURI-PROFESSIONNEL
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Les maisons de santé pluri-disciplinaires (MSP) se multiplient et font preuve d’efficacité dans les territoires. Mais les équipes doivent encore apprendre à se structurer.
De quelques-unes il y a dix ans à 1 031 lors du dernier comptage, en janvier 2018, et sans doute le double d’ici cinq ans, les maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) transforment l’offre de soins des territoires. « Elles traduisent le souhait d’améliorer les conditions de travail et la qualité des pratiques pour répondre aux besoins des patients dont les pathologies se complexifient. Elles révèlent aussi l’envie de structuration des équipes pour garantir l’accès aux soins et aux bons professionnels au bon moment », résume Pascal Gendry, président de la FFMPS(1), dont il a fêté les 10 ans lors des journées annuelles, les 9 et 10 mars, à Nantes.
Les MSP seraient-elles plus performantes que l’exercice isolé ? Une campagne d’évaluation approfondie, entamée par l’IRDES(2) et dont les résultats définitifs sont attendus pour 2021, permet déjà de dégager deux valeurs ajoutées des MSP par rapport à l’exercice standard : une augmentation très nette du nombre de patients suivis pour le même nombre d’heures de soins et une meilleure qualité des soins et des services. Autre bon point : l’implantation de certaines structures a permis d’amoindrir la dégradation de l’offre de soins, voire d’améliorer la démographie médicale.
L’enquête a toutefois révélé une profonde hétérogénéité des structures : composition disparate de l’équipe avec la présence ou non d’un coordinateur ou bien d’une d’infirmière, degré de maturation inégal… « Une différence liée aussi à l’implication financière des pouvoirs publics », analyse Céline Fournier, chercheuse à l’IRDES. Autre constat : l’exercice pluri-professionnel, qui prévaut dans les MSP, « s’accompagne d’un choc culturel, reconnaît la chercheuse. On passe d’un exercice individuel à un exercice collectif. On ne répond plus juste aux demandes des patients mais à la population d’un territoire. » Conséquence : le rôle du coordinateur est devenu central. « Il nous reste à donner un vrai statut à ce poste », modère Pascal Gendry.
L’intégration des infirmiers Asalée(3) est aussi vécue comme un plus. Elle permet de développer de nouvelles pratiques et d’accueillir des activités salariées. Toutefois, si le gouvernement prévoit de créer 100 équivalents temps-plein supplémentaires(4), seul un tiers des MSP bénéficient à ce jour de leurs services. Enfin, la consolidation de la pratique pluri-professionnelle passe par la résolution des difficultés techniques liées à l’utilisation des systèmes d’information (SI) partagés de santé. Une mission que la FFMPS s’est fixée pour la prochaine décennie.
1- Fédération française des maisons et pôles de santé.
2- Institut de recherche et documentation en économie de la santé.
3- Asalée (action de santé libérale en équipe) est un protocole entre médecin et infirmier, qui transfère des compétences à un infirmier pour certains actes.
4- Mesure annoncée par Agnès Buzyn, ministre de la Santé, dans le cadre du plan d’accès aux soins.
Comment mieux former les professionnels de santé pour qu’ils se connaissent et apprennent à travailler ensemble ? Un atelier était consacré à ce thème lors des journées de la FFMPS.
« On ne connaît pas le rôle de chacun. Quand on est néo-diplômé, on n’est pas en capacité d’orienter le patient », déplore Lucie Léon, vice-présidente de la Fnesi, qui relance le débat de la place des interventions pluri-professionnelles dans les cursus. « On aimerait que chaque institut de formation puisse travailler ensemble », appuie Clémence Guilhéry, présidente de l’Association nationale des étudiants en psychomotricité (Anep). Objectifs ? Mieux comprendre les compétences de chacun, apprendre à communiquer en parlant le même langage… Mais faute de cursus pluri-professionnel, les établissements de formation bricolent dans leur coin. L’université de Lille organise, durant six jours par an, un séminaire entre étudiants en pharmacie, sages-femmes, futurs infirmiers et internes en médecine générale. « On fait venir des patients qui parlent de leur parcours de soins et les étudiants doivent plancher pour monter un projet pluri-professionnel. Ils sont toujours emballés », rapporte Denis Deleplanque, professeur associé à Lille. Mathieu Noiret, kinési-thérapeute en MSP dans les Landes, accueille souvent des professionnels en stage.
« Rien de mieux que le terrain pour démystifier les autres professions et voir quelles compétences peuvent être mutualisées », confirme-t-il. Renforcer la présence de stagiaires dans les maisons de santé universitaires, organiser des journées portes-ouvertes dans les MSP, favoriser la participation des étudiants aux groupes de pairs… telles sont les pistes évoquées pour accompagner l’essor de la pratique pluri-professionnelle.