Des chercheurs australiens ont montré l’apparition d’une tolérance limitée à l’alcool chez « Enterococcus faecium », une bactérie responsable d’infections nosocomiales.
L’antibiorésistance est un enjeu majeur de santé publique, responsable de 13 000 morts par an en France. Mais un autre phénomène vient d’être mis en évidence par des microbiologistes de l’université de Melbourne, en Australie : la tolérance de certains germes à l’alcool. Leurs travaux, parus sur la plateforme de prépublication bioRXiv(1), portent sur Enterococcus faecium, une bactérie responsable d’infections nosocomiales parfois multirésistantes.
En examinant 139 échantillons prélevés entre 1997 et 2015 dans deux hôpitaux de Melbourne, les chercheurs ont montré que les souches plus récentes étaient dix fois plus tolérantes à l’alcool que les autres. L’utilisation d’une solution hydro-alcoolique (SHA) très diluée (isopropanol à 23 %) limite la portée de ces résultats, mais il est clair que les entérocoques ont évolué au fil des années. « C’est le principal résultat de cette étude », estime Philippe Glaser, microbiologiste à l’Institut Pasteur, qui précise que la tolérance à l’alcool a été peu étudiée.
Une tolérance a aussi été mise en évidence chez une bactérie non pathogène (Clostridium thermocellum) et des recherches existent pour produire des E. coli résistantes dans l’industrie pétrolière, mais aucune résistance n’a été montrée au-delà de 10 % d’alcool.
Le Dr Pierre Parneix, président de la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H), se veut rassurant et critique le « bad buzz » autour d’une étude en cours d’évaluation. « Aucune des souches testées n’était résistante à une concentration d’alcool que l’on peut trouver dans une SHA », explique-t-il. Au taux normal de 70 % d’isopropanol, la réduction bactérienne était même mille fois supérieure à la norme.
« On est sur des marges énormes : on ne peut pas dire que la tolérance à l’alcool soit une perspective immédiate », assure-t-il. Et si l’augmentation des infections à entérocoques est avérée, il faudrait y voir une amélioration des dépistages plutôt qu’une tolérance à l’alcool.
En tout état de cause, la friction hydro-alcoolique reste la clé de voute dans la prévention des infections nosocomiales. « Il y a encore une défiance des professionnels, qui se demandent si c’est bien efficace et non dangereux », déplore Pierre Parneix, qui rappelle que la friction est plus efficace que le lavage des mains et que la qualité des SHA est désormais très contrôlée.
1- À consulter sur : bit.ly/ 2FlVnOE