Pourquoi un tel décalage entre théorie et pratique ? - L'Infirmière Magazine n° 392 du 01/04/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 392 du 01/04/2018

 

FORMATION

SUR LE TERRAIN

Lors de ses interventions, en intra ou en extra-hospitalier, l’équipe mobile de soins palliatifs (EMSP) constate des décalages entre ses propres repères et les demandes et usages des soignants et patients. Le point sur les constats et réflexions qu’ils suscitent.

1. DES DEMANDES DE SÉDATION EN AUGMENTATION

À l’initiative des personnes malades

Le terme « sédation » n’est pas connu de tous les patients, qui vont parfois utiliser d’autres mots pour exprimer leur souhait d’être « déconnectés » de la réalité, de « ne pas vivre la déchéance ». Les demandes de sédation émanant de personnes malades sont entendues dans plusieurs situations :

- demande « par dépit », lorsque le souhait d’euthanasie est décliné : « Je ne veux pas vivre la déchéance. Je comprends que vous ne puissiez pas faire une euthanasie, c’est interdit. Mais vous pouvez me faire une piqûre pour dormir. » Cette ambiguïté entre faire une piqûre pour dormir et faire une piqûre pour mettre un terme à la vie est ressentie et exprimée par certains patients.

- demande adressée au médecin, car le patient estime que ce dernier ne peut le guérir.

- demande pour symptômes gênants. Elle survient après l’information du patient sur la possibilité de mettre en œuvre la sédation en cas de symptômes gênants, impossibles à soulager par d’autres moyens. Ainsi, un patient ne pouvant pas enlever sa VNI (ventilation non invasive) plus de vingt minutes sans ressentir une dyspnée importante et n’acceptant pas de vivre dans ces conditions, nous a questionnées sur ce que l’on pouvait lui proposer, en dehors d’une euthanasie, pour arrêter la VNI sans mourir en ressentant l’étouffement. Nous l’avons informé sur la possibilité d’une sédation et ses modalités. Il a dès lors demandé le retrait de la VNI et la mise en œuvre d’une sédation dans les plus brefs délais, tolérant mal notre besoin de temps pour « passer à l’acte ».

Venant des proches face à l’intolérable

Les proches accompagnant une personne malade en phase avancée sont bien souvent profondément affectés par la situation dramatique qu’ils vivent. Témoins des changements physiques et/ou psychiques que la maladie et les traitements entraînent, confrontés à l’insupportable, certains veulent « faire quelque chose pour que ça s’arrête », parce que « c’est intolérable de le voir souffrir comme ça ». Le sommeil peut apparaître comme un repos bienfaiteur, apaisant, avant le « repos éternel ». Une fin de vie qui serait sereine, tranquille, rassurante. Ces demandes de sédation sont bien légitimes face à une situation intolérable. Pour autant, une sédation peut-elle rendre la mort plus facile à accepter ?

Les proches peuvent se poser en garant des volontés de la personne malade, souhaitant faire en sorte que ses volontés, exprimées par le passé ou supposées, soient respectées. « Il n’aurait pas voulu finir comme ça », a pu nous expliquer un fils accompagnant son père, intellectuel, actif et volontaire, aujourd’hui confus, cachectique et grabataire. La mise en place d’un traitement le faisant dormir renvoie à l’image de confort et de fin de vie sereine.

De la part des professionnels, des demandes pas toujours réfléchies

Nous entendons parfois des demandes de sédation de la part de professionnels, pour une personne malade présentant des manifestations physiques et/ou psychiques perçues comme inconfortables : « pour son bien », « dans son intérêt ». La demande de sédation n’est pas toujours discutée avec le patient. Les symptômes dits « gênants » ne font pas forcément l’objet d’une réflexion concernant leur étiologie et les moyens à mettre en œuvre pour les gérer au mieux. Quant au recueil du ressenti du patient, il est bien souvent absent et difficile à envisager pour les équipes soignantes. Ce sont souvent l’avis et le souhait des proches qui sont recherchés et pris en compte.

La sédation est parfois pensée comme moyen d’anticiper des symptômes qui ne sont pas encore présents, par des professionnels soucieux d’épargner à la personne malade une souffrance supposée certaine. Ainsi, des soignants ont pu demander à l’équipe mobile de soins palliatifs de mettre en œuvre une sédation pour un patient auquel on venait de diagnostiquer un cancer du foie évolué. Une demande argumentée par : « Il ne faut pas qu’il se rende compte de ce qui va lui arriver. »

De fait, on a pu observer la mise en place d’un traitement par Midazolam, à doses variables et souvent en augmentation progressive, à l’initiative médico-soignante, sans recherche d’alternatives spécifiques aux symptômes observés. La vigilance du patient est donc affectée sans que celui-ci ait pu donner son avis sur la situation et les possibilités thérapeutiques. Bien souvent, avec une intention positive de la part des équipes soignantes, qui veulent agir « dans l’intérêt du patient », « pour son bien », « pour qu’il ne se rende pas compte ». Ces situations sont, dans la majorité des cas observés, pour des patients dont la maladie est évoluée, avec un pronostic vital engagé dans un délai évalué à moyen ou court terme.

Par ailleurs, lors du remaniement de la loi Leonetti, « la sédation profonde et continue » a été présentée dans les médias généralistes comme une sédation terminale. Les conditions et le contexte de mise en œuvre de cet acte de soin étant peu développés, la compréhension de la visée de la future loi Claeys-Leonetti s’en est trouvée altérée. Pour certains soignants, cette avancée allait permettre d’apporter une solution aux situations complexes puisque « les malades auront droit à la sédation finale » et que « tous les malades y auront droit ». Nous pressentions alors une confusion entre sédation et acte venant accélérer la fin de vie, voire acte d’euthanasie.

2. USAGE ET MÉSUSAGE DU MIDAZOLAM EN FIN DE VIE

Une question de pratiques et de représentations ?

En croisant nos expériences « sur le terrain », nous faisons le constat d’une majoration de l’utilisation du Midazolam(1) qui, pour les professionnels, permet d’apaiser en cas d’angoisse, faire dormir en cas d’agitation psychomotrice, de ne pas souffrir (sans distinction clairement établie entre souffrance psychique et douleurs somatiques), et de ne pas ressentir la gêne de certains symptômes… Une molécule qui semble être un peu la réponse à tout. Ainsi, un médecin explique avoir mis en place du Midazolam afin de soulager un patient présentant des douleurs de type neuropathiques plutôt que de suivre la proposition faite par l’EMSP d’introduire du Rivotril, prétextant qu’il connaît mieux le Midazolam et que le Rivotril n’a pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour traiter ces douleurs. Il ajoutera que : « Puisque le patient dormira, il n’aura pas mal. » Pourquoi, en fin de vie, le Midazolam est-il considéré comme le traitement de tous les maux ? Y a-t-il un mésusage du produit par méconnaissance ? Y a-t-il une représentation du Midazolam qui serait la réponse à tous les symptômes gênants en fin de vie ?

Une question de sémantique ?

Nous nous trouvons fréquemment confrontées à un problème de sémantique. En tant que professionnelles de soins palliatifs, nos repères concernant l’anxiolyse et la sédation nous donnent une représentation précise de ces deux actes de soin. Lors de nos échanges avec les équipes de première ligne, nous constatons que le terme « sédation » peut être employé pour parler de ce qui, pour nous, est une anxiolyse, et inversement. La différence entre ces deux actes de soin ne semble pas toujours bien cernée, et les modes de prescription nous semblent souvent plus aléatoires et instinctifs que fondés sur des critères objectifs. Un de nos médecins, face à notre difficulté à identifier l’acte de soin visé par l’introduction de Midazolam, le choix de la dose et l’évolution de celle-ci dans le temps, a inventé le mot « hypnovellisation »(2) pour parler de cet usage du Midazolam en marge de nos propres repères.

Une question de temporalité ?

Dans notre pratique, nous sommes confrontées à une difficulté en lien avec la temporalité :

- La temporalité, pour nous, nécessaire à l’analyse des situations toujours singulières afin de cerner les problématiques et les moyens adéquats à mettre en œuvre en vue d’apporter le meilleur confort possible à la personne malade.

- La temporalité des équipes médico-soignantes prenant en soin la personne malade, désireuses de trouver une solution aussi rapide qu’efficace pour gérer les problématiques (gérer les symptômes), dans l’intérêt de tous.

- La temporalité du patient dans une situation intolérable psychologiquement et physiquement.

- La temporalité des proches dans l’attente d’un acte médical pour apaiser une situation jugée intolérable.

Y a-t-il une prise de conscience de chacun de ces différentes temporalités ? Comment concilier la temporalité de tous ces acteurs ?

3. UNE DÉMARCHE RÉFLEXIVE ÉVINCÉE

L’utilisation du Midazolam nous apparaît, dans certaines situations, peu soumise à un questionnement en termes d’objectifs, de posologie et de suivi dans le temps.

Dans un contexte de limitation ou d’arrêt de traitement

Dans certains services, un traitement associant morphine et Midazolam est parfois mis en place quand il n’y a plus de solution thérapeutique curative envisageable, parce qu’« on ne peut plus rien faire », qu’« il va mourir ». L’arrêt des traitements de maintien en vie est associé à l’instauration d’un traitement par morphine et Midazolam, en l’absence de symptômes gênants, sans concertation avec le patient ni mise en place d’une procédure collégiale, comme le prévoit la loi (lire p. 42). Une équipe nous a confié pratiquer ainsi, dès lors qu’un patient avait exprimé son souhait « de ne pas s’acharner » et de ne pas remettre en place un traitement pour son insuffisance cardiaque récidivante.

Les habitudes de service

L’association faite entre la fin de vie et le Midazolam se traduit dans certains services par un recours à ce produit de manière systématique, à doses variables et pas vraiment calculées, sans qu’un lien soit établi avec une problématique douloureuse ou anxieuse. Alors que nous questionnions un interne sur le motif qui avait conduit à la prescription de Midazolam pour un patient en fin de vie que nous suivions, celui-ci nous avait répondu : « Mais tout le monde, ici, meurt avec du Midazolam.  » Une forme de norme établie et non questionnée.

La réévaluation de l’indication d’une sédation

Nous avons pu aussi questionner des équipes sur le maintien de Midazolam à dose sédative, instauré lors d’un épisode aigu, alors que les éléments cliniques le justifiant n’étaient plus présents. Ce fut le cas d’un patient présentant une démence d’origine neurologique, souffrant d’une pneumopathie réversible sous traitement mais dont l’agitation psychomotrice à son arrivée aux urgences ne permettait pas la mise en œuvre du traitement. L’indication de la sédation réalisée dans ce contexte n’a pas été réévaluée durant les jours qui ont suivi.

4. ANTICIPER ET TRANSCRIRE UNE DÉCISION DE SÉDATION

Anticiper les situations aiguës à risque vital immédiat

Notre réflexion se poursuit à travers une situation qui a eu lieu avant le vote de la loi Claeys-Leonetti. Nous n’en reprendrons que les éléments pouvant nourrir notre questionnement. M. C. est atteint d’un cancer pulmonaire en phase avancée, avec des difficultés respiratoires majeures. Conscient du diagnostic et du pronostic de sa maladie, épuisé physiquement et moralement, il demande la mise en place d’une sédation, en s’appuyant sur la loi Leonetti. Après plusieurs échanges et avis médicaux, il s’avère que M. C. est en phase terminale de sa maladie. De plus, l’assistance respiratoire indispensable est mal supportée et mal vécue. Il réitère sa demande de sédation devant son épouse. Après concertation entre les équipes de soins et l’EMSP, il est décidé d’une prescription anticipée de sédation si une détresse respiratoire survient.

Malgré la procédure collégiale, une infirmière, qui n’a pu y participer, exprime ses interrogations sur la mise en place de la sédation. Plusieurs thématiques ressortent de ses questions :

- son idéal soignant : « J’ai choisi cette profession pour aider l’autre à mieux vivre, pour guérir, pas pour… », « Comment peut-on parler, alors qu’on est soignant, de faire partir un être humain ? » ;

- sa morale : « Comment peut-on endormir quelqu’un en se disant qu’il n’y aura pas de réveil ? » ;

- sa responsabilité : son évaluation clinique pour juger d’une détresse respiratoire et de la nécessité de mettre en œuvre une sédation est-elle juste ? Est-elle dans l’obligation de le faire ? Dans des situations où un risque d’hémorragie ou de dyspnée majeure était identifié, une prescription anticipée de conduite à tenir avec sédation n’a pas pu dépasser le stade de la réflexion, laissant l’équipe soignante et l’interne de garde en grande difficulté lors de ces épisodes aigus, face à des patients et proches en situation de grande souffrance. Alors que les échanges verbaux entre l’équipe référente et l’EMSP avaient permis de valider la conduite à tenir, le passage à l’écrit ne s’est pas fait. Y a-t-il une difficulté particulière à tracer dans les dossiers de soins le fruit d’une réflexion et d’une décision ?

Traçabilité dans le dossier de soins

Nous constatons fréquemment l’utilisation de Midazolam avec un effet sédatif dans les situations de fin de vie. Quand nous recherchons les éléments qui ont conduit à cette prescription (les symptômes, l’objectif visé), nous ne trouvons généralement pas dans le dossier de soins d’informations à ce sujet. Les soignants peuvent parfois nous donner quelques informations, mais pas toujours précises : « Il était angoissé, ça doit être pour ça », « Il était agité et il gémissait, on ne pouvait pas le laisser comme ça. »

5. LE REGARD D’UNE ÉQUIPE DE SOINS PALLIATIFS

Comme nous avons pu le contater dans notre pratique et par ce travail, il existe un décalage entre nos repères de professionnels de soins palliatifs et les pratiques observées concernant le recours à une sédation. Nous avons identifié quelques facteurs qui peuvent expliquer ce décalage.

Le développement de compétences spécifiques

Les acteurs en soins palliatifs développent différents types de compétences.

→ Les compétences axées sur la démarche clinique :

- le recueil d’informations, dans une approche globale et contextuelle, de sources d’inconfort auprès de la personne malade, des proches et des professionnels impliqués ;

- la recherche, au travers de discussions collégiales et pluridisciplinaires, des causes possibles de l’inconfort et des moyens (médicamenteux ou non) à mettre en œuvre pour apporter le meilleur soulagement possible ;

- l’évaluation et le réajustement des actions mises en œuvre.

La personne malade étant la plus à même de faire part de son vécu, le maintien de la communication avec elle est essentiel.

→ Les compétences axées sur le soin relationnel. Cela permet une écoute, un accompagnement et un soutien de la personne malade et ses proches, notamment face à la souffrance psychique et existentielle.

→ La connaissance des droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. En lien avec leurs missions spécifiques et leur rôle de conseil, les professionnels des équipes de soins palliatifs ont une connaissance approfondie du cadre législatif et des recommandations de bonnes pratiques de la sédation validées par la Haute Autorité de santé (HAS).

→ La pratique réflexive. Différents facteurs peuvent avoir un impact sur la pratique soignante : l’idéal soignant, les représentations de la mort ou encore les mécanismes de défense. L’identification et l’analyse de ces facteurs permettent d’amener les soignants à un questionnement sur leurs pratiques. Pour les équipes de soins palliatifs, la connaissance de ces éléments et le travail en équipe pluridisciplinaire favorisent cette prise de recul constante.

→ La pratique de la réflexion éthique. L’éthique est un fondement de la démarche palliative. La réflexion éthique entre particulièrement en jeu dans les situations complexes et demande une certaine temporalité pour trouver la meilleure prise en soins possible pour le patient et ses proches. Elle nécessite de réfléchir en pluriprofessionnalité, en prenant en compte tous les éléments de la situation et en étudiant toutes les pistes possibles. Ce travail doit se faire dans un environnement permettant la discussion et le respect de la parole de l’autre. C’est un exercice difficile, qui s’acquiert en le pratiquant et en prenant conscience qu’il met en confrontation la déontologie, la morale et la législation. Par la complexité des situations auxquelles sont confrontées les équipes de soins palliatifs, elles développent une certaine compétence et expertise dans ce domaine.

→ La posture transversale. Elle permet un regard distancié et global sur les situations. Le fait d’être en retrait des soins et du rythme imposé au sein des unités référentes favorise le temps nécessaire à la réflexion. En effet, les équipes mobiles de soins palliatifs ne sont pas soumises aux mêmes pressions institutionnelles que les équipes de soins.

6. CONCLUSION

La sédation est définie de façon précise aussi bien par des recommandations de sociétés savantes que par la loi. Nous avons, malgré tout, fait le constat de représentations très diverses autour de son intentionnalité, de sa mise en œuvre et de la temporalité nécessaire à celle-ci. L’utilisation systématisée du Midazolam dans les prises en charge de fin de vie nous interpelle sur la connaissance ou méconnaissance des indications par les professionnels. Le manque de traçabilité des éventuels questionnements renforce le flou autour des objectifs. Agir ou non sur la vigilance du patient en fin de vie est une décision complexe, source de mise en tension des soignants. Cette complexité peut être l’explication de l’absence ou de la difficulté d’une élaboration collective avant une prise de décision.

Par leurs compétences spécifiques et leur posture transversale, les équipes mobiles de soins palliatifs favorisent et soutiennent la réflexion sur ce sujet sensible qu’est la sédation. Elles sont donc des interlocutrices privilégiées, dans ces situations qui mettent à mal. Cette réflexion nous permet de mettre en évidence l’intéret du travail en collaboration des équipes référentes avec les équipes mobiles dans les situations de fin de vie. Reste à déterminer comment faire pour que les équipes de première ligne perçoivent le bénéfice de l’intervention des équipes ressources dans ces situations…

1 - Nous n’avons pas de repères chiffrés concernant ce constat.

2 - En lien avec le nom du produit utilisé dans les structures où nous intervenons.

CAS CLINIQUE

Une demande non conforme

Mme J. est une jeune femme de 39 ans, dynamique cadre commerciale dans une grande entreprise. Elle a toujours aimé l’activité soutenue dans son emploi, qui l’amène à prendre des décisions importantes et à être en relation avec beaucoup de collaborateurs.

→ Depuis quelques mois, Mme J. est gênée par les fluctuations de sa voix, elle a tendance à la perdre.

→ Dernièrement, lors de sa sortie d’avion à Francfort, elle a été subitement bloquée dans ses mouvements des membres inférieurs, incapable de marcher, chutant devant l’ensemble des passagers et de l’équipage.

→ À la suite de cette chute, Mme J. a été hospitalisée en Allemagne pour bilan, puis rapatriée en France dans un service de neurologie du CHRU. Mme J. continue de travailler quotidiennement sur son ordinateur, par mail, car elle a de plus en plus de mal à communiquer oralement.

→ Il y a deux jours, les deux médecins du service l’ont rencontrée pour lui présenter le diagnostic de la maladie qui la touche : la sclérose latérale amyotrophique. Ils lui ont évoqué le caractère grave, évolutif et incurable de cette pathologie. Pendant deux jours, Mme J. n’a pas cherché à communiquer ni avec les soignants ni avec ses collaborateurs ni même avec son petit ami.

→ Aujourd’hui, Mme J. demande à l’infirmière la possibilité d’être sédatée jusqu’au décès, comme la loi le permet, puisque son pronostic vital est en jeu. Mme J. ne souhaite pas se retrouver « comme un légume » et sans possibilité d’échange ; elle exige que la situation cesse au plus vite. L’infirmière lui propose de voir la psychologue et l’informe qu’elle en parlera au médecin.

RELATIONNEL

L’aide et le soutien aux proches

L’accompagnement et le soutien de la famille sont indispensables. L’informer sur ce qui est en train d’advenir, l’écouter, l’accompagner dans cette épreuve, sera un réconfort pour elle. Il est important de ne pas oublier que l’accompagnement des proches fait partie à part entière de la prise en soins du patient par le soignant et que c’est en utilisant, notamment, différentes techniques de relation d’aide qu’ils pourront les aider dans leurs cheminements.

Le soutien des équipes ressources sera également un élément clé dans cet accompagnement. Dans le cadre d’une mise en œuvre d’une sédation profonde et continue, les temps d’échanges entre le personnel médico-soignant, le patient et les proches vont avoir une place primordiale pour la construction, la compréhension et l’adhésion au soin.

Accompagner c’est aussi laisser la possibilité à chacun d’avoir un espace et du temps nécessaire à l’intellectualisation des événements. Par exemple, la sédation a un impact sur la vigilance du patient et va ainsi empêcher toute communication avec autrui : cette notion primordiale doit être travaillée avec le patient et ses proches, car cela pourrait avoir un impact néfaste dans la poursuite et le vécu du projet de soins.

S’il est important d’expliquer à la famille le projet de soins envisagé, il faut être vigilant au poids donné à son avis. Les proches, sollicités à des moments importants (orientation du projet de soins, arrêt de thérapeutiques spécifiques, etc.), ne doivent pas se sentir responsables de la décision qui sera prise : celle-ci restera médicale. Ce sentiment de responsabilité pourrait avoir des répercussions douloureuses sur le vécu émotionnel des proches.