NUIT EN EHPAD
DOSSIER
En réponse aux appels à projets lancés par les agences régionales de santé, plusieurs Ehpad se regroupent pour partager un poste d’IDE de nuit.
Dès 2013, l’Observatoire national de la fin de vie (ONFV) préconisait le déploiement des postes d’infirmières de nuit dans les Ehpad, à raison d’une IDE pour 250 à 300 places. « La présence ou non d’une infirmière est l’élément ayant l’impact le plus significatif sur les lieux de décès des résidents », notait alors son rapport, chiffres à l’appui. Si 55 % des décès surviennent à l’hôpital quand les Ehpad n’ont pas de poste d’IDE de nuit, ce ratio tombe à 44 % quand une IDE est d’astreinte et à 35 % quand il y a un poste affecté à l’établissement.
Des agences régionales de santé (ARS) ont alors lancé des expérimentations pour multiplier les postes d’IDE de nuit, encore rares. En Île-de-France, dans les Pays-de-la-Loire ou en Auvergne, plusieurs scénarios ont été testés, tous reposant sur le principe de mutualisation d’un poste entre plusieurs Ehpad. Dans le Val-d’Oise, par exemple, l’Adssid(1) a obtenu, en 2013, l’agrément de l’ARS pour créer un poste affecté uniquement à trois Ehpad, qui représentent environ 300 places.
« En début de nuit, chaque établissement nous envoie un fax détaillant les cas particuliers rencontrés dans la journée : des retours d’hospitalisation, un résident diabétique qui a fait une crise d’hypoglycémie, une perfusion à surveiller, etc. », explique Sylvie Le Meur, directrice de l’Adssid. Si l’infirmière organise sa tournée grâce à cette transmission, l’imprévu tient également une place importante dans ses nuits de travail, souvent intenses. « Il n’est pas rare que les aides-soignantes me demandent d’aller voir des personnes qui n’apparaissent pas sur le fax, parce qu’elles ont remarqué quelque chose au moment du dîner ou du coucher », explique Marie Dasylva, IDE de nuit à l’Adssid. En plus de ses deux passages par nuit dans chaque Ehpad, elle prend aussi en charge les urgences. « Il faut prendre les bonnes décisions pour les patients, selon leur dossier et les directives anticipées. Cela implique de réagir vite et de façon autonome, mais avec l’expérience, j’ai pris de l’assurance. En cas de doute, on appelle les médecins du 15 », confie-t-elle.
Le succès du dispositif repose sur la cohésion des personnels : IDE de l’Adssid, aides-soignantes des Ehpad, équipes médicales du Samu et des urgences. « Nous avons rédigé des protocoles que les AS peuvent suivre en attendant qu’on arrive, détaille Marie Dasylva. Et nous fournissons aux patients une étiquette avec notre numéro de téléphone, pour que les équipes hospitalières nous contactent lors de leur sortie. »
Plus de cinq ans après le début de l’expérimentation, le système est désormais bien rôdé. Au point d’être élargi prochainement. L’ARS d’Île-de-France a lancé un nouvel appel à projets fin 2017. En tout, vingt-deux Ehpad franciliens ont pu bénéficier de la présence d’une infirmière de nuit entre 2013 et 2017. Le Gerond’if, qui a mené une étude d’impact, a démontré que ces dispositifs avaient permis d’éviter plus de quatre jours d’hospitalisation par résident. « Nous avons obtenu la création de deux postes, soit cinq équivalent temps-plein, avec le même fonctionnement, mais partagés par quatre établissements. Il est apparu que ce système garantissait la meilleure répartition des soins entre les Ehpad », souligne Sylvie Le Meur.
En Nouvelle-Aquitaine, l’ARS s’est appuyée sur des dispositifs lancés en 2015 dans le cadre du Paerpa(2). « Des infirmières de nuit sont en poste dans quatre Ehpad de Bordeaux qui disposent d’une chambre d’hébergement temporaire d’urgence, disponibles lors d’une période de transition vers le domicile en sortant d’hospitalisation. Ces IDE sont également d’astreinte dans cinq ou six autres établissements aux alentours », détaille Estelle Bremaud, chargée de mission. À Brives (19), c’est le CH qui met une IDE de nuit à disposition des Ehpad avoisinants, pour appuyer les AS en cas de besoin. Fin 2017, l’ARS a lancé un nouvel appel à projets, qui seront concrétisés dans les prochaines semaines. « Vingt-cinq projets ont été validés, c’est-à-dire que plus de 125 Ehpad, sur les 900 que compte la région, auront accès à une infirmière la nuit », se félicite Estelle Bremaud.
1- Association pour le développement des services de soins infirmiers à domicile.
2- Parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie.