Un cadre conceptuel en pleine évolution - L'Infirmière Magazine n° 392 du 01/04/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 392 du 01/04/2018

 

FORMATION

L’ESSENTIEL

Définir la sédation, savoir quand et comment la mettre en place… Les professionnels en soins palliatifs doivent questionner leurs repères, tout en s’appuyant sur les recommandations de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs.

1. DÉFINITION

Selon les recommandations(1), « la sédation est la recherche, par des moyens médicamenteux, d’une diminution de la vigilance pouvant aller jusqu’à la perte de conscience ». Son objectif est « de diminuer ou de faire disparaître la perception d’une situation vécue comme insupportable par le patient, alors que tous les moyens disponibles et adaptés à cette situation ont pu lui être proposés et/ou mis en œuvre sans permettre d’obtenir le soulagement escompté ».

Il semble important de distinguer « les pratiques sédatives » des « pratiques anxiolytiques », car celles-ci correspondent à l’utilisation d’un traitement de la famille des anxiolytiques pour diminuer un état d’anxiété, n’entraînant pas d’altérations significatives de la vigilance. Et, bien que dans les deux cas, le Midazolam (lire encadré p. 41) puisse être utilisé, l’objectif et les dosages diffèrent. Une confusion sur l’intentionnalité peut être observée (lire p. 47), d’où la nécessité, pour les équipes, le patient et les proches, de comprendre l’objectif des thérapeutiques instaurées.

Trois types de sédation

Le groupe de travail sur la sédation mené par la Sfap, en 2017, a déterminé différentes typologies des pratiques sédatives à visée palliative en fin de vie(2) :

→ La sédation transitoire, mise en œuvre durant un temps donné pour, par exemple, réaliser des soins ou un acte entraînant, à chaque fois de façon réfractaire, un inconfort, des insomnies ou des souffrances psychologiques.

→ La sédation de durée indéterminée, potentiellement réversible. Le retour à un état de conscience est possible à l’arrêt des sédatifs. Cette sédation est prescrite lors d’urgences palliatives (situations de fin de vie pour lesquelles il convient d’agir rapidement pour soulager le patient). Il peut s’agir, par exemple, de détresse asphyxique ou hémorragique ou d’agitation terminale.

→ La sédation profonde et continue : maintenue jusqu’au décès, c’est une nouvelle disposition de la loi de février 2016. Elle peut être mise en place dans trois circonstances spécifiques :

- en cas de limitation du traitement de maintien artificiel en vie, décidée collégialement chez un patient incapable d’exprimer sa volonté ;

- soit à la demande du patient, dans le cadre de sa demande de limitation d’un traitement de maintien artificiel en vie ;

- soit à sa demande, si ses souffrances sont réfractaires et qu’il a un pronostic engagé à court terme.

Une cotation sur trois axes

La loi confie la vérification des conditions légales de l’application de ce droit à la sédation à une procédure collégiale associant l’équipe soignante. Chaque décision de sédation est cotée sur trois axes :

→ La durée prescrite : qui peut être transitoire, indéterminée ou maintenue jusqu’au décès.

→ Le niveau de profondeur de la sédation : soit proportionnée, c’est-à-dire de légère à profonde selon le niveau nécessaire pour soulager le patient ; soit d’emblée profonde, pour atteindre et maintenir un sommeil profond : le patient n’est alors pas sensible aux stimulations verbales et tactiles.

→ Le niveau de consentement : non obtenu, obtenu de façon anticipée, obtenu au moment de la mise en œuvre de la sédation, ou la demande exprimée par le patient.

2. MISE EN œUVRE

La Sfap a rédigé, en 2009, des recommandations afin de guider les professionnels dans la réflexion et la mise en œuvre d’une sédation continue. Elles sont actuellement en cours de réactualisation, ce qui devrait entraîner des modifications dans la mise en œuvre, la surveillance et l’évaluation.

Les conditions préalables à la sédation continue

La sédation continue serait à réserver aux patients en phase avancée ou terminale de leur maladie. Dans l’équipe, il convient de questionner l’expérience par rapport à la sédation et de clarifier les intentions.

→ Anticipation du soin dans la mesure du possible :

- en fonction de la situation, recueillir l’avis du patient, de la personne de confiance ou prendre connaissance des directives anticipées (lire p. 42) ;

- échanger en équipe pour recueillir l’avis de chacun, clarifier les intentions et les éventuels conflits ;

- nécessité d’une traçabilité rigoureuse de la réflexion (lire encadré p. 42).

→ Conditions de mise en place de sédation continue :

- nécessité d’une compétence en soins palliatifs dans l’équipe (expérience, formation) ou de l’intervention d’une équipe ressource (EMSP, EADSP(3), etc.) ;

- après discussion pluridisciplinaire, le médecin référent du patient prend la décision de sédation, idéalement avec l’avis d’un médecin compétent en soins palliatifs. Le médecin référent doit aussi s’assurer de la bonne compréhension par l’équipe, le patient et ses proches de l’objectif visé. Le médecin responsable rédige la prescription et doit la réévaluer régulièrement. Lors de l’induction de la sédation, la présence médicale est recommandée.

→ Dans les lieux de vie (domicile, Ehpad, etc.) : l’avis et la validation de l’entourage doivent être recherchés. Les proches ne réalisent pas les gestes techniques de la sédation tandis qu’une présence continue est nécessaire autour du patient sédaté (proches, soignants, bénévoles…).

Les modalités pratiques

→ La préparation d’une sédation : en première intention, on a recours au Midazolam. En cas d’échec, il faut être accompagné par un anesthésiste-réanimateur selon le produit utilisé (propofol, barbituriques…). Pour l’administration : il faut utiliser la voie intra-veineuse ou sous-cutanée ; une présence médicale est recommandée lors de l’induction de la sédation. Face à une situation aiguë avec risque vital immédiat (détresse respiratoire, hémorragie…), l’infirmière peut appliquer la prescription anticipée avant d’appeler le médecin.

→ La titration : le Midazolam est dilué dans du sérum physiologique pour obtenir une concentration de 1 mg/ml.

• Adulte : injection d’1 mg toutes les deux à trois minutes jusqu’à obtention d’un score de 4 sur l’échelle de Rudkin (- 4 sur l’échelle de Richmond).

• Sujet âgé ou fragilisé : 1 mg toutes les cinq à six mi nutes jusqu’à obtention d’un score de 4 sur l’échelle de Rudkin (voir les outils d’évaluation p. 41).

La traçabilité des dosages administrés est indispensable dans le dossier de soin du patient.

→ L’entretien de la sédation :

• Mise en place d’une perfusion de Midazolam en continu, en dose horaire, égale à 50 % de la dose nécessaire pour l’obtention d’un score de 4 sur l’échelle de Rudkin.

• Évaluation de la profondeur de la sédation toutes les quinze minutes la première heure, puis minimum deux fois par jour en stimulant le patient : stimulation par la parole et stimulation par un toucher léger afin d’évaluer le degré et la profondeur de la sédation.

• Adaptation de la posologie du médicament sédatif en prenant en compte différents critères : le degré de soulagement du patient, la profondeur de la sédation avec un score supérieur ou égal à 4 sur l’échelle de Rudkin et l’éventuelle apparition d’effets secondaires.

→ Durant la sédation : surveillance clinique régulière du confort physique et psychique du patient sédaté : hétéro-évaluation de la douleur, observation de signes d’inconfort psychique (agitation, crispation, suspicion d’hallucinations…), contrôle de l’état cutané et buccal, etc.

1 - Selon la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap 3). À consulter ici : bit.ly/2GSSl0d

2 - Voir Sedapall V01, mai 2017 : bit.ly/2iUnANY

3 - Équipe d’appui départementale en soins palliatifs.

PHARMACO

Le Midazolam est un hypnotique, sédatif.

Propriétés :

→ effet sédatif avec une demi-vie courte (de deux à quatre heures) ;

→ caractère hydrosoluble permettant des voies d’administration variées ;

→ caractéristique commune aux benzodiazépines (anxiolytique, hypnotique et myorelaxant) ;

→ quatre critères d’exigence : maniabilité et réversibilité, marge de sécurité thérapeutique, facilité d’emploi, moindre coût.

Des outils d’évaluation

L’ÉCHELLE DE RUDKIN

Elle permet d’évaluer la profondeurde la sédation en réponse à un stimulus.

L’ÉCHELLE DE RICHMOND

Il s’agit d’un outil pouvant aider les soignants dans une hétéro-évaluation au travers d’observations à différents moments du jour et de la nuit (cf ci-dessous).

• Poursuivre les soins de confort et assurer l’accompagnement des proches ;

• Réévaluation des autres traitements en cours (pertinence, utilité, dosage) ;

• Questionnement régulier sur le bien-fondé du maintien de la sédation : pour quel motif la sédation a-t-elle été mise en place ? Est-elle toujours adaptée à la situation ? Faut-il ajuster les dosages du traitement (augmentation ou diminution) ? Le patient sédaté est-il confortable ?

VIGILANCE

L’exigence de traçabilité

Toute sédation profonde, continue et maintenue jusqu’au décès, doit faire l’objet d’une procédure collégiale qui doit être inscrite dans le dossier médical. En effet, cette dernière est obligatoire afin de s’assurer que les conditions d’application sont remplies. Toutefois, la loi n’indique pas sous quelle forme, ni comment cette procédure doit être retranscrite.

→ Outre l’obligation légale, la traçabilité permet aux membres de l’équipe de suivre et comprendre le cheminement de la décision. Mais qu’en est-il sur le terrain ? Quel accès au dossier médical pour le personnel soignant, en particulier au domicile ? Il convient de s’assurer que tous les membres de l’équipe soient prévenus : transmission ciblée dans le dossier de soins, utilisation du cahier de transmissions à domicile, etc.

→ Il semble important d’y inscrire : la raison de la sédation (symptômes réfractaires, arrêt des suppléances vitales), la temporalité et les circonstances de mise en œuvre, les prescriptions anticipées s’il y a lieu…