Un seul être vous manque et tout est dépeuplé, disait Lamartine. L’isolement, poème dont est extraite cette citation, résume bien le quotidien de Violette Toussaint, garde-cimetière dans une petite ville de Bourgogne. Il faut pourtant l’avouer : de prime abord, l’ouvrage peut sembler peu attrayant. Un couple de garde-barrières devenu garde-cimetières, des fossoyeurs, une vie rythmée par les saisons et les enterrements. Mais c’est sans compter sur la finesse d’écriture de Valérie Perrin dont le premier roman, Les oubliés du dimanche, nous avait bouleversés. Cette fois encore, c’est un vrai coup de cœur ! Car autour des tombes, le temps semble en suspens, le présent cède au souvenir, les langues se délient… et chaque larme raconte une histoire - celle d’un proche, d’un parent, d’un enfant, d’un amoureux, d’un amant - que Violette recueille dans sa cuisine, devenue lieu de passage, de confidences, d’apaisement, de vie. Car, malgré le cœur lourd, on s’accroche au souvenir, à la vie qui fut. Et on sourit. À l’image de Violette qui, dans ses tenues au quotidien, « porte l’été sous l’hiver ». Née sous X, déclarée mort-née, « enfant sans vie et sans nom de famille », elle renaît pourtant dans ce lieu, entourée de ses « voisins de palier qui n’ont pas froid aux yeux », où une fois les grilles fermées, elle « déguste la vie ». Un univers où la mémoire se conjugue continuellement au présent. Où rien ne meurt. Le cimetière aura finalement été la chance de sa vie. Changer l’eau des fleurs, Valérie Perrin, éd. Albin Michel, 22,50 €