Un nouveau projet de décret a été présenté aux syndicats le 24 avril dernier. Un texte qui renforce la mainmise des médecins… et déçoit plusieurs représentants infirmiers.
D’abord présenté en mars, le projet de décret avait provoqué de vives contestations : les IDE dénonçant le maintien d’une tutelle des médecins sur leurs pratiques et ces derniers craignant de perdre le contrôle.
Dans la dernière mouture du projet, présentée fin avril, le texte rappelle la place centrale et décisionnaire du médecin : c’est lui qui choisira de « confier » le patient à l’infirmière de pratique avancée (IPA) et déterminera la conduite diagnostique et les « choix thérapeutiques ». Il établira, avec elle, un « protocole d’organisation » pour préciser les règles de leur « collaboration ».
« Ce décret, c’est de la cosmétique, dénonce Philippe Tisserand, président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI). Des points essentiels, comme la psychiatrie, ont été supprimés du texte. » D’autant, poursuit-il, que le décret a bloqué les négociations conventionnelles en cours, car « Nicolas Revel(1) nous a informés que la chimiothérapie orale relèverait dorénavant du rôle des IPA, regrette-t-il. Le ministère n’a pas été en mesure de s’opposer au lobby médical, ce qui a conduit à un déshabillage du projet. À ce stade, il nous a informés que c’était à prendre ou à laisser. »
« Ce texte est monstrueux, estime, pour sa part, Thierry Amouroux, secrétaire général du Syndicat national des professionels infirmiers (SNPI). Se retrouver avec un tel texte alors que les IPA auront trois années de formation initiale, trois années d’expérience professionnelle et un master, c’est insultant. » Une déception que partage le Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR) : « C’est dommage que le texte n’aille pas plus loin sur les compétences en soins primaires des IPA », réplique Yannick Schmitt, son président. Celui-ci aimerait qu’elles puissent également prendre en charge les pathologies aiguës : « Ce nouveau métier va renforcer les équipes de soins primaires, et nous en avons besoin. »
Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), s’étonne, lui, de la polémique autour de l’autonomie : « Il y a bien une autonomie, notamment par rapport à la prescription. En comparant le décret de compétence des IDE et le champ élargi dans le cadre de l’IPA, on voit qu’une large autonomie lui est donnée. »
Si la CSMF apprécie davantage cette version du décret, des « interrogations et inquiétudes persistent ». Pour lui, le cheminement vers les IPA « semble logique vu l’évolution de l’organisation des soins, afin d’avoir une IDE dans l’environnement du médecin pour une meilleure prise en charge ». Néanmoins, « nous ne voulons pas que l’IPA fasse partie d’un système hospitalo-centré, note le Dr Ortiz. Nous ne voulons pas avoir des IDE salariées de l’hôpital qui prennent en charge des patients de ville. » Autres inquiétudes : la formation et le modèle de rémunération. « Seront-elles salariées ? Si oui, en libéral, de qui le seront-elles ? » Pour rappel, depuis la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, la profession attend la publication du décret. Le ministère espère que les premières formations universitaires pourront être mises en place dès la rentrée prochaine. Le projet de décret doit encore être examiné en Conseil d’État.
1- Directeur de la Caisse nationale de l’Assurance maladie.