Le temps partiel thérapeutique - L'Infirmière Magazine n° 394 du 01/06/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 394 du 01/06/2018

 

CARRIÈRE

GUIDE

Magali Clausener  

Le mi-temps thérapeutique permet à l’infirmier, fonctionnaire ou salarié, de reprendre une activité adaptée après une maladie. Mais les modalités du dispositif sont différentes entre fonction publique et secteur privé.

Le temps partiel thérapeutique, plus connu sous le nom de « mi-temps thérapeutique », permet à un agent de la fonction publique ou à un salarié de reprendre son travail, après une maladie ou un accident, avec une durée allégée, tout en ayant un revenu équivalent à sa rémunération antérieure. Si le principe est le même dans les secteurs public et privé, ses modalités diffèrent.

Dans le secteur public

C’est la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 (article 41-21) qui instaure le mi-temps thérapeutique dans la fonction publique hospitalière. Celui-ci a été modifié par la loi n° 2007-148 du 2 février 2007, puis par l’ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017.

• Le temps partiel thérapeutique peut être accordé :

– après un congé de maladie pour une même affection, après un congé de longue maladie ou de longue durée. Les fonctionnaires peuvent être autorisés à accomplir un service à temps partiel pour raison thérapeutique, accordé pour une période de trois mois, renouvelable dans la limite d’un an pour une même affection. La durée de ces congés n’entre pas en compte pour une demande de mi-temps thérapeutique, mais la reprise à temps partiel doit être effectuée après l’arrêt maladie (il ne peut y avoir reprise à temps plein puis demande de temps partiel thérapeutique).

– après un congé pour accident de service ou maladie contractée dans l’exercice des fonctions. Il est de six mois maximum, renouvelable une fois.

• Concernant les critères médicaux, deux cas de figure sont retenus pour l’octroi d’un mi-temps thérapeutique : soit parce que « la reprise des fonctions à temps partiel est reconnue comme étant de nature à favoriser l’amélioration de l’état de santé de l’intéressé » ; soit parce que « l’intéressé doit faire l’objet d’une rééducation ou d’une réadaptation professionnelle pour retrouver un emploi compatible avec son état de santé ».

• La demande d’autorisation doit être « présentée par le fonctionnaire, accompagnée d’un certificat médical établi par son médecin traitant. Elle est accordée après avis favorable concordant du médecin agréé par l’aministration », précise l’ordonnance n° 2017-53. En clair, avant toute démarche auprès de son établissement, l’infirmier doit consulter son médecin traitant, puisque c’est lui qui va prescrire une reprise à temps partiel pour motif thérapeutique.

• C’est donc le médecin traitant prescripteur qui indique la quotité, cette dernière ne pouvant être inférieure à 50 % du temps de travail. Elle peut être de 50 %, 60 %, 70 % ou 80 % du temps de travail. Attention, si l’agent travaille déjà à temps partiel, par exemple à 80 %, son mi-temps thérapeutique ne peut être de 40 %.

• L’infirmier doit ensuite faire la demande auprès de son employeur. « Il doit prévenir le directeur de l’établissement en amont, avant la fin de son arrêt de maladie, préconise Lisa Bovis, consultante au Centre national de l’expertise hospitalière (CNEH). En effet, le décret d’application de l’ordonnance, qui devait notamment préciser les délais de prévenance, n’est pas encore paru. De plus, des questions d’organisation peuvent se poser pour la mise en place du mi-temps thérapeutique. » Il vaut donc mieux anticiper la reprise d’activité. Lisa Bovis conseille d’envoyer un courrier simple (l’ordonnance n’indique pas de lettre RAR) quinze jours avant (voir modèle ci-contre). Cependant, avant tout envoi, l’infirmier doit se renseigner sur la procédure mise en place par l’établissement : dans l’attente de la parution du décret d’application, certains continuent d’appliquer les modalités antérieures et l’agent doit alors adresser sa demande au comité médical.

• Le directeur, une fois prévenu de la demande de temps partiel thérapeutique, convoque l’agent chez le médecin agréé. Si son avis est favorable, le mi-temps thérapeutique est accordé, sachant que le directeur peut juridiquement le refuser, mais a priori la situation ne se présente pas.

• En revanche, l’avis du médecin agréé peut ne pas être concordant avec celui du médecin traitant. En ce cas, le comité médical compétent ou, lorsqu’il s’agit d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle, la commission de réforme compétente, est saisi et tranche. S’il donne raison au médecin agréé, l’infirmier doit alors faire un recours auprès du comité médical supérieur, au niveau national (lire l’interview p. 61).

• Pour chaque renouvellement du mi-temps thérapeutique, l’infirmier suivra la même procédure. Autre point important : le temps partiel thérapeutique est accordé une fois par pathologie. En clair, durant sa carrière, un infirmier n’a droit qu’à un temps partiel thérapeutique par maladie. « Ce qui pose question, sachant que des personnes jeunes peuvent être touchées, notamment par un cancer, et une récidive peut intervenir des années après », observe Lisa Bovis. Enfin, les fonctionnaires dans cette situation perçoivent l’intégralité de leur traitement. Les primes sont cal ? culées au prorata du temps effectué.

Dans le secteur privé

Dans le privé, c’est l’article L. 323-3 du code de la Sécurité sociale qui régit le temps partiel thérapeutique, puisque l’Assurance maladie verse les indemnités journalières et qu’il s’agit par conséquent d’une prestation en espèces. Les conditions d’octroi sont les mêmes que dans la fonction publique. Mais ce mi-temps thérapeutique doit suivre immédiatement un arrêt de travail à temps complet.

• Si l’assuré souffre d’une affection de longue durée (ALD), il n’est pas nécessaire qu’un arrêt de travail précède la demande. L’impossibilité de poursuivre une activité à temps plein doit être la conséquence de l’ALD. En revanche, le salarié doit déjà avoir eu un arrêt de travail indemnisé au titre de cette ALD. C’est donc le médecin traitant qui prescrit le temps partiel pour raison thérapeutique.

• L’employeur remplit l’attestation pour fournir les éléments de salaire à l’Assurance maladie (CPAM). « Si le salarié répond aux conditions légales, il peut bénéficier d’indemnités journalières pour compenser la perte de salaire, sous réserve que le médecin conseil de la CPAM estime que la mesure remplisse l’objectif visé par le texte. S’il refuse le temps partiel thérapeutique, un expert peut être désigné par le médecin traitant et le médecin conseil pour trancher », détaille Bruno Fieschi, avocat associé du cabinet Flichy Grangé.

• Si l’arrêt de travail a excédé trente jours, l’employeur doit solliciter le médecin du travail pour la reprise d’activité du salarié et mettre fin à la suspension du contrat de travail. Il peut d’ailleurs faire des préconisations, sachant que la quotité du temps partiel est décidée par le médecin traitant. Elle est d’ailleurs beaucoup plus souple que dans le secteur public et peut équivaloir à 20 % du temps de travail.

• L’employeur peut refuser un temps partiel thérapeutique pour des raisons organisationnelles par exemple, mais il est formellement tenu de motiver son refus par écrit. Si le médecin du travail confirme son avis initial, l’employeur peut soit finir par accepter, soit saisir le conseil de prud’hommes pour contester l’avis du médecin du travail.

• L’infirmier n’est pas toujours assuré de retrouver son poste. Le code du travail s’applique et il peut intégrer un poste similaire qui ne modifie pas les conditions du travail. Le passage à un temps partiel thérapeutique nécessite un avenant au contrat de travail.

• Quant à la rémunération, le salarié perçoit un salaire en fonction du nombre d’heures travaillées et des indemnités journalières de la Sécurité sociale. Mais le total ne doit pas dépasser le salaire versé avant l’arrêt de travail ou le temps partiel thérapeutique. Enfin, la durée d’un temps partiel thérapeutique peut théoriquement aller jusqu’à quatre ans.

SAVOIR PLUS

→ L’article 41-1 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, modifié par la loi n° 2007-148 du 2 février 2007.

→ L’ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017.

→ L’article L. 323-3 du code de la Sécurité sociale, modifié par l’article 60 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015.

→ Deux fiches sur le temps partiel thérapeutique sur le site france-assos-sante.org.

INTERVIEW

Pascal Andrieux avocat au Barreau de Paris

L’avis du médecin agréé peut-il ne pas être concordant avec celui du médecin traitant ?

• La discordance des avis du médecin agréé et du médecin traitant est une hypothèse qui, sans être rare, est limitée à un nombre réduit de cas. Le médecin agréé est, en général, suivi par le comité médical. Par conséquent, il arrive que l’avis émis soit dans le sens du refus de mi-temps thérapeutique. Il est alors possible de contester l’avis du comité médical auprès du comité médical supérieur.

En revanche, l’avis de la commission de réforme ne peut pas être contesté en tant que tel. Ce type de contestation n’aboutit que rarement, dès lors que l’instance consultée s’en remet, quasi systématiquement, à l’avis du médecin agréé.

L’infirmier dispose-t-il d’un autre recours ?

• Il est possible de contester la décision de refus d’octroi du temps partiel thérapeutique et, ainsi, de remettre en cause l’avis du médecin agréé. Il faut alors saisir le tribunal administratif d’un recours en annulation de la décision de refus. S’agissant d’une problématique d’ordre médical, et sauf à disposer d’emblée d’éléments médicaux solides de nature à démontrer que l’avis du comité est erroné, il faut envisager une expertise judiciaire, soit dans le cadre de cette instance, soit dans le cadre d’une instance parallèle. Le juge peut alors constater que l’avis du comité médical ou de la commission de réforme est erroné et prononcer l’annulation du refus.

Le temps partiel thérapeutique peut-il s’effectuer dans un autre service ou à un autre poste que celui dans lequel travaillait l’infirmier ?

• L’agent public est, de façon générale, soumis au principe du caractère statutaire et réglementaire de la fonction publique. Ce qui implique que, s’il dispose d’un droit à être affecté sur un poste correspondant à son grade, il ne dispose en revanche d’aucun droit à conserver un poste donné. Ainsi, lorsqu’un fonctionnaire n’est plus en mesure d’exercer les fonctions qui lui étaient dévolues, et lorsque les nécessités du service ne permettent pas d’aménager ses conditions de travail, l’employeur peut l’affecter sur un autre emploi relevant de son grade, dans lequel les conditions de travail sont adaptées à son état de santé. Il peut donc y avoir changement d’affectation ou de service.

Propos recueillis par Magali Clausener