SOIGNANTS HOMOSEXUELS
DOSSIER
Blagues déplacées, harcèlement, inégalité de prise en soins ou, au contraire, pas de problème particulier… Quatre IDE racontent la manière dont ils vivent leur homosexualité au travail.
Sandra*, IDE dans une clinique
Faire son coming out au travail n’allait pas de soi pour Sandra. « J’en ai parlé à des collègues qui étaient aussi des amies. J’avais un peu peur de leur réaction, mais cela s’est plutôt bien passé. » Plus tard, Sandra a une relation amoureuse avec une autre femme sur son lieu de travail : « Nous étions très discrètes, nous ne le montrions jamais. » Pourtant l’atmosphère se dégrade : « Tout le monde se taisait quand j’arrivais à l’office, je sentais qu’on me regardait bizarrement… En fait, tout le monde savait que j’étais lesbienne. »
Vivant mal la situation, Sandra change d’employeur, et choisit de ne pas parler de son orientation sexuelle. « Mais je ne me sentais pas à l’aise pour autant. Je passais pour une personne effacée… » Sandra revient finalement quelques mois plus tard chez son précédent employeur : « Là, j’ai assumé ouvertement. Quitte à ce que tout le monde raconte des choses dans mon dos, autant ne pas le cacher. Mais j’ai dû faire face à des remarques très dérangeantes de la part de collègues. Des phrases déplacées, y compris devant des stagiaires. Je réagissais par la rigolade mais cela me faisait profondément mal. Je suis allée voir ma direction qui m’a proposé de convoquer les personnes, mais j’ai refusé car je ne souhaitais pas envenimer les choses. Ils ont fait passer dans le journal interne un article rappelant les principes de respect de la vie privée. Il n’était pas fait clairement référence à l’homosexualité et c’était tant mieux car on m’aurait reconnue. J’ai senti que la direction était à mes côtés. Aujourd’hui, cela va mieux. Si cela recommence, je n’hésiterai pas à aller voir la direction. »
JEAN*, IDE aux urgences en CHU
Après douze ans passés dans le même service d’urgences, Jean n’y travaille plus. « Je me suis fait virer pour des motifs mensongers. Tout a commencé avec un conflit avec un collègue infirmier anesthésiste. Nous avions des différends professionnels puis j’ai appris qu’il avait proféré des insultes à mon encontre du fait de mon homosexualité. J’étais choqué. » Sur son lieu de travail, tout le monde sait que Jean est gay, il ne s’en cache pas. « Quand un collègue m’a rapporté les propos humiliants, je suis allé voir ma hiérarchie : mon cadre m’a dit ce n’était pas normal tandis que la médecin responsable a botté en touche. » L’auteur des insultes présente ses excuses à la va-vite : « Je voyais bien que ce n’était pas sincère. Et surtout, son comportement n’a pas changé. Il disait que la victime c’était lui, que je m’étais servi de mon homosexualité… N’importe quoi ! » Ce que Jean a le moins supporté, c’est le manque de soutien de sa hiérarchie : la directrice des soins affirmant que ce n’était pas son problème, les DRH proposant une conciliation qui n’aura jamais lieu. Les syndicats ? « Je suis allé les voir mais l’auteur des insultes est lui-même syndiqué alors que je ne le suis pas… Au final, j’ai le sentiment qu’il a été complètement protégé. » Jean a décidé de porter plainte pour harcèlement moral.
Olivier, Idel dans le Sud-Ouest
Avant de s’installer en libéral, Olivier a exercé à l’hôpital où il n’a pas cherché à cacher son homosexualité. « Je n’ai jamais été confronté à des actes ou des propos homophobes. Mais parfois, j’ai ressenti un certain malaise. » Ce qui a choqué Olivier, c’est la différence de traitement à l’égard des patients homosexuels : « J’ai constaté qu’il y a de la part de certains soignants une sous-estimation de la douleur des homosexuels visibles. J’ai eu le cas d’un patient qui s’était plaint de fortes douleurs à son médecin. C’était en réalité une péritonite. Sa douleur n’avait pas bien été prise en compte sous prétexte qu’une “folle” comme lui serait forcément “chochotte”… »
Julien, Idel à Strasbourg
« J’ai beaucoup souffert de mon homosexualité au collège mais depuis que j’exerce comme infirmier, je n’ai jamais rencontré de problème. Quand je travaillais en clinique, tout s’est très bien passé. Je ne suis pas un militant actif mais cela s’est rapidement su. J’ai peut-être eu de la chance, la chance de tomber sur des collègues ouverts d’esprit… Je voulais témoigner pour dire que tout n’est pas forcément noir. »
(*) Les prénoms ont été modifiés.