FORMATION
FOCUS
Claire Manicot* Charlène Malesieux**
*Infirmière coordinatrice
L’incontinence urinaire est très fréquente en Ehpad, la majorité des résidents devant porter des protections. L’établissement de La Villa du Tertre s’appuie sur une organisation logistique et une approche bienveillante pour favoriser le bien-être et le respect de l’intimité des personnes.
L’entrée à l’Ehpad est un moment crucial. Afin de proposer un accompagnement adapté, l’équipe soignante va s’appuyer sur les informations transmises par le résident lui-même, sa famille ainsi que les professionnels de santé qui le prenaient en soins jusque-là. Un plan de soins devra alors être établi de manière provisoire, avec planification des changes et choix des protections.
Au fil des semaines et de l’adaptation du résident à son nouveau lieu de vie, ses besoins seront réévalués et le plan de soins actualisé et imprimé.
Il est à noter que certains résidents, continents lors de l’admission, verront une incontinence urinaire s’installer progressivement et le plan de soins évoluera donc lors de l’apparition des troubles.
→ Évaluation de l’autonomie : il s’agit d’évaluer si la personne assure l’hygiène de ses éliminations. En effet, une personne peut être incontinente et assumer la gestion de ses fuites en changeant elle-même ses protections, et en réalisant si besoin une toilette intime. On va distinguer les personnes autonomes, les personnes complètement dépendantes d’un tiers et les personnes ayant besoin d’une aide.
Dans tous les cas, l’équipe soignante devra s’interroger sur les nombreux points suivants : la personne a-t-elle seulement besoin d’être accompagnée aux WC ? A-t-elle également besoin qu’on lui rappelle d’aller aux toilettes et qu’on lui explique comment faire ? Est-elle capable de mettre sa protection ? Peut-elle baisser son pantalon ou sa culotte, le ou la remettre, s’asseoir correctement sur les WC, tirer la chasse d’eau ? A-t-elle un problème de mobilisation ? Doit-on l’aider à se tenir debout ? Utilise-t-elle un urinal, une chaise percée ? Doit-on la mobiliser à l’aide d’un verticalisateur, d’un lève-malade ?
→ Le choix des protections se fait en fonction de différents critères : les modèles, la capacité d’absorption, la taille, etc.
• Le modèle est choisi en fonction du sexe, du type d’incontinence et du niveau d’autonomie. Seront toujours privilégiées les protections anatomiques, comparables à des serviettes hygiéniques. Elles s’utilisent avec des slips filets ou bien avec les sous-vêtements habituels. Les changes complets seront réservés aux personnes très dépendantes, alitées, qui ne peuvent pas aller aux toilettes ; ils nécessitent d’être posés par les soignants. Il existe aussi des slips absorbants jetables qui conviennent à certains résidents.
• La capacité d’absorption sera choisie en fonction du volume d’urine émis et du temps de pose souhaité (on peut choisir une capacité qui diffère le jour et la nuit pour un même résident). Selon les marques, les protections présentent un témoin qui change de couleur quand la protection est arrivée à saturation. Le taux d’absorption est plus élevé pour les changes complets, qui sont également utilisés pour l’incontinence fécale.
• La taille est déterminée en fonction du tour de taille du résident, c’est un critère important afin d’éviter les fuites.
→ Indicateurs de suivi : l’efficacité et le confort des protections seront évalués selon :
- la saturation ou non des protections ;
- les changes de draps ou de vêtements ;
- l’appréciation du résident ;
- l’état cutané (rougeurs, irritations).
Les soins qui entourent l’accompagnement lié à l’incontinence sont nombreux : incitation ou aide pour aller aux toilettes, changement de protection, soins cutanés et toilette intime. Ils s’intègrent au plan de soins réalisé pour chaque personne et géré par le logiciel de soins de la structure. Chaque aide-soignant possède un classeur dans lequel figurent les plans de soins imprimés de l’ensemble des résidents qu’il accompagne. Y sont mentionnés :
- le soin : changement réalisé debout ou au lit, accompagnement aux WC, etc. ;
- le descriptif : il est précisé si la mobilisation de la personne nécessite un verticalisateur, un lève-malade, si le changement de protections ou l’accompagnement aux WC se fait à la demande de la personne, sur incitation ou à horaires fixes de façon systématique, etc.
Évaluer les besoins des résidents et planifier les soins ne suffit pas pour leur garantir un bon accompagnement. Il est primordial d’avoir la bonne protection pour le résident au bon moment. Cela semble simple. Et pourtant, il suffit d’une erreur dans une commande, d’un changement de références pour un résident devenu dépendant ou des changements de protections soudain plus fréquents en raison d’une épidémie de gastro-entérites ! Les soignants peuvent alors se retrouver en peine pour les accompagnements.
Une gestion efficiente de l’incontinence passe obligatoirement par une organisation optimale de la logistique : commande, livraison, stockage puis distribution aux soignants des protections urinaires. Les fournisseurs l’ont bien compris puisqu’ils fournissent des logiciels facilitant les commandes, la distribution et la dotation par secteur ou par résident. À l’Ehpad de La Villa du Tertre, une infirmière est référente pour la gestion des protections urinaires. Une fois par mois, elle effectue une commande. Chaque semaine, elle vérifie les besoins des résidents, puis réajuste et édite le cas échéant de nouveaux plans de soins et de nouvelles feuilles de dotation par résident. La distribution dans les six secteurs de l’établissement est effectuée par la gouvernante.
L’établissement s’est engagé dans une démarche de bientraitance et propose un accompagnement individualisé dans le respect de la singularité et de l’intimité des résidents. Pour cela, il mobilise et forme ses équipes sur différents points.
→ Favoriser l’autonomie : l’incontinence est certes fréquente chez la personne âgée mais elle n’est pas inéluctable. Chez les personnes ayant des troubles cognitifs notamment, il est parfois juste nécessaire de leur proposer régulièrement d’aller aux toilettes et de leur expliquer comment faire pour leur éviter le port de protections urinaires. Quant aux personnes ayant des difficultés de mobilisation, elles ont surtout besoin d’aide pour se déplacer jusqu’aux WC. Dans ce contexte, une attention est portée pour que les résidents aient toujours leur système d’appel à proximité. Enfin, les soignants évitent au maximum d’utiliser les changes complets qui favorisent la dépendance.
→ S’adapter aux souhaits des résidents : l’accompagnement concernant l’incontinence se fait avec le consentement des résidents. Certains refusent le port de protections et, dans ce cas, les soignants doivent faire valoir leur capacité à négocier. Il arrive que, au contraire, d’autres veulent une protection pour se rassurer, voire un change de crainte de salir leur lit.
→ Éviter les changements de protections la nuit : les temps de travail des aides-soignants (8 h-12 h, 15 h-21 h) ont notamment été établis de manière à ce que les couchers se fassent en fonction des souhaits des résidents. Les protections pour la nuit sont mises après le dîner et, de ce fait, les personnes peuvent dormir sans avoir à être réveillées pour un changement de protection. Seules quelques personnes ont besoin d’un changement de protection la nuit.
Références d’unités d’enseignement et extraits :
→ UE 2.2.S.1 : « Cycles de la vie et grandes fonctions ». Aspects anatomiques et physiologiques : élimination (compétence 4) ;
→ UE 2.11.S.5 : « Pharmacologie et thérapeutiques ». Autres moyens thérapeutiques : chirurgie, rééducation fonctionnelle, dispositifs médicaux (compétence 4) ;
→ UE 4.1.S.1 : « Soins de confort et de bien-être » : réaliser des soins d’hygiène et confort adaptés aux besoins et aux souhaits de la ou des personnes et conformes aux bonnes pratiques (compétence 3) ;
→ UE 4.6.S.3 : « Soins éducatifs et préventifs » (compétence 5) ;
→ UE 5.1.S.1 : « Accompagnement de la personne dans la réalisation de ses soins quotidiens » (compétence 3).