Un nouveau carnet de santé, plus conforme aux avancées scientifiques et changements sociétaux, est entré en vigueur en avril. Le point sur les nouveautés dans ses pages et le rôle infirmier dans son usage.
L’année 2018 marque l’arrivée d’un nouveau modèle du carnet de santé. Sa dernière version datait de 2006. Mais son histoire est bien plus longue. L’ancêtre du carnet de santé est sorti en 1868 de l’esprit de Jean-Baptiste Fonssagrives, un médecin montpelliérain qui publia Le Rôle des mères dans les maladies des enfants ou ce qu’elles doivent savoir pour seconder le médecin. En parallèle, il mit au point un livret destiné aux mères les plus éduquées pour qu’elles puissent y reporter des informations sur la croissance et les maladies de leurs enfants. Mais c’est en 1929 que le premier carnet de santé “officiel” naît, avant de devenir obligatoire pour tous les enfants après la guerre, en 1945.
Régulièrement, le carnet a changé, au fur et à mesure des avancées scientifiques et médicales, afin de pouvoir continuer à être un outil de suivi de développement et du parcours de santé de l’enfant et de l’adolescent. Il vise aussi à être une base de dialogue entre les professionnels de santé et les familles, et un support des messages de prévention à l’attention des parents.
Le nouveau modèle, publié par le ministère des Solidarités et de la Santé, a été mis à jour sur la base des recommandations du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) afin de tenir compte des avancées scientifiques, ainsi que des attentes des professionnels de santé et des familles.
• Les messages de prévention adressés aux parents ont été réactualisés pour mieux s’adapter aux problématiques de santé publique et aux risques sanitaires émergents dans la société. Ils comportent, par exemple, des conseils pratiques pour limiter l’exposition des enfants aux produits chimiques et aux allergènes dans l’environnement. Ou encore, ils alertent quant aux dangers de l’exposition trop précoce ou excessive aux écrans. À noter également : un tableau de diversification alimentaire.
• C’est le grand changement de ce nouveau carnet de santé. Les cour-bes de croissance, qui dataient des années 1970, ont été modifiées, car la taille et la corpulence des enfants ont beaucoup changé, grâce à une meilleure prise en charge des femmes enceintes et des nouveau-nés, et une évolution de la composition de l’alimentation des tout-petits. Les courbes ne représentaient plus leur croissance de manière satisfaisante. Il se formait, dès la première année de vie, un décalage entre les chiffres de référence et la réalité de terrain. Ce décalage augmentait jusqu’à la fin de la puberté. « En pratique, les anciennes courbes étaient de moins en moins utilisées par les professionnels de santé, car elles étaient devenues obsolètes, explique Barbara Heude, chargée de recherche en épidémiologie à l’Inserm, qui a participé à l’élaboration des nouvelles courbes. Le nombre d’enfants qui étaient considérés en deçà du percentile inférieur de taille était nettement plus bas que ce qu’il est dans la réalité. Et inversement, le nombre d’enfants considérés comme trop petits était sous-estimé. Il fallait absolument tout revoir. » Ainsi, à 10 ans, la médiane de la taille des filles est de 139,5 cm dans le nouveau carnet contre 134,7 cm.
• L’objectif des courbes de croissance est d’aider au repérage de certaines pathologies. « Parler de croissance normale ou anormale n’est pas approprié, précise la chercheuse. Mais il existe des profils de croissance qui doivent alerter les professionnels, car ils peuvent être les symptômes de pathologies chroniques. Pouvoir les déceler, grâce à des critères aussi simples, accessibles et économiques que le poids et la taille, est très intéressant et peut permettre de les prendre en charge plus précocement et d’avoir un meilleur pronostic. » Parmi ces maladies potentiellement identifiables grâce aux courbes : le syndrome de Turner, la maladie cœliaque ou un retard de croissance dû à un problème hormonal sévère. « Dans la maladie cœliaque, par exemple, avant toute manifestation digestive, il est possible d’observer une cassure de la courbe de poids, puis de celle de la taille, détaille Barbara Heude. Le remarquer peut permettre d’envoyer l’enfant dans un service diagnostic référent, pour confirmer ou infirmer l’inquiétude. » Les scientifiques ont travaillé pendant plusieurs mois à partir de millions de données recueillies par des médecins sur leur jeune patientèle de 0 à 18 ans depuis 1990. Des sociétés savantes et médicales (généralistes, pédiatriques…) et des comités d’experts ont également été consultés. « Les courbes ont ensuite été construites suivant un résonnement mathématique. Nous avons obtenu une sorte de courbe de Gauss, avec une répartition des données et, aux deux extrémités, le pourcentage des enfants avec les tailles et les poids les plus bas, et celui des enfants avec les poids et tailles les plus hauts. »
• Les nouvelles courbes du carnet de santé comportent :
- Plusieurs couloirs de croissance pour mieux individualiser les enfants et voir quand leur évolution s’écarte de la ligne qu’ils devraient suivre. « Quand ils sont sur une trajectoire, on les voit suivre une ligne parallèle à une courbe, explique Barbara Heude. Ce qui va inquiéter, c’est quand cette ligne croise la ligne imaginaire censée être celle de l’évolution de l’enfant. Plus il y a de courbes, plus il est facile de visualiser cette ligne imaginaire. »
- La taille des parents et leur moyenne (la taille-cible), un détail important qui avait pourtant été jusque-là négligé, a été ajoutée. « Il est clairement établi que si un enfant est petit, il y a moins de raisons de s’inquiéter si ses parents le sont aussi », poursuit la chercheuse. Des petits carrés sont désormais présents sur les courbes pour recevoir, à la naissance de l’enfant, l’indication de la taille de son père et de sa mère.
- Le suivi du périmètre crânien jusqu’à 5 ans (contre 3 auparavant), de manière distincte pour les filles et les garçons. À la demande des pédiatres, les courbes de suivi du développement crânien ont aussi été revues. Leur objectif est de faciliter le repérage précoce de pathologies neurologiques. « Les neuropédiatres avec lesquels nous avons travaillé auraient aimé disposer de courbes de la naissance jusqu’à l’âge adulte, mais cela n’a pas été possible d’aller au-delà de 5 ans, faute de données disponibles. Les garçons et les filles ont désormais chacun leur courbe, ce qui n’était pas le cas dans l’ancienne version du cahier. »
- Le repérage du surpoids est réalisé à l’aide de la courbe de corpulence (indice de masse corporelle, IMC).
• Le calendrier vaccinal a évolué, ainsi que le nombre de vaccins obligatoires. Il était donc indispensable que le carnet de santé reflète cette évolution. Les quatre pages consacrées aux vaccinations ont été réorganisées. La première double-page est dédiée aux vaccinations obligatoires. Ils y apparaissent dans l’ordre de leur réalisation prévue par le calendrier vaccinal. À noter que le BCG (bacille Calmette et Guérin) y figure en raison de son caractère fortement recommandé dans certaines situations et de la précocité de son administration chez le nourrisson. La deuxième double-page est consacrée aux rappels vaccinaux et vaccins recommandés.
Le calendrier vaccinal n’est pas gravé dans le marbre et il est amené à changer régulièrement. Pour cette raison, il n’est plus inscrit dans les pages mêmes du carnet. Les conseils départementaux sont invités à imprimer séparément le calendrier simplifié des vaccinations de l’enfant et à le glisser dans le rabat de la couverture.
• À noter que le nouveau carnet de santé comporte également une place dédiée à un nouvel examen du nourrisson de la deuxième semaine afin de détecter d’éventuelles anomalies non décelées en période néonatale, ou encore la mise à jour des repères neuro-développementaux du jeune enfant.
→ Les nouveaux modèles du carnet et des certificats de santé chez l’enfant, à lire sur le site du ministère de la Santé : bit.ly/2GWJqyr
→ Pour des informations plus complètes sur les courbes de croissance : bit.ly/2kDW9tp
Les infirmières ont-elles toujours accès au carnet de santé ? Est-ce un outil utile pour elles ?
• Les infimières, qu’elles soient en protection maternelle et infantile (PMI), en pédiatrie, ou en milieu scolaire, ont le droit d’accéder au carnet de santé, sous réserve que les parents les y autorisent. C’est un outil très utile pour elles car elles peuvent y trouver des informations cruciales sur la naissance de l’enfant (prématurité, réanimation néonatale). Il leur permet aussi de savoir où en sont les vaccinations et de connaître l’historique de la croissance, des maladies infantiles, et de l’acquisition des grandes étapes psychomotrices.
Que peuvent-elles y écrire ?
• Elles peuvent y noter des informations utiles pour les autres professionnels de santé et pour les parents. Des pages sont réservées au pédiatre pour les examens de contrôle des 3e, 6e et 9e mois. Mais, lors des consultations en PMI, les infimières puéricultrices sont amenées à noter le poids, la taille et le périmètre crânien de l’enfant. Elles y écrivent également des éléments qui ont trait à l’alimentation de l’enfant (nombre de repas à donner, passage du lait maternel au lait infantile, changement de lait infantile, diversification alimentaire…). Elles laissent également une trace des bilans psychomoteurs qu’elles peuvent faire indépendamment de ceux du pédiatre (test de la vue, acquisition de la position assise…) et, éventuellement, des conseils aux parents concernant, par exemple, la stimulation de l’enfant. Toutes les informations sur la santé de l’enfant ne figurent cependant pas dans le carnet. La plupart des transmissions entre professionnels se fait par courrier.
Y a-t-il des modalités réglementaires à respecter autour du carnet de santé ?
• Chaque professionnel qui écrit dans le carnet de santé doit être clairement identifié par une signature et un tampon. Par ailleurs, tout ce qu’il contient relève du secret médical et infirmier. Quand une infirmière scolaire convoque un enfant pour un dépistage, elle doit demander aux parents de lui faire parvenir le carnet sous enveloppe fermée.
Propos recuellis par Héloïse Rambert