L'infirmière Magazine n° 395 du 01/07/2018

 

INFECTIONS NOSOCOMIALES

ACTUALITÉS

FOCUS

Hélène Colau  

Pour la première fois depuis les années 1990, la prévalence des infections associées aux soins ne baisse plus dans les hôpitaux, révèle une étude de Santé publique France.

La prévalence des infections nosocomiales (IN) tourne autour de 5 % [5,21 % en 2017] depuis cinq ans. On peut donc imaginer qu’on a atteint un plancher », admet Bruno Coignard, responsable de la Direction maladies infectieuses de Santé publique France. C’est la première fois, depuis 1996, que la proportion de patients infectés reste stable sur cinq ans (2012-2017), à 1 patient hospitalisé sur 20, d’après la dernière enquête nationale de prévalence des infections nosocomiales et des traitements anti-infectieux en établissement de santé(1), dont les résultats ont été présentés le 4 juin dernier.

Pourquoi cette stagnation, après les progrès enregistrés grâce aux politiques de prévention menées depuis les années 1990 ? « On réalise de plus en plus d’actes invasifs et la durée de séjour se raccourcit : ceux qui restent à l’hôpital ont besoin de soins intensifs », avance Bruno Coignard. Les chiffres sont cependant très variables en fonction des services : si la prévalence des IN est de 24 % en réanimation, où la pose de dispositifs invasifs tels que les cathéters est fréquente, elle est de 1 % en psychiatrie, par exemple.

Les principales bactéries incriminées restent Escherichia coli (24 %) et le staphylocoque doré (13 %), dont la proportion de résistance à la méticilline a cependant diminué (38 % à 27 % en cinq ans). « La bonne nouvelle, c’est que la consommation d’antibiotiques a légèrement baissé [- 2,6 % entre 2009 et 2016], à 15,1 % des patients », se félicite Anne Berger-Carbonne, responsable de l’unité Infections associées aux soins et résistance aux antibiotiques chez Santé publique France. On reste cependant loin de l’objectif d’une diminution de 25 % de la consommation globale du Plan antibiotiques 2011-2016…

Un effort collectif

Santé publique France invite donc les établissements à poursuivre leurs actions de prévention - avec l’aide des centres régionaux d’appui pour la prévention des infections associées aux soins (CPias) - en ciblant les IN les plus fréquentes et les plus graves. Parmi elles, les infections du site opératoire, dont la part est passée de 13,5 % à 16 %, et qui se classent au deuxième rang derrière les infections urinaires. En cause, selon Bruno Coignard, « une non-adhésion des services à l’antibioprophylaxie chirurgicale, c’est-à-dire l’administration d’antibiotiques avant une opération ». L’augmentation de la part de l’ambulatoire peut ausi freiner la bonne surveillance des patients après la sortie.

Mais c’est avant tout l’implication des soignants qui serait en mesure d’améliorer les chiffres. Le CPias Nouvelle-Aquitaine, qui s’est vu confier une mission de soutien aux actions de prévention par la formation et la communication, va donc travailler avec des spécialistes du changement du comportement afin de les accompagner vers un meilleur respect des recommandations. « Pour moi, ce chiffre de 5 % est déjà une performance à mettre à leur crédit, nuance Pierre Parneix, membre du CPias et président de la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H). Ils appliquent des recommandations complexes alors que leurs conditions de travail sont difficiles. Mais, depuis trois ans, nous sommes exposés à des fake news régulières sur la prétendue toxicité des produits d’hygiène des mains, si bien que les professionnels de santé refusent parfois de s’en servir ! C’est pourquoi nous devons redoubler nos efforts en développant des outils pédagogiques innovants, tel le serious game que nous venons de lancer(2). »

1- L’enquête 2017 a été menée en mai et juin 2017, auprès de 403 établissements et 80 988 patients : bit.ly/2JfHIdO

2- L’appli I.control est disponible ici : bit.ly/2Mj9Wlp