Les Mici ont d’importantes retombées psychosociales pour les patients. La vie intime et sociale est perturbée par les symptômes. Mais les problématiques liées au monde du travail sont particulièrement prégnantes pour les patients.
Parce qu’elles touchent de jeunes adultes, les Mici posent nombre de questions quant à l’intégration des patients dans le monde du travail. Très généralement, les choses se passent bien pour eux : les deux tiers des salariés concernés témoignent d’une situation normale(1). Mais d’autres font état de difficultés : blocage de carrière, refus de mobilité, “mise au placard”, voire harcèlement et pressions pour démissionner… qui peuvent se traduire par une forte anxiété ou des arrêts de travail dus à la dépression. Les patients doivent surmonter des difficultés inhérentes à la pathologie mais également liées à sa perception par les autres. Tour d’horizon de leurs principales problématiques.
→ Le problème pratique des toilettes. Pour beaucoup de malades, les diarrhées impérieuses sont un symptôme très problématique, avec des retombées sur leur psychologie, l’estime d’eux-mêmes, la vie sociale et amoureuse… La vie professionnelle n’échappe pas à ce constat. Pour les employés du secteur tertiaire qui travaillent dans des bureaux, avoir des toilettes à disposition n’est généralement pas un problème. En revanche, en cas d’activité en plein air (chantiers, jardinage…), la situation peut s’avérer plus difficile. Si chaque situation est particulière, il faut voir ce qui peut être réorganisé et compter sur la bonne volonté de l’employeur pour permettre aux salariés un accès aux toilettes du client, à celles d’un commerce à proximité ou faire installer des toilettes sèches.
→ Les horaires de travail. Les employés atteints de Mici doivent faire face à des problèmes quotidiens que ne connaissent pas les autres employés. Ce sont des personnes dont les symptômes leur imposent souvent de passer trente minutes à une heure le matin aux toilettes avant de pouvoir quitter leur domicile. Par conséquent, ils ont d’énormes difficultés à arriver au travail aux heures communément admises de 8 h 30 ou 9 h. Pour leur faciliter la vie, décaler les horaires de travail, commencer plus tard, ne pas travailler de nuit ou bloquer les heures sur moins de jours peuvent être des solutions à préconiser.
→ La fatigue. C’est le symptôme de la maladie qui handicape le plus les malades sur leur lieu de travail. « La majorité des gens arrivent à avoir une vie professionnelle normale, insiste Marie-Hélène Ravel, référente Mici et travail à l’association François-Aupetit (AFA). Mais, parfois, cette réussite se fait au détriment de leur vie sociale. Certains ont du mal à assurer leurs missions et à mener des activités en parallèle. Ils ne sont pas capables de tout faire. » En cas de fatigue trop intense, faire des pauses dans la journée, envisager le télétravail ou demander un temps partiel thérapeutique, sont des moyens de ne pas s’exténuer à la tâche.
→ Les “hauts” et les “bas” de leur état de santé. Les Mici sont des maladies chroniques qui évoluent par poussées : après des périodes où tout va bien, brusquement, surviennent des moments où les choses sont plus compliquées. Ces temps de moins bonne forme peuvent se manifester par des absences de longue durée (semaines ou mois), en cas de grosse poussée ou d’intervention chirurgicale par exemple, ou de durée plus courte, mais qui se répètent. « Ces absences se remarquent et finissent par poser problème », reconnaît Marie-Hélène Ravel. L’ambiance peut se tendre si l’employé sent qu’il est en observation. Ces absences peuvent aussi créer à la personne des difficultés à progresser dans son travail, à profiter des opportunités. Dans le pire des cas, elles peuvent engendrer des tentatives de la faire partir.
→ En parler ou pas ? C’est un sujet majeur pour les patients. Au travail, la hiérarchie n’a pas l’autorisation de poser de questions qui relèvent de la vie privée et les patients atteints de Mici n’ont aucune obligation à en parler. Même s’ils ont le statut de travailleur handicapé, ils ont le droit de le garder pour eux. Certains préférèrent parler, d’autres se taisent. « Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise décision, explique Marie-Hélène Ravel. Toutes les situations ne sont pas équivalentes en ce qui concerne l’emploi, la politique de l’employeur, et surtout, les ressources psychologiques des personnes. Quelle que soit la décision prise, elle doit être bien réfléchie. » Certaines situations sont tout de même plus à risque en termes de retombées pour les malades. C’est le cas par exemple de l’entretien d’embauche ou de la période d’essai. En cas d’arrivée dans un nouvel emploi, il peut aussi être plus prudent pour eux d’observer leur environnement et d’évaluer le climat de l’entreprise avant de parler. À d’autres moments, ils ont clairement un intérêt à la prise de parole. « Quand les personnes commencent à être absentes très souvent et ne tiennent pas le rythme, elles finissent souvent par dire à l’employeur qu’elles ne sont pas paresseuses, mais qu’elles ont un réel problème », constate l’experte. De la même manière si l’atmosphère se dégrade, parce que les collègues ne comprennent pas ce qui se passe et font de fausses interprétations, parler de sa situation de santé est souvent la meilleure des options. Si les personnes décident de parler, elles gagnent à préparer l’annonce. « Nous conseillons toujours aux malades de penser à ce qu’ils vont dire. À qui et quand. Ça ne s’improvise pas. Il faut que l’interlocuteur en face soit disponible. L’AFA peut aider les personnes à communiquer si elles le souhaitent », renseigne Marie-Hélène Ravel.
→ Se faire aider par l’équipe de santé au travail. Face à ces défis, les malades de Mici ne sont pas seuls. L’équipe de santé au travail, tenue au secret médical, est là pour s’assurer que la santé des salariés n’est pas mise en danger. Ils peuvent être amenés à rencontrer les infirmières de santé au travail. Le médecin du travail est la seule personne dans l’entreprise habilitée à recueillir des informations médicales. Mais à lui non plus, les travailleurs ne sont pas obligés de parler de leur maladie. Le médecin du travail est un allié : les patients peuvent le solliciter et demander à le rencontrer. Mais là encore, tout n’est pas rose et le chemin peut être semé d’embûches. « Les équipes de santé au travail ne connaissent pas forcément bien les Mici », déplore la référente de l’AFA. C’est cependant du médecin du travail que dépendent les éventuels passages à temps partiel thérapeutique et aménagements de temps de travail. La loi prévoit que les recommandations du médecin du travail soient obligatoires pour l’entreprise, si elles sont raisonnables. « La plupart du temps, ça se passe bien. Dans les cas les plus graves, même avec des aménagements de son poste, la personne n’est pas en état de remplir ses missions et le médecin déclare la personne inapte. Elle doit alors changer de poste », explique Marie-Hélène Ravel.
→ Obtenir la Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RTQH). Les malades de Mici peuvent demander la RQTH. « Les délais sont très longs, de six mois à un an, prévient l’experte. Il leur est donc conseillé de la demander de manière préventive, auprès de la Maison départementale des personnes handicapées, avant l’aggravation de la maladie. » Si certains malades n’ont pas envie d’avoir cette “étiquette” de travailleur handicapé, la RQTH permet de leur faciliter l’accès à l’emploi et de bénéficier d’adaptations du poste de travail en cas de besoin, ou de formation si une reconversion doit être envisagée. Il existe de plus en plus de structures spécialisées dans l’emploi des personnes handicapées, dont le réseau Cap Emploi. « Quand ils ont obtenu cette reconnaissance, les malades ne sont pas pour autant obligés d’en faire état. Mais ils doivent garder en tête qu’en parler à leur employeur peut être vraiment utile. Par ailleurs, avec ce statut, le médecin du travail sera plus enclin à demander des aménagements de travail pour eux. Car les médecins sont “pris entre deux feux” : les demandes du travailleur et l’entreprise qui veut éviter les contraintes », note Marie-Hélène Ravel.
1- Selon une étude de l’Ifop Healthcare pour l’Observatoire national des Mici, réalisée entre le 8 mars et le 6 avril 2016. À consulter sur : bit.ly/2uBhGs3
L’association François-Aupetit (AFA) met à disposition des patients des « parrains d’emploi » pour les aider à construire leur projet professionnel. Reprendre le travail après une longue absence, entamer une formation, changer de voie… Certains parcours sont parfois complexes. Les parrains d’emploi aident les malades sur la durée, sur rendez-vous, en face-à-face ou au téléphone, et les conseillent sur des questions concrètes (comment parler de sa situation à ses collègues ? Comment répondre aux questions gênantes ? Comment prendre du recul ou faire des choix ?), à trouver les informations utiles et à faire le point sur une situation difficile vécue au travail.
Peu de professions sont réellement proscrites quand on a une Mici. Toutefois, certains métiers de la fonction publique (comme la police) sont inaccessibles.
Les carrières dans la gendarmerie sont aussi impossibles. Par ailleurs, il peut être souhaitable d’éviter les métiers qui imposent des défis physiques importants, de nombreux déplacements, un travail posté…