ALLAITEMENT
SUR LE TERRAIN
MON QUOTIDIEN
Lisette Gies* Claude Didierjean-Jouveau**
*Porte-parole de la « Leche League France et auteure de « Petit guide de l’allaitement pour la mère qui travaille », éd. Jouvence, 2016
On conseille souvent aux mères de supprimer progressivement les tétées avant leur retour au travail pour ne conserver que celles du matin et du soir. Mais avec un bébé de deux mois et demi, deux tétées par jour suffisent rarement à maintenir l’allaitement », explique d’emblée Claude Didierjean-Jouveau, porte-parole de la Leche League, une association de soutien aux mères allaitantes. Dans les premières semaines, voire les premiers mois, la lactation a besoin d’être entretenue. « C’est le fait de vider les seins qui stimule la production de lait », rappelle-t-elle. À la maison, le mieux est donc de continuer d’allaiter son bébé à la demande : un programme qui simplifiera aussi la vie des infirmières, dont les horaires de travail ne sont pas fixes. En revanche, pendant le temps passé à l’hôpital, l’idéal – s’il n’y a pas de crèche d’entreprise où l’on peut retrouver son bébé – est de tirer son lait. La loi prévoit deux fois trente minutes par jour pour les femmes qui allaitent. « On peut aussi mettre à profit toutes ses pauses, propose Claude Didierjean-Jouveau. Si la jeune mère et ses collègues sont à l’aise, il ne faut pas hésiter à tirer son lait en salle commune, afin de ne pas s’exclure des moments de convivialité. » Les tire-laits les plus efficaces sont les électriques à double-pompe, disponibles à la location en pharmacie. « Rien ne sert de se focaliser sur la quantité que l’on recueille, cela ne ferait que stresser la jeune mère, conseille-t-elle. Si l’on craint que le bébé n’ait pas assez de lait pour la journée, on peut aussi prévoir du lait maternisé ou des aliments solides, en fonction de son âge, tout en continuant d’allaiter. »
Pour que l’allaitement se poursuive au mieux, la nounou (ou toute personne qui garde le bébé) peut mettre en place quelques astuces. Ainsi, surtout dans les premiers mois, il arrive que les bébés qui ont découvert les biberons se désintéressent du sein. Pour éviter cela, il est possible de les nourrir au gobelet ou à la tasse à bec souple, dès le plus jeune âge. Autre solution : tenir l’enfant le buste assez droit, afin que le biberon soit à l’horizontale et qu’il stimule lui-même l’arrivée du lait dans sa bouche(1). Enfin, certains bébés ne boivent pas beaucoup quand ils sont gardés et se rattrapent quand ils retrouvent leur mère. il est donc inutile de se focaliser sur les quantités prises dans la journée si le bébé boude ce qu’on lui propose. les indicateurs habituels (plusieurs couches lourdes d’urine par jour, prise de poids selon la courbe OMS) suffisent à évaluer si le bébé reçoit un apport alimentaire suffisant.
→ Poursuivre l’allaitement à la demande quand on est avec son bébé.
→ Tirer son lait si c’est possible, et le conserver dans un frigo, sur une clayette propre. Prévoir une glacière pour le transport jusqu’au domicile. en cas de sensation d’engorgement, on peut aussi exprimer un peu de lait manuellement pour éviter qu’un canal lactifère se bouche(1).
→ Demander à son médecin ou sa sage-femme une prescription pour un tire-lait électrique double-pompe pour toute la durée de l’allaitement.
→ Conserver une bonne hygiène de vie, en mangeant sainement et en buvant à sa soif. À part l’alcool, rien n’est interdit pendant l’allaitement : on peut même avaler jusqu’à trois tasses de café par jour.
→ Échanger avec d’autres mères qui ont continué à allaiter après leur reprise, via des associations ou des forums, pour s’enrichir de leur expérience.
Le nouveau code du travail, en vigueur depuis le 1er juillet 2018, stipule que « pendant une année à compter du jour de la naissance, la salariée allaitant son enfant dispose à cet effet d’une heure par jour durant les heures de travail » (art. L1225-30). il reprend à cet égard des dispositions législatives effectives depuis plusieurs années. les articles suivants prévoient que la mère soit autorisée à allaiter sur son lieu de travail, et que les entreprises de plus de 100 salariés mettent à disposition une salle réservée à cet usage. le fait de tirer son lait n’est pas mentionné, ni pour l’autoriser ni pour l’interdire. Cependant, une circulaire datant de 1995 est parfois opposée aux fonctionnaires qui souhaitent tirer leur lait : elle stipule que seul l’allaitement dans une crèche d’entreprise est permis. Martine Herzog-evans, maître de conférences en droit, a néanmoins affirmé à la Leche League(1) qu’« une circulaire n’étant pas une véritable norme juridique », le droit commun doit s’appliquer, même dans la fonction publique.