RENCONTRE AVEC
CARRIÈRE
PARCOURS
Mon métier m’a toujours passionné, je ne me suis jamais ennuyé et n’ai jamais été amer, même dans les pires moments », affirme Jean-Noël Debourg. Pourtant, avant d’intégrer le Cegidd Saint-Adrien, du conseil départemental des Bouches-du-Rhône, à Marseille, cet infirmier a traversé des temps douloureux. Après avoir rédigé, en 1993, son mémoire de fin d’études sur la difficile prise en charge des patients toxicomanes à l’hôpital, il a en effet choisi d’intégrer un service de médecine infectieuse. C’était « l’époque dramatique » où les malades du sida mouraient en masse. De ces huit années passées à lutter contre le VIH et qui ont vu l’arrivée des trithérapies, il retient toutefois qu’elles ont eu le mérite d’améliorer les soins. « Mes patients toxicomanes m’ont appris à travailler autrement et à me remettre en question », reconnaît-il. Après un tel investissement cependant, la saturation l’a gagné. « La charge de travail était énorme. On œuvrait beaucoup avec les associations : Aides, Act Up… Le sida, c’était la maladie de la honte. Il fallait une sacrée motivation ! À un moment, il faut savoir s’arrêter pour mieux revenir ensuite. » Et c’est ce qu’il a fait : après un détour par la psychiatrie, il a rejoint en 2004 les équipes du Département pour exercer dans un centre de lutte contre la tuberculose, puis en consultation de dépistage anonyme et gratuit (CDAG).
→ Polyvalence et humanité. Au Cegidd, Jean-Noël Debourg apprécie la diversité de son quotidien. « Ce n’est pas routinier du tout. Un jour, on fait des entretiens, un autre des soins, une fois, on est sur une action extérieure ou bien on participe à une réunion ou à une formation. Il faut préparer les dossiers pour les consultations médicales, gérer les stocks de matériel… », détaille-t-il. La variété des publics et la forte dimension humaine de l’exercice conviennent particulièrement à cet infirmier pour qui il importe « d’accepter les personnes telles qu’elles sont, sans juger leurs pratiques ou leurs origines ». L’IDE a aussi plaisir à mettre son expérience en médecine infectieuse à contribution. « Elle me permet de dédramatiser le soin, de rester serein et de détendre les personnes. En cas d’annonce d’une séropositivité, je peux les aider à rebondir. Je leur dis : “Allez, on avance, on ne reste pas sur un échec, maintenant, il faut agir.” J’ai vu tellement de gens qui en mouraient… » Aujourd’hui, il constate avec joie les évolutions de la prise en charge. « Je ne vois presque plus de personnes hospitalisées. Les gens vivent quasi normalement, ils peuvent avoir des enfants, c’est un progrès faramineux ! » s’enflamme-t-il.
→ Un infirmier heureux. Malgré sa belle expérience, Jean-Noël Debourg a conservé sa soif d’apprendre. Au Cegidd, il a suivi avec intérêt diverses formations : sur les Trod, les hépatites virales, la santé sexuelle… ou participé à des conférences sur les questions de laïcité, de religion, en lien avec les soins. « Nous pouvons réactualiser régulièrement nos connaissances et faire évoluer nos pratiques », assure-t-il. L’équipe, qui compte six infirmiers, se révèle en outre très soudée. « Il y a beaucoup de concertation entre professionnels, on fait énormément avancer les choses par ce biais, c’est très intéressant », explique-t-il. Chacun connaît le travail de l’autre et ses limites. « Si j’ai une question, je sais à qui m’adresser et j’obtiens une réponse. À l’hôpital, souvent, on devait naviguer seul. Les médecins étaient débordés et c’était : “Fais au mieux, débrouille-toi”. Ici, on a de vrais échanges, on ne se sent jamais seul », poursuit-il. La forte autonomie laissée, la possibilité de prendre du temps avec les patients, les bonnes conditions de travail dues en partie au fait que « le conseil départemental nous offre de sacrés moyens », font que, « si ce n’est pas évidemment la fête tous les jours », Jean-Noël Debourg estime « avoir trouvé là le bonheur dans le travail. Aujourd’hui, pour un infirmier, c’est un peu un luxe ! » Preuve de son enthousiasme : ce passionné, qui vient d’atteindre l’âge de la retraite, entend bien faire durer l’expérience un peu plus longtemps.
1993 : Obtient le diplôme d’État infirmier.
1994-2002 : Exerce dans le service de médecine infectieuse de l’hôpital de la Conception, à Marseille.
1995-1998 : Se forme à l’approche médico-psychosociale des personnes vivant avec le VIH et obtient un DU en soins palliatifs et un DU en science clinique et technique infirmière.
2013 : Rejoint le Cegidd Saint-Adrien, à Marseille.