L'infirmière Magazine n° 396 du 01/09/2018

 

RENCONTRE AVEC

CARRIÈRE

PARCOURS

Florence Raynal  

Mon métier m’a toujours passionné, je ne me suis jamais ennuyé et n’ai jamais été amer, même dans les pires moments », affirme Jean-Noël Debourg. Pourtant, avant d’intégrer le Cegidd Saint-Adrien, du conseil départemental des Bouches-du-Rhône, à Marseille, cet infirmier a traversé des temps douloureux. Après avoir rédigé, en 1993, son mémoire de fin d’études sur la difficile prise en charge des patients toxicomanes à l’hôpital, il a en effet choisi d’intégrer un service de médecine infectieuse. C’était « l’époque dramatique » où les malades du sida mouraient en masse. De ces huit années passées à lutter contre le VIH et qui ont vu l’arrivée des trithérapies, il retient toutefois qu’elles ont eu le mérite d’améliorer les soins. « Mes patients toxicomanes m’ont appris à travailler autrement et à me remettre en question », reconnaît-il. Après un tel investissement cependant, la saturation l’a gagné. « La charge de travail était énorme. On œuvrait beaucoup avec les associations : Aides, Act Up… Le sida, c’était la maladie de la honte. Il fallait une sacrée motivation ! À un moment, il faut savoir s’arrêter pour mieux revenir ensuite. » Et c’est ce qu’il a fait : après un détour par la psychiatrie, il a rejoint en 2004 les équipes du Département pour exercer dans un centre de lutte contre la tuberculose, puis en consultation de dépistage anonyme et gratuit (CDAG).

→ Polyvalence et humanité. Au Cegidd, Jean-Noël Debourg apprécie la diversité de son quotidien. « Ce n’est pas routinier du tout. Un jour, on fait des entretiens, un autre des soins, une fois, on est sur une action extérieure ou bien on participe à une réunion ou à une formation. Il faut préparer les dossiers pour les consultations médicales, gérer les stocks de matériel… », détaille-t-il. La variété des publics et la forte dimension humaine de l’exercice conviennent particulièrement à cet infirmier pour qui il importe « d’accepter les personnes telles qu’elles sont, sans juger leurs pratiques ou leurs origines ». L’IDE a aussi plaisir à mettre son expérience en médecine infectieuse à contribution. « Elle me permet de dédramatiser le soin, de rester serein et de détendre les personnes. En cas d’annonce d’une séropositivité, je peux les aider à rebondir. Je leur dis : “Allez, on avance, on ne reste pas sur un échec, maintenant, il faut agir.” J’ai vu tellement de gens qui en mouraient… » Aujourd’hui, il constate avec joie les évolutions de la prise en charge. « Je ne vois presque plus de personnes hospitalisées. Les gens vivent quasi normalement, ils peuvent avoir des enfants, c’est un progrès faramineux ! » s’enflamme-t-il.

→ Un infirmier heureux. Malgré sa belle expérience, Jean-Noël Debourg a conservé sa soif d’apprendre. Au Cegidd, il a suivi avec intérêt diverses formations : sur les Trod, les hépatites virales, la santé sexuelle… ou participé à des conférences sur les questions de laïcité, de religion, en lien avec les soins. « Nous pouvons réactualiser régulièrement nos connaissances et faire évoluer nos pratiques », assure-t-il. L’équipe, qui compte six infirmiers, se révèle en outre très soudée. « Il y a beaucoup de concertation entre professionnels, on fait énormément avancer les choses par ce biais, c’est très intéressant », explique-t-il. Chacun connaît le travail de l’autre et ses limites. « Si j’ai une question, je sais à qui m’adresser et j’obtiens une réponse. À l’hôpital, souvent, on devait naviguer seul. Les médecins étaient débordés et c’était : “Fais au mieux, débrouille-toi”. Ici, on a de vrais échanges, on ne se sent jamais seul », poursuit-il. La forte autonomie laissée, la possibilité de prendre du temps avec les patients, les bonnes conditions de travail dues en partie au fait que « le conseil départemental nous offre de sacrés moyens », font que, « si ce n’est pas évidemment la fête tous les jours », Jean-Noël Debourg estime « avoir trouvé là le bonheur dans le travail. Aujourd’hui, pour un infirmier, c’est un peu un luxe ! » Preuve de son enthousiasme : ce passionné, qui vient d’atteindre l’âge de la retraite, entend bien faire durer l’expérience un peu plus longtemps.

MOMENTS CLÉS

1993 : Obtient le diplôme d’État infirmier.

1994-2002 : Exerce dans le service de médecine infectieuse de l’hôpital de la Conception, à Marseille.

1995-1998 : Se forme à l’approche médico-psychosociale des personnes vivant avec le VIH et obtient un DU en soins palliatifs et un DU en science clinique et technique infirmière.

2013 : Rejoint le Cegidd Saint-Adrien, à Marseille.