ORDRE NATIONAL INFIRMIER
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Le décret prévoyant l’inscription automatique des infirmières au tableau de l’Ordre a été publié au début de l’été. Que doivent faire les infirmières ? Suivez le guide.
Patrick Chamboredon, président de l’Ordre national infirmier (ONI), a le triomphe modeste. Alors que le vœu de l’institution qu’il dirige, qui attendait depuis des années que soit rendue effective l’obligation d’être inscrit au tableau, vient d’être exaucé par un décret du 10 juillet dernier(1), le Marseillais est loin de pavoiser. « C’est un texte qui manquait dans le dispositif actuel, nous sommes assez satisfaits de voir que les choses avancent », déclare-t-il. Et pourtant, il y aurait pour lui de quoi crier victoire. Car ce que prévoit ce décret, c’est tout simplement une alliance entre l’ONI et les employeurs des infirmières (hôpitaux, cliniques, collectivités territoriales…) pour dresser la liste des récalcitrantes et les inscrire automatiquement au tableau. Charge à elles de régulariser ensuite leur situation.
Dans un premier temps, les directions des ressources humaines des structures employant des infirmières vont adresser à l’ONI la liste complète de celles qui travaillent chez elles. Puis, l’ONI rapprochera ces listes de celle de ses membres, et prendra contact avec les IDE en exercice non encore inscrites. « Nous allons écrire à ces personnes pour leur dire qu’elles ont l’opportunité de régulariser leur situation », explique Patrick Chamboredon.
Les destinataires seront alors réputées provisoirement inscrites, et seront priées de renvoyer certains documents (copie de leur pièce d’identité, copie du diplôme leur permettant d’exercer en France… mais pas de chèque : elles sont exonérées de la cotisation de 30 € la première année). Si elles n’obtempèrent pas, une relance leur sera adressée au bout de trois mois, et elles auront à nouveau un mois pour se mettre en conformité. À terme, l’inscription provisoire cessera, et l’employeur sera informé que l’infirmière exerce illégalement. L’Ordre dit attendre les premières listes « au plus tard le 1er octobre 2018 ». Celles-ci seront ensuite réactualisées tous les trois mois. Patrick Chamboredon espère qu’au bout d’un an, l’immense majorité des IDE salariées non encore inscrites à l’Ordre le seront. On remarque que les Idel ne sont pas concernées : elles sont pour la plupart déjà inscrites, car c’est une demande de l’Assurance maladie pour rembourser leurs actes. Les étudiants en soins infirmiers non plus : ils ne doivent s’inscrire qu’une fois diplômés.
Reste une grande question : que risquent les réfractaires ? En théorie, la réponse est claire, et elle fait froid dans le dos : « Deux ans d’emprisonnement, 30 000 € d’amende et des poursuites disciplinaires pour exercice illégal de la profession », avertit Maialen Contis, avocate spécialisée en droit de la santé, qui travaille particulièrement sur les questions d’exercice illégal. Mais en pratique, il est peu probable que de telles sanctions soient appliquées.
« Je ne vais pas courir après les gens, avoue Patrick Chamboredon. Nous n’avons jamais eu pour politique de recourir à la coercition. » Celui-ci indique que l’Ordre pourrait engager des poursuites « si le nombre de non-inscrits devient marginal ». Maialen Contis confirme qu’elle n’attend pas non plus une explosion du contentieux pour exercice illégal de la profession : « Les parquets, qui pourraient en théorie poursuivre, ont d’autres chats à fouetter. » Mais elle avertit tout de même : « Au détour d’un autre dossier, si par exemple un infirmier a commis une faute dans l’exercice de ses fonctions, un plaignant pourrait avoir l’idée de vérifier s’il est bien inscrit à l’Ordre. » Ceux qui, à l’instar du syndicat FO, continuent après la publication du décret à appeler au boycott de l’ONI, pourraient peut-être avoir intérêt à reconsidérer leur position.
1- Voir : bit.ly/2N2TWnR
→ 2006 : parution de la loi créant l’Ordre infirmier.
→ 2008 : premières élections ordinales.
→ 2010 : projet de loi de Roselyne Bachelot (finalement rejeté) pour réserver l’obligation d’adhérer aux Idel.
→ 2011 : faute d’adhésions, l’ONI est au bord de la cessation de paiement.
→ 2012 : plan de restructuration et début de l’apurement de la dette de l’Ordre.
→ 2017 : le Conseil d’État condamne le gouvernement à publier le décret sur l’inscription automatique sous six mois.
→ 2018 : parution du décret sur l’inscription automatique.