Douleurs, fatigue, contraintes de la stomie, isolement social, honte… Les Mici chamboulent en profondeur la vie et l’image corporelle des malades. Témoignages
Quand Sophie, 29 ans, est prise de diarrhées et de douleurs au ventre persistantes après un voyage en Chine, il y a quelques années, elle se rend naturellement chez son généraliste. « Il a semblé dire que c’était normal, et lié à mon voyage. Il m’a donné quelques médicaments et un régime sans résidu pendant un mois », se souvient la jeune femme. Les choses rentrent dans l’ordre mais, un an après, les symptômes réapparaissent, plus intensément. « Je ne pouvais plus manger. Et j’ai commencé à avoir mal aux coudes, aux genoux, aux chevilles… J’avais du mal à me déplacer. J’étais tellement fatiguée que je ne pouvais pas faire grand-chose », continue-t-elle.
Le médecin de Sophie l’envoie alors à l’hôpital, en service de médecine interne, où elle passe des examens exploratoires et sanguins. L’annonce du diagnostic est chaotique. « Quand je me suis réveillée de ma coloscopie, on m’a dit, mot pour mot, que j’avais “une maladie très grave”. J’ai pensé au pire et je me suis rendormie avec cette phrase dans la tête. » Transférée en service de gastro-entérologie, on lui dit finalement qu’elle a la maladie de Crohn. « J’étais presque soulagée. Mais j’ai eu du mal à accepter l’idée d’une maladie auto-immune, où mon corps se rebelle contre lui-même, à l’évolution imprévisible. »
Malgré son traitement, un anti-inflammatoire intestinal, Sophie souffre toujours fréquemment de douleurs au ventre. « Elles peuvent me limiter dans ma manière de profiter des moments. M’allonger peut me soulager. Mais ce n’est pas toujours possible », constate-t-elle. Sa maladie la plonge souvent dans des états de fatigue « improbables ». « Parfois, quand je suis sans symptômes, je sens quand même mon système immunitaire en ébullition, qui lutte… » La maladie est de l’ordre pour elle de la « charge mentale ». « Elle me stresse, il y a peu de jours où je ne pense pas à elle. J’ai plus de choses à prendre en compte. Par exemple, j’ai peur de partir en week-end avec un grand groupe d’amis. Je préfère partir avec des amis proches qui savent ce que j’ai. Avec eux, s’il arrive quelque chose, je n’ai pas besoin de me justifier et me cacher. »
Michel, 62 ans, a été stomisé après une maladie de Crohn. Il a aussi connu cette « charge mentale », et même l’isolement social. Il a longtemps souffert de manifestations ano-périnéales de sa maladie. « J’avais des abcès et fistules anales, et il fallait que la zone puisse cicatriser, rapporte-t-il. Cela fait onze ans que je vis avec une stomie. D’abord momentanée, elle est devenue permanente. » Ses débuts avec la stomie sont difficiles. « Mon matériel n’était pas adapté. Les selles coulaient et s’infiltraient sous le socle, et me brûlaient la peau. Une fois, j’ai eu huit fuites dans la même journée. » Michel vit en Lozère, département où il n’y a pas d’équipe de stomathérapie. Et il ne trouve pas, à l’époque, les compétences et l’écoute dont il a besoin auprès de l’équipe médicale. Sa situation lui provoque des problèmes psychologiques et d’estime. « J’étais obligé de surveiller ma poche en permanence. C’était presque une obligation de rester enfermé, tant j’avais peur de me salir en public. » À l’époque, il ne travaille pas mais renonce, en plus, à ses activités associatives. Au bout de deux ans de galère, Michel trouve finalement la solution à ses problèmes de matériel. C’est alors tout un processus de remise en confiance qu’il doit amorcer pour recommencer à sortir et vivre.
Le port de la stomie demande au sexagénaire une hygiène très rigoureuse au quotidien. Mais la question la plus difficile pour lui demeure celles des toilettes à l’extérieur. « Ma stomie ne se voit pas et j’ai du mal à faire comprendre aux gens que j’ai besoin d’utiliser les toilettes pour personnes handicapées pour vider la poche. Il faut souvent que je puisse prendre mes aises, me baisser, suspendre mes vêtements, voire étaler mon matériel de stomie. » Nombre de toilettes (exiguës, à la turque, sans bon éclairage, sans miroir…) ne sont pas adaptées. « Aujourd’hui, je vais bien mieux. Je suis apaisé », admet-il.